"Jean-Louis Costes, sous-performer scato."

Télérama - 12 août 2006

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(REVUES ?)

 

  SOURCES (pour revenir sur le site utilisez le bouton RETOUR de votre navigateur)

 

 

 

(SITES WEB ?)

 

"COSTES SE LA COUPE EN PUBLIC". Pour lire l'article cliquer ici

Article dans SPIN MAGAZINE (1989). Pour lire l'article cliquer ici

Enquête "LES HOMOS VUS PAR LES ROCKERS"  (ANDROZINE n°14, 1990). COSTES est interrogé. Pour lire l'enquête cliquer ici.

 

 

 

 

 

Interview manuscrite de Jean-Louis COSTES à l'atelier Les Limbes en décembre 1994 pour les éditions TERRE NOIRE (Merci à SPEEDY DELLA MORTE POUR L'INFO)

MAGAZINE ACTUEL "UNDERGROUND ATTITUDE" (Avril 94) (téléchargement format .PDF

 

 

 

 

 

 

 

Interview pour la fanzine EXTRA JAZZ n°25 de decembre 1995, numéro spécial Jean Louis COSTES, 'Les gros cons font ouh ouh en agitant les bras' (téléchargement format RAR)

MAGAZINE PENTHOUSE n°135 "COSTES LE DEGENERE DU SEXE" (Dominique Rebellini-Penthouse-Avril 1996) (téléchargement format .PDF)

 

 

 

 

 

 

 

ABUS DANGEREUX (Novembre 97) (téléchargement format .PDF)

 

 

 

 

 

 

TECHNIKART (Décembre 2000)

"COSTES TOUJOURS" (Mars 2001)

"L'OBSCENE PUBLIC" (Mars 2001)

ABUS DANGEREUX Face 71 (Avril-Mai 2001) (téléchargement format .PDF)

 

 

 

 

 

 

ANARKO PUNK FANZINE ( Hors serie n° 1 "Special Sexe"- Avril 2003)

 

 

 

 

 

 

'COSTES: LE BORBORITE CONVULTIONNISTE'. Extrait du texte de Laurent James dans CANCER n°8

 

 

 

 

 

 

AMPHETAMINES n°4 (téléchargement format .PDF)

 

 

 

 

 

 

TANT PIS POUR VOUS, "COSTES DESTROY MAN" (Septembre 2004) INDISPONIBLE

 

 

 

 

 

 

 

 LIBÉRATION (juin 2005)

 

ECHOS DES SAVANES décembre 2005 (téléchargement format RAR)

 

 

 

 

 

 

IVG (Fanzine, janvier 2006)

Article 'LA RAGE EN DEDANS' dans l'édition du 23.02.06

BORDEAUX 7 mars 2006 (téléchargement format PDF)

Jean-Louis Costes, Entretien avec Marc Alpozzo, "Ca fait jouir de pouvoir lire dans les tripes de la tête d'un écrivain", La Presse Littéraire, n°4, Mars 2006 (Merci à SPEEDY DELLA MORTE)

 

 

 

 

 

 

Article PREMIER ROMAN ULTRA COSTIQUE, vendredi 10 mars 2006, p. 22

Article ON Y ETAIT  lundi 13 mars 2006, p. 22

INTERVIEW pour le numéro du 16 mars 2006 de VENTILO magazine gratuit marseillais

 

 

 

 

 

 

 

Article LA CHAIR ET LA CROIX dimanche 9 avril 2006, p. 11

 

GRAFF IT (n°18 - Avril 2006) (téléchargement au format PDF)

 

 

 

 

 

 

STANDARD MAGAZINE (n°11 - Avril 2006) (téléchargement au format RAR)

 

 

 

 

 

 

TECHNIKART "J'AI FOUTU LE FEU A LA GUYANE, T'IMAGINES ?" (TEKNIKART n°100 - Avril 2006) (téléchargement au format RAR)

 

 

 

 

 

"MERDE A CELUI QUI LE LIRA", portrait de COSTES par Emmanuel PONCET, LIBERATION du 27 avril 2006

 

 

 

 

 

 

"PAPA CACA", portrait de Jean Louis COSTES, Petit Bulletin édition Lyon du 24 mai 2006

Petite présentation de COSTES et du roman GRAND PERE (édition du 6 juin 2006)

"JEAN LOUIS COSTES : PARIA LA PROVOC" Portrait dans le NOUVEL OBSERVATEUR du vendredi 9 juin 2006

FHM - Aout 2006 (telechargement au format .GIF)

 

 

 

 

 

 

 

Interview pour la revue PRIM ESCAPE N°3

 

 

 

 

 

 

Texte COSTES & CUL (Irreverent n°1, octobre 2006) INDISPONIBLE

Il s'appelle Jean-Louis Costes. Il est tout l'inverse des lieux parisiens du même nom, authentique, rageur, trash. Il écume depuis des décennies la scène underground française avec ses spectacles, il chante, hurle, insulte, se torture, saigne, défèque au besoin, c'est une voix unique, essentielle, flippante devenue un personnage culte. L'année dernière, il est entré dans la littérature par une porte dérobée, son roman "Grand père" a été publié aux éditions Fayard. C'est une épopée sublime d'un homme et de sa violence, passant des plaines emplies de cosaques et de loups au début du siècle, à la guerre absurde et ses mercenaires en Afrique du Nord, à la France frileuse et ses femmes, à la jungle des échappés de Cayenne pour finir dans un HLM devant un écran de télé. Costes a accepté d'écrire une nouvelle pour Irreverent inspirée par l'empire, elle est baptisée "Costes & Cul".

 

Présentation de COSTES dans la revue canadienne MONTREAL MIRROR (vol 22, n°42, du 12.04.07 au 18.04.07)

 

 

 

 

 

 

"MAUDIT ARTISTE", interview de Jean Louis COSTES, Petit Bulletin édition Grenoble du 24 mai 2006 (Pour lire l'article au format PDF, cliquez ici)

 

 

 

 

 

 

"Scatological noise artist Jean-Louis Costes and pals hit the Smiling Moose.", pittsburgh city paper, 8 mars 2007

 

BONUS !

Lettre d'une non-admiratrice à NOVA MAGAZINE

Interview-comparaison entre COSTES et Marcel Proust par ???? en ????

Annonce du show "The Holy Virgin Cult" au Club Mummy dans ???????

LE SPECTACLE DU CÉLÈBRE PERFORMER FRANÇAIS JEAN-LOUIS COSTES À QUÉBEC ANNULÉ 

 


ANARKOPUNK FANZINE

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Qui n’as pas entendu parler (en bien ou en mal, souvent en mal) de Jean –Louis Costes ? Pour ceux qui habiteraient sur Mars, je fais un récapitulatif : cet homme est l’auteur de nombreux spectacles pornos-trashs et de disques, abordant des thèmes tels que la sexualité, le racisme, la police, la pédophilie etc… avec un point de vue très subversif et dérangeant qui lui a valu de nombreux ennuis avec la justice et les biens-pensants. Il est donc aujourd’hui dans une situation très délicate ce qui explique la teneur très amère de ses propos.

  1)      Peux-tu te présenter ?

Je passe 90% de mon temps à me branler et à zoner chez moi sans sortir. Les autres % je me filme en train de me branler ou bien je gueule dans un micro des cris de pédé en rut. J’appelle ça de l ‘art.

2)      C’est pas trop dur la vie en seine st denis depuis NTMFN ? Tu as eut des nouvelles des NTM depuis ?

Je reçois pas mal de menaces de mort par mail et téléphone. Des fois j’ai vraiment peur. Je suis obligé de toujours faire attention. J’ai peur de sortir. J’ouvre jamais les volets et ma porte est blindée. Mais je résiste encore !

3)      Tu en es où de tes procès ?

L’union des étudiants juifs de France et ses alliées de la LICRA, la LDH et le MRAP me font encore un procès en 2002. Ce sera la 5ème fois que je serai jugé depuis 1997 à cause de ces assos que je hais. Je n’ai pas eut une journée tranquille depuis. Ils me pourrissent la vie. Ils vont me détruire matériellement mais je vais les anéantir intellectuellement.

4)      Vis-tu de ce que tu fais ?

Je bouffe du pain avec des oeufs crus. Mes ventes de disques payent le pain et les œufs.

5)      Avec toutes ces emmerdes, qu’est-ce qui te motives pour continuer ?

La haine et la frustration

6)      Tu as l’air de haïr tout et tout le monde, est-ce qu’il y a des choses que tu aimes ?

Je ne m’aime même pas moi-même. J’apprécie peut-être un peu le chat pur sa grâce.

7)      Il paraît que certaines villes ont refusé ta présence,  lesquelles ? Comment s’y prennent-ils pour t’empêcher de te produire et quels motifs invoquent-ils ?

La LICRA a fait campagne contre moi en suisse en me faisant passer pour un nazi : des shows ont été annulé, la police est venue m’arrêter, des gens ont cassé tout le matériel sur scène et nous avons été blessés. En France, quand la salle de spectacle dépend de subventions municipales ou de l’état, il est très possible qu’un de mes spectacles soit annulé. Mais dans les milieux vraiment indépendants, il n’y a aucun problème. Ils ne baissent pas leur froc devant le premier connard qui leur fout la pression au téléphone.

8)      Toi qui est contre la censure, penses-tu qu’il faille néanmoins un âge minimum pour voir tes shows ?

Non. Il y a des enfants de un an qui voient mes shows et qui dansent devant. Ils adorent surtout les passages où je bouffe ma merde ! Ils se reconnaissent !

9)      Si tu avais quelque chose à censurer dans les médias d’aujourd’hui, que censurais-tu ?

Je ne censurerai rien. Je veux juste que les gens lâchent cette merde et que toute cette maffia du show-bizz et de l’art subventionné crève toute seule.

10)  Quels sont les gens, les œuvres qui t’ont influencé ?

Je n’écoute rien, je ne regarde rien, je ne fréquente personne. Je m’auto-influence comme le crabe qui s’auto-encule.

11)  Tu cites « l’unique et sa propriété » de Stirner comme étant une une de tes références, te considère-tu comme anarchiste ?

Je hais les anarchistes organisés genre fédération anarchiste. Je suis probablement anarchiste au sens où un rat d’égout est anarchiste. Sirner ? Ouais… J’ai essayé de le relire et maintenant il me fait chier aussi !

12)  Tu es très apprécié dans le milieu punk/ hardcore, pourquoi à ton avis ? Quelles sont tes relations avec ce milieu, t’en sens-tu proche ?

J’aime tout ce qui est qualifié de « hard-core ». J’aime la violence. Ça me calme, ça me relaxe. Les punks hardcore  ça doit être pareil pour eux. En moi ils apprécient l’extrême violence et le dépeçage physique et mental.

13)  C’est vrai que tu vas jouer dans film d’Ovidie ? D’où la connais-tu , que pense-tu de ce qu’elle fait ?

J’ai joué dans un film d’Ovidie. J’aime beaucoup la personne réelle cachée derrière Ovidie, mais le personnage médiatique me déçoit et le milieu porno où elle évolue me dégoûte.

14)  Parle-moi de tes deux derniers disques…

Deux derniers ? Euh… J’en fait tellement, je sais même plus quels sont les deux derniers. Je sors un Cd par jour. Sur le Cd de hier j’ai chié une heure. Sur celui d’aujourd’hui j’étais constipé.

15)  Quels sont tes projets ?

Je réalise actuellement un gros long métrage, un machin psychologique et dramatique en collaboration avec Darline Monfort. Nous mettons le paquet, et comme on est totalement mythos, on va sortir le film en salle en 35mm et devenir des stars et foutre dehors tout ce show-bizz de merde et prendre leur place et eux les foutre dans notre HLM pourri. Dégagez les tarés de la télé ! Y’a Costes et la Monfort qui se pointent ! ça va cartonner !

16)  Quelque chose à rajouter ?

Je vais crever.


FECAL MASTER PRODUCTIONS

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Prepare for one of the true pioneers of boredcore/noise hailing out of France.Starting out in the 80's,Costes has made quite a collection of material.Ranging from books,cds,tapes,videos,and more.Also performing with Lisa Suckdog,original queen of sleaze boredcore noise and being called the french equivilant of GG Allin.Costes' performances have been said to be art to social deviance to instigating social/political change.But in reality they are a porno-social opera of fetishistic characters and sexual situations with metaphors and lots of meanings.Let's delve into the maddening mind of this veteran noise pioneer and see what the coprophiliac Costes has to say....

Q: Please let us know your name?

A: My name is Costes, my parents were living naked, eating only potatoes and french stinky cheese on the mountains of the wild mountains. that's why they were called Costes, meaning the monkey at the top of the hill.

Q: What is it like in France?

A: I am living in an arab neighborhood. The young guys are dressed like Ben Laden. It is a fashion here. They go to the supermarket dressed as going to the battle field, but still wearing Nikes, and they buy Mecca Cola rather than Coca-Cola. Each time a tower or a railway station explodes, they dance happy in the streets. This is France in 2004. The only left old style catholic french are the naked nuts at the top of the forgotten moutain.

Q: Give a brief history of where you got the idea come to create your solo project Costes?

A: I wad playing in a hard-rock band in 1975. We just playing only covers of Deep Purple. In fact only Smoke on the water, because I could play the bass on one string. I was supposed to be the singer, but the guys thought I was plaing and singing too much out of tune. So they fired me. And now this is 30 years I play alone at home. I wanted to be a pop-star and I ended being the yelling bum.

Q: What are your influences?

A: I never listen music, neither watch film or talk to people. My only left influence is me. Masturbation is the main influence. There is the violent song before mastrubation and the depressed song after masturbation.

Q: How many people are in Costes currently?

A: Me, me and me. But for shows people join me. Drunk bums show their dick and sluts show their butt.

Q: What type of music do you consider Costes?

A: My music is a mix of noise and song. I sing on noise and I yell on melodies. This is because I love at the same time easy listening music and hard-core noise. And I try to put as much as possible pathos in the most obscene violent lyrics I can imagine. The most violent the song is, the most I feel relaxed after listening to it.

Q: What is your political and religious beliefs?

A: I believe I will die very soon. This is the engine of my creativity. To create as much as possible before death. Death is my only faith.

Q: What do you think of Christians?

A: I am catholic. I love rituals more than the message. Any faith is ok for me as long as I feel moved by an intense ritual.

Q: What is behind the songs of Costes?

: Frustration bringing hate and despair... And sometimes a joke.

Q: What is the imagery you are trying to convey thru the media you have chosen?

A: I don't have any aim in my music. I do it without understanding what it means. This is a messy flow of intense images, wars and warriors and princess and goddess. My brain live in the dark age in the middle of nowhere.

Q: How many official releases does Costes have?

A: There are hundreds of CDs, tapes, live shows, films on american, japanese and european labels, but none are official.

Q: Has Costes played live and if so with who and where?

A: I have played more than 500 live shows in ten years. Four tours in USA, the last one being in 2003, and many tours in europa, and one tour in Japan.

Q: What is a typical show like?

A: It is what I call a porno-social opera. It is based on a story like a broadway musical, except it is gross obscene violent and mostly nude. In this way it is like the classic operas who were

always very violent stories of crime and incest breaking all taboos. The music is mainly on a backing tape. the voices are live. There are two, three or four singers-actors. The story goes through songs and wild action. It lasts about an hour. for evey tour i create a brand new opera, with new story, new music, new actors.

Q: What is your involvement with Lisa Suckdog,please give a brief history?

A: I have been married to Lisa Suckdog in the 90's. The style I perform on stage was invented with her. At first we were doing those operas together. Then she decided to become a writer and I did the next operas with different people. But she stays for me the unchallenged icon of this style.

Q: What do we expect soon from Costes?

A: I just released the DVD of the USA tour Holy Virgin Cult, available in European PAL and USA/ Japan NTSC video standards (sold from my website). Two new cds in english are going to be released by american labels. and I will tour USA again in 2005.

Interview with:Costes

Interview by:The_Rev Ogre Snot Gurgle aka The_Rev Samekh Anubis Amoun-Ra

2004


PRIM ESCAPE

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Costes est un artiste qui n’aime pas les détours, encore moins les concessions. Son oeuvre foisonnante, à travers ses disques, spectacles ou vidéos, et même dernièrement un livre intitulé Viva la merda !, vise à mettre en évidence les faux tabous et les malaises de notre société pour mieux les briser en place publique. Elle laisse rarement indifférent et suscite souvent la controverse, comme en témoignent les procès à répétition et les tribunes assassines dont il a fait l’objet. Performeur jusqu’au-boutiste, après plus de vingt albums et des centaines de performances trash, Jean-Louis Costes poursuit aujourd’hui son œuvre de déconditionnement avec son nouvel opéra porno-social, Le culte de la vierge.

On va peut-être commencer par parler de ta nouvelle performance...
Le thème du show Le culte de la vierge est religieux. Giulio Nesi et moi jouons des pasteurs protestants qui partent en vrille sous l’influence du vaudou haïtien, que je connais de Saint-Denis. Ils commencent en costard et puis pètent un plomb, avec des moments de transe très intenses.

Comment réagissent les adeptes de ce nouveau "culte" ?
Il y a parfois des mouvements de panique impossibles à maîtriser. Des hordes de gros balèzes se précipitent vers la sortie de secours en se marchant les uns sur les autres pendant que nous leur balançons du chocolat liquide. Le problème qu’on a parfois, c’est de garder un espace scénique suffisant parce qu’il y a une bande de barjots qui prend d’assaut la scène et qui n’a qu’une envie, c’est d’exploser notre poupée gonflable. Il y a trop d’interactivité avec le public, c’est trop moderne ! C’est quand même un show "religieux", relativement réactionnaire. Et puis ça coûte cher, une poupée gonflable ! A la fin du show, on devrait jouer la scène de la partouze avec une poupée toute molle, on aurait l’impression de baiser une grand-mère toute flétrie.

C’est aussi une véritable cérémonie de transe vaudou ?
Je n’arrive pas au niveau des Haïtiens qui peuvent rester perchés un mois, possédés par des démons. On s’inspire du vaudou, on essaye de se mettre dans des états seconds, mais on est vraiment loin d’eux parce qu’on n’a pas une culture, un background. C’est un état modifié de conscience qu’on cherche à retrouver à chaque fois sur scène par la peur, le stress. La scène, ça me permet de faire des choses que physiquement, je ne pourrais jamais faire sinon. Je ne sais pas ce qu’il faudrait faire comme déjante pour s’exprimer autant physiquement, peut-être une guerre ou du sport de haut niveau. Des fois, je me fais chier dans le show, d’autres fois, c’est bien, on sort vraiment de nos gonds et on se réveille le lendemain matin sans être tout à fait redescendu. Et pourtant, on ne se drogue pas, c’est pour te dire.

Pourquoi la religion t’obsède-t-elle autant ?
Ah bon ? Ça ne m’obsède pas plus que ça. Tiens, je suis shintoïste depuis quinze jours. J’ai carrément un autel et je fais des offrandes. C’est hyper fort comme religion. Les dieux ne te demandent rien si ce n’est de faire des offrandes en échange de t’apporter des plans. Il n’y a aucun message moral, il n’y a aucune coordination philosophique, c’est n’importe quoi. Il n’y a pas deux shintos qui adorent la même chose, il n’y a pas de centralisation. C’est ce qu’ils faisaient dans leurs villages, c’est pour ça que les croyances sont éparpillées, chaque village avait les siennes. C’est un truc païen des Japonais, ce n’est pas bouddhiste. Au niveau des croyances, il n’y a pas de textes fondateurs. Tu fais toc-toc, tu tapes deux fois des mains. Ensuite, tu ramasses un papier pour voir ce qui va t’arriver, si ça ne te plaît pas, tu remets 100 yens et tu en ramasses un autre. Tu vois, ça a un côté tac-o-tac. Ce qui compte, c’est que tu paies. On ne me demande pas si je crois en quelque chose. Je sais même pas pourquoi je fais ça, les autres, je ne crois pas qu’ils en sachent plus. C’est un peu Disneyland.

Tu penses jouer au Japon... pour te rapprocher des sources du shinto ? Comment trouves-tu les plans pour jouer partout comme tu le fais, tu as un véritable réseau maintenant ?
Pour le Japon, ce n’est pas sûr. J’ai déjà joué là-bas une fois, mais là, je n’ai aucun plan, donc je ne peux pas dire pour l’instant. On joue souvent sur ma réputation, ça tourne surtout autour de ça. Mon réseau s’est renforcé avec l’Internet. En Allemagne, j’ai toutes les dates comme ça. En Autriche, c’est par Noël Akchoté, il me connaît par Rectangle, qui a sorti Nik ta race, et il habite en Autriche. Ça se répand de proche en proche. Pour les Etats-Unis à l’automne, on a déjà trois dates sans chercher. Je pense qu’on va en avoir dix ou quinze, peut-être plus, ça va être très facile. Il faut aussi préciser que j’avais déjà joué là-bas.

Existe-t-il un réseau Costes ?
Il y a un réseau Costes, comme tout le monde est en réseau, on a tous tendance à faire ça. Mais dans mon cas, c’est pas un système politique, ni un réseau de business, mon réseau se limite à ma passion, la musique. Ca marche que sur la passion et c’est vachement puissant. Maintenant, avec le mail, c’est encore plus puissant. Et après dix ans là-dedans, tu as cinq mille adresses, dans le monde entier, de gens qui ne peuvent rien faire dans le business de la musique, parce que le show business est une entreprise de destruction culturelle pas possible, une dictature qui détruit des millions d’artistes pour faire du business avec deux-trois connards. Tous ces gens qui sont frustrés de ça, ils ont réussi à s’organiser en utilisant la photocopie, Internet, le courrier, les tracts, les petits concerts dans les squatts et maintenant, ça fait un méga-réseau, c’est fou. Les salles dans lesquelles je joue, c’est peut-être pas des énormes salles, mais quelquefois, c’est la plus grosse salle de la ville. Quelquefois, un squatt peut faire plus d’entrées que toutes les autres boîtes réunies dans la ville, c’est pour ça qu’ils luttent contre, parce qu’ils coulent le business. Les squatts sont très puissants parfois, quand ils sont bien organisés. Et c’est un réseau très disséminé.

Arrives-tu à atteindre d’autres milieux que celui de la musique ?
C’est bizarre. Normalement, je devrais aussi toucher le milieu du théâtre, mais ça n’arrive jamais. Ils sont pourris par les subventions depuis au moins trois cents ans, depuis Molière. Ca fait longtemps que c’est un truc de pourris, le théâtre. Le "groupe de la petite fleur bleue" ou bien "de l’aqueduc vert", tous ces noms de oufs, genre "transcendance verticale", c’est uniquement pour les subventions. Ils ne font pas de spectacles, ils attendent qu’on leur file la monnaie. Ils sont tous prêts à faire des trucs pour les enfants, c’est dire. C’est absolument immonde, ils les prennent pour des cons, moi j’interdirais aux gosses d’aller voir des trucs comme ça.

Il n’y a pas d’endroits où la subvention est justifiée ?
Aucun. Je pense qu’il faut supprimer complètement le Ministère de la culture. Quand j’ai cru que la droite allait détruire le Ministère de la culture, j’ai adoré, putain, je votais direct, mais ils ne l’ont pas fait. En fait, ils n’ont pas osé y toucher. Ah non, il fallait péter tout le truc. Bon, admettons qu’ils entretiennent trois ou quatre monuments, mais ils détruisent tout avec leurs subventions. Dès que quelqu’un marche à la subvention, c’est simple, j’ai plus le droit de passer. La subvention, c’est tout de suite le calcul sur le contenu du spectacle et après, on nous vire direct. Et puis c’est d’abord les malins qui en profitent.

En quoi tes films se différencient-ils de tes shows, en particulier au niveau de l’improvisation ?
Ça n’a rien à voir, c’est des films à la con. J’écris un scénario et voilà. Il y en a où je suis bourré, je fous la caméra et je dis n’importe quoi. Là, c’est improvisé. Le côté bizarre, c’est que la moitié des acteurs, je les trouve en cours de route, personne ne croyant à rien quand il n’y a pas de fric. A partir de ce principe-là, le film devient vraiment dingue. En ce qui concerne les shows, c’est très peu improvisé, même les sorties. Au début, on a une phase où l’on teste nos sorties par rapport au public, parce qu’on ne peut pas trop prévoir les réactions ou les moments qui vont être les plus intenses. Après, on peut exploiter les réactions. Donc, ça fait un peu d’impro au début et après, je change le texte comme ça, pour me marrer. J’improvise le texte, sauf les chansons. Sinon, je cherche même pas à faire un long-métrage parce qu’il faut aller chercher l’argent au CNC (Centre National de la Cinématographie). Je ne l’aurai jamais, ils ne donnent qu’à leurs potes. Par exemple, Alice aux pays des portables est un film que j’ai fait entièrement, ça m’a pris huit mois de travail, c’est même pas trash. On avait trouvé un distributeur, on avait tout en main, on a eu aucune subvention pour pouvoir le passer en pellicule, ils nous l’ont refusée, ils n’ont même pas voulu le visionner.

Tu ne peux pas passer en cinéma ?
C’est complètement interdit. Les salles où on peut passer sont classées "Art et Essai" et fonctionnent sur les subventions. Pour les toucher, ils doivent diffuser des quotas de films d’auteur français. Qu’est-ce qu’un film d’auteur français ? C’est un film agréé par le CNC. Pour être agréé, il faut que tu aies une société de production dont le capital a été vérifié par un expert à 50 000 balles, on commence par ça. Une fois que tu as ta société, on te demande la fiche de paie de tous tes techniciens et de tous tes acteurs... C’est facile, hein ! Et si tu dis : "J’ai fait ça avec mes potes", ils te répondent : "Vous n’allez pas me dire que vous avez fait ça avec votre sœur et votre mère ! ?" "Si justement, ma mère fait ma mère et ma sœur, ma sœur." Et là, tu es niqué. Il y a autre chose, la préférence nationale, et ça, c’est carrément facho. Alice se passe en banlieue, il y avait donc beaucoup d’acteurs et d’actrices immigrés. Dans un film français, il faut mettre des acteurs français parce que chaque fois que tu mets un acteur qui n’est pas français, tu perds des points. Si tu as 65 sur 100, ton film est agréé mais si tu n’as que 60, tu n’es pas agréé. Et moi, il y avait des Haïtiens de partout ! Il faut aussi que les mecs parlent français ; si ce n’est pas le cas, ils t’enlèvent aussi des points. Bon, tu n’as pas d’agrément, c’est pas grave, Jean-Louis, tu sors ton film sans agrément, juste avec un visa de sortie. C’est possible, mais tu n’auras pas de distributeur parce qu’ils touchent aussi des thunes pour distribuer un film d’auteur français agréé. Tu vois le coup, si tu n’es pas agréé, ils ne touchent rien, or les petits distributeurs de films d’auteur ne marchent qu’à la subvention. Continuons, les cinémas "Art et Essai" ont besoin de faire un quota de films agréés, ils ne vont donc pas passer ton film parce qu’ils ne vont pas avoir leurs subventions. Dans les festivals, si tu n’as pas de société de production, tu ne passes pas non plus. Et mes films ne peuvent pas êtres achetés par la télé, la fille du CNC me l’a dit comme ça : "Ne comptez pas non plus sur la télévision si vous n’avez pas l’agrément, ahahah !", genre "mon pauvre gars", j’ai failli casser son bureau. Les télés achètent pas cher du film français de merde sans volonté de les diffuser mais pour faire du quota. Suis-je clair ? Le circuit est verrouillé.

As-tu un espoir dans les circuits alternatifs ?
Oui, le cinéma va faire comme la musique, ça commence parce qu’il y a plein de gens qui sont en train de monter des films sur leur ordinateur. Je suis un des premiers qui est arrivé avec un truc abouti. Mais c’est quand même huit mois de travail, tout le monde ne peut pas passer autant de temps. Mais il y a plein de bons films qui vont arriver et ça va foutre la merde, parce que les autres sont incapables de les absorber car ils veulent garder leur business. Et donc, les gens vont faire des films à que dalle.

Et as-tu réussi à avoir un paiement sécurisé pour ton site ?
Toujours pas. Les banques refusent de me l’accorder à cause de tous ces procès. Ils me disent qu’ils refusent pour des raisons éthiques. Parce que les banques sont éthiques maintenant ? Les banques sont pour le business et ils me considèrent comme un petit business. Tout salop que je suis, je deviendrais éthique si elles pensaient que j’étais un gros business. Il y a quatre ou cinq banques qui tiennent la France. C’est flippant parce qu’à long terme, tu peux penser que le paiement sur Internet sera le seul moyen de survivre pour une petite structure. Si les banques estiment que ce que tu fais n’est pas "éthique", elles ne t’accorderont pas ce droit.

Où en es-tu avec tes procès ?
Ce n’est pas compliqué, c’est tout le temps depuis sept ans. Depuis le début, c’est toujours le même procès. Certaines associations me reprochent toujours la même chose, mais elles trouvent de nouvelles raisons. A part pendant les vacances, là, ça s’arrête. Ce sont des gens qui luttent contre le mal, mais pas en période de vacances. A la rentrée, c’est toujours le même mec, en moto, hilare, une sorte de coursier d’huissier : "Ouais, M’sieur Costes, j’viens distribuer les convocations, on se connaît, j’crois !" Mes voisins, ils doivent croire qu’il y a un putain de criminel dans l’immeuble. En sept ans, je ne sais pas combien de dizaines de convocations j’ai reçu. Sinon, c’est ma mère qui paie mes procès : elle a vendu sa maison, ça fait de la casse, parce que moi, j’ai rien payé. De toute façon, c’est ma mère qui paie tout, même pour la musique. Eux, ça ne leur coûte rien, les procès, ils sont subventionnés pour les faire. Ils attendent jusqu’à ce que je sois clochardisé total, que tous mes biens soient saisis et que je me fasse virer de mon appart’. Quand tu as cinq associations en face, même si tu dois leur filer ne serait-ce que dix mille balles à chacune, tu as en plus les frais de justice, ça monte, ça monte et ça fait vite cent mille balles. Et tu dois payer tout de suite, pas de crédit.

C’est seul contre tous ?
Je vais les niquer. Le président d’une de ces associations vient de dire à un mag que le procès Costes était une erreur. Il dit "c’était", mais c’en est encore une, il dit ça pour dire que c’est fini, mais il ment. Et son autre mensonge, c’est de dire : "Son site était dégueulasse", mais il est toujours pareil, mon site, rien n’a changé. Il fait genre : "On l’a niqué, on lui a mis une bombe, mais c’était une erreur." En plus, il prétend que ça aurait médiatisé un marginal dégueulasse. Parce que ce serait grâce à eux que j’ai une réputation ! ! ! Dans une autre interview, pour la télé, il a tenu un discours du style : "Tout le monde sait que Costes n’est pas un raciste. Mais seulement il dépasse les limites de la liberté d’expression. L’art aussi a des limites. On ne peut pas dire n’importe quoi, il influence les esprits faibles avec son délire parce qu’il ne donne pas de clés." Tu vois ce que je veux dire ? Je ne donne pas de clés à des fins pédagogiques... Et au prochain procès, ils vont quand même m’attaquer sur les mêmes choses.

Quels intérêts ont-ils ?
Je ne sais pas, je ne les comprends pas, c’est une minorité de malades mentaux. Et je ne peux même pas imaginer avoir des dommages et intérêts, parce qu’il faudrait que je chiffre mon préjudice : "OK, on vous a insulté, mais vous êtes déjà tellement une merde sociale...", donc les insultes ne me font pas de tort puisque je suis une merde.

Tu avais un forum sur ton site, non ?
J’ai eu un forum. Comme par hasard, j’ai reçu 300 000 messages extrémistes par jour. Attends, c’est le même mec qui a fait ça. Vu que je ne veux pas de censure, je l’ai fermé. Les messages extrêmes sont intéressants mais dans une proportion qui corresponde à leur place dans l’idéologie globale. Parce que l’idéologie extrême, il faut la connaître et aussi toutes les idéologies de la nouvelle droite parce qu’elles évoluent hyper vite, plus vite que celles de la gauche. Elles courent vite, toutes ces idées-là, tu comprends plus rien. Ils mixent tout, tu crois te retrouver sur un site bolcho et en fait, c’est eux. Il y a aussi tous ces écrivains qui parlent de la guerre en restant tranquillement chez eux. J’ai des mails d’un pote de mon frère qui est à Hébron. Il est dans un mouvement pacifiste américain qui bloque les rues, ça fait chier tout le monde. Mais bon, ils les tuent, les Israéliens viennent d’écraser une de ses copines au bulldozer, exprès. Et ils n’ont rien le droit de dire aux journalistes, le deal étant que s’ils parlent à la presse, ils se font expulser du pays. Donc ils envoient des mails personnels. Et c’est pas du tout comme les journalistes racontent, la guerre, c’est pipi-caca. Parce que les soldats israéliens investissent les maisons palestiniennes, ils s’en servent de bunker et font pipi-caca partout, c’est surtout ça, la principale activité. Ils ne vont pas aller aux chiottes entre deux tirs alors ils se chient dessus. Je te laisse imaginer l’état de la maison à la fin... Il y a un aspect de la guerre très concret, très crade, qui n’a rien à voir avec le nationalisme. Tout ça fait aussi partie des faux tabous, comme le cul, la merde, les odeurs corporelles, dont on ne parle pas.

En parlant de pipi-caca, tu viens de sortir ton premier roman Viva la merda !
Au départ, je voulais simplement écrire un scénario de film, c’est pour ça que le bouquin est très concis au début. Et puis progressivement, ce scénario m’est monté à la tête. Et j’en ai écrit toujours plus et à la fin, merde, c’était plus un scénario mais un roman. Je ne l’ai pas fait exprès. A priori, ça ne m’intéresse pas d’écrire des romans.

Tu aurais pu faire quoi si tu n’avais pas été "Costes" ? Je crois que tu as fait archi. Qu’est-ce qui fait que tu as osé aller sur scène, osé faire ce que tu fais ?
Je ne sais pas. Quand tu parles à personne à l’école, que tu es complètement ringard, tu as même pas le bon look, tu n’as rien, tu n’es même pas un cancre, tu n’es même pas un contestataire, tu n’existes pas, donc tu fais de la musique. Je m’emmerdais, je faisais ça pour m’occuper ou pour me valoriser connement auprès des filles en me disant que peut-être, si je faisais de l’art, ça irait mieux, ça n’allait pas plus loin que ça, à la base. Mais je pourrais faire complètement autre chose, je n’ai pas de vocation artistique, je n’en ai jamais eu. J’ai aussi fait des études d’archi, mais le problème, c’est que je suis complètement asocial dans un bureau d’architecture. J’ai travaillé là-dedans. Au début, je suis hyper efficace, mais au bout de trois mois, j’éclate l’ordinateur à coups de pied. Je n’ai pas la capacité psychologique pour réussir dans cette société de malades.


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Artiste censuré, musicien auto-produit, réalisateur de films undergrounds et performer provocateur, Costes dérange, persiste et signe en suivant depuis plus de dix ans un chemin de croix jonché de disques, de films et de performances données aux quatre coins de la planète. Ses détracteurs peuvent hurler, il n'en reste pas moins une des grandes figures de l'underground hexagonal et a su conquérir un large public hors de nos frontières. Interview...

Comment est-ce que Costes voit Costes ?

Je me regarde dans la glace... dans la pénombre pour pas trop voir les défauts... je me hais... je ne peux pas supporter de me regarder et pourtant je passe mon temps devant le miroir a scruter mes faiblesses. Je hais ma musique et pourtant je la fais toujours. Je suis un raté qui rêve d'être un héros.

Ton rythme de production est particulièrement effréné. Qu’est-ce qui motive cette surproduction ?

L'art est autant un devoir qu'un plaisir. Il FAUT que je fasse quelque chose de spécial de ma vie, de chaque journée. J'ai un devoir a accomplir : atteindre le sommet de moi-même. Chaque œuvre pour moi est la dernière, l'ultime effort vers le but suprême : le devoir enfin accompli et le repos bien mérité. Mais hélas c'est toujours raté alors je recommence désespérément.

Comment fais-tu pour rester motivé après tant d’années d’autoproduction ? Est-ce qu’il n’y a pas un moment où cette précarité peut décourager ?

Je pense chaque jour a tout arrêter comme je pense chaque jour a me suicider. Mais je ne le fais jamais ! D'un côté, je me rends compte de ma précarité sociale, d'un autre, je constate que l'auto-production et l'informalité peuvent finalement l'emporter face aux monopoles machines à profit culturel. Des outils comme l'Internet, le cd-r, etc... permettent à l'artiste hors normes de s'exprimer "à armes égales" avec les collabos-médiatico-merdiques. Sur Internet, j'ai la même exposition que la Fnac ?!

Quelles sont selon toi les raisons pour lesquelles tu n’es pas produit par un label de disque, même indépendant ?

La raison fondamentale c'est que je peux pas leur rapporter assez de fric... ensuite c'est que ça leur rapporterait trop d'emmerdes pour très peu de fric gagné... enfin, ils trouvent que je suis de la merde ! Au début ça a été un handicap certain. Mais maintenant que je peux vivre de mon art, le fait de n'avoir signé aucun contrat me laisse entièrement libre artistiquement et propriétaire de tous les droits. Finalement la situation de marginal rejeté s'est retournée en ma faveur ?!

Est-ce que les ventes de tes disques, de tes films et les recettes de tes spectacles te suffisent ? Combien vends-tu de copies d’un disque ou d’un film actuellement ?

Je vends environ mille copies de chaque cd (mais je mets plusieurs années a l'écouler !). Une année ou je fais beaucoup de shows, je peux vendre environ 1500 produits (cds, vidéos...). Actuellement, je grave les cds moi-même et enregistre aussi les vidéos, ce qui veut dire que j'en vends de fait très peu. Ca me permet de survivre mais si je dois faire un gros investissement (ordinateur, véhicule...) alors je dois chercher un travail salarié en plus.

Tu as donné des spectacles en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Qu ’est-ce qui change dans la manière dont ton travail est perçu selon les pays ?

En effet le show est perçu différemment d'un lieu a l'autre, d'un pays a l'autre mais aussi d'une ville a l'autre, d'un jour a l'autre... Par exemple, si je prends l'exemple du nouveau show "Les Otages" : en Allemagne il a été reçu froidement en apparence mais les gens semblaient profondément touchés même s'ils ne l'exprimaient pas très ouvertement. En Angleterre, la nudité peut choquer certains, mais les autres sont extrêmement enthousiastes (peut-être que du fait que, pour eux, nous brisons des tabous forts ?). Au Japon, ce qui peut passer en Europe pour de la grossière provocation amorale est considéré comme du... romantisme exacerbé !!!?

Que penses-tu de la façon dont les médias te présentent ? Je me souviens notamment du numéro d’Actuel dont tu as fait la couverture…

Le journaliste de Actuel a fait cet article la veille de la mise sous presse, sans rien savoir de moi directement. Il a carrément presque tout inventé sur les bases que je lui ai fournies. Les journalistes cherchent un discours simple, ambigu et accrocheur : ils parlent de "trash", de "provocation", de "sexe", car ces mots sont vendeurs. A part des articles faits dans des fanzines par des vrais passionnés, tout le reste est l'œuvre de pigistes a la botte de leurs patrons qui font du sensationnalisme pour vendre sans jamais rentrer sincèrement dans le vif du sujet : pour eux je suis juste un phénomène social a exploiter, en rien une œuvre artistique a promouvoir.

Tu as participé à la Nuit du Cyclone sur Canal +. Prévois-tu de remplacer les Deschiens dans la prochaine mouture de Nulle Part Ailleurs ?

J'ai apprécié la manière dont l'équipe qui a fait l'émission a travaillé avec passion sur le sujet. Mais il s'agissait juste pour eux d'un coup ponctuel : Costes comme ils feraient X ou Y. Je n'ai aucun lien régulier avec les médias et ne cherche pas a en avoir. De toute façon, je crois que Internet va mettre à mal le monopole des médias et je n'ai pas envie de courir derrière des moribonds pour leur lécher le cul déjà pourri.

Justement, ça me semble intéressant. Qu'est-ce qui te semblait différent dans la Nuit du Cyclone de la manière dont les autres médias t'ont présenté ?

Le sujet tenait beaucoup à coeur au réalisateur Pascal Toussaint car c'était sa première émission pour la télé et il a travaillé trois ans sur le sujet qu'il connaissait très bien. Ce n'a pas été fait à la va vite. Ils ont mis le meilleur d'eux-mêmes. Et il a volontairement essayé de casser l'image médiatique caricaturale pour essayer d'en savoir plus (il faut dire que ca leur était nécessaire puisqu'à l'époque les médias me faisaient passer pour un gros facho?!)  En plus ils m'ont laissé parler = au lieu d'entendre les conneries des autres, on entend les miennes!

Est-ce que tu considères toi-même tes créations comme choquantes ou provocantes ?

Parfois je culpabilise en écoutant certaines de mes œuvres : elles choquent ma propre morale ! Mais je ne fais en rien de la provocation volontaire : je déballe ce que j'ai en moi, les rêves en moi et le réel autour de moi : ca peut choquer ok, mais le Kosovo aussi ça peut choquer si on a un minimum d'imagination : disons que je rends explicite la violence sous-jacente et sous-entendue.

Quel est le message de Costes ?

Aucun. Je fais, je montre, c'est tout. A chacun d'interpréter à sa façon

As-tu des contacts avec le milieu de l’art contemporain ? Et si c’est le cas, de quel ordre sont-t-ils ?

Je n'ai aucun contact avec le milieu de l'art contemporain officiel et subventionné que je hais et méprise autant qu'ils me haïssent et méprisent. Mais j'ai beaucoup de contacts informels et très fertiles avec de nombreux artistes indépendants hors normes à travers le monde.

Est-ce que tu te vois figurer dans les livres d’art des siècles à venir ? Ce serait un beau pied de nez. Je t’y imagine finalement beaucoup mieux que la plupart des artistes qui gravitent actuellement dans les circuits de l’art contemporain…

Si j'avoue ce que je crois au fond de moi, hors de tout masochisme auto-detructeur, je crois qu'il est possible que je sois un des plus grands artistes de l'époque, simplement parce que j'aurai explorées des zones d'ombre peu connues, ignores par les autres chanteurs et acteurs, que j'aurai fait des milliers de titres sur toutes sortes de sujets qui forment un portrait presque exhaustif d'un individu d'aujourd'hui et de son époque.

Et que ca va être de plus en plus difficile de l'ignorer. Que je plaise ou non, je reste un phénomène, contournable peut-être, mais présent comme une montagne sur le chemin : on peut passer à cote, on peut percer un tunnel mais la montagne reste.

Je suis assez d'accord avec les résultats de ton analyse non masochiste et justement, comment décrirais-tu l'époque dans laquelle nous vivons... ? Je n'ai pas, pour ma part, l'impression que nous ayons beaucoup avancé depuis le Moyen Age, si ce n'est d'un point de vue technologique...

Je ne me sens pas différent de mon chat... pas différent, je crois de l'homme préhistorique... j'ai vu des bushmen en Afrique qui n'avaient jamais vu de blancs auparavant, ils n'etaient en rien différents des beaufs habituels (sauf les plumes). La technologie n'est qu'un outil : Internet n'est pas plus que le bâton du singe qui nique des fourmis. Tous les prophètes de la révolution virtuelle sont des menteurs mercantiles. Assis devant mon ordinateur, mon mal être est le même ; je dois toujours porter/supporter mon corps dont je ne m'évaderai jamais. Et c'est la même souffrance que celle de mon ancêtre chimpanzé dans les bois du Tanganyika.

Où en sont tes démêlées avec la justice ? Peux-tu nous retracer rapidement leur histoire ?

En 1996, j'ai créé mon site Internet où j'ai mis des extraits de chansons de tous mes cds dont le cd "livrez les blanches aux bicots" de 1989, qui est une caricature/exploration de comportements racistes.

L'union des étudiants juifs de France m'a fait, à cause de ces chansons, un procès en 1997 pour "racisme et appel au meurtre", que j'ai gagné... mais en 1998, le procureur de la république (bras judiciaire du gouvernement actuel), l'UEJF, la LICRA, le MRAP et la Ligue des Droits de l'Homme m'ont refait un procès pour les mêmes raisons que j'ai également gagné. Bien qu'il soit prouvé que je ne suis en rien un militant neo-nazi mais un artiste qui représente le monde, bon ou mauvais, dans le cadre de fictions, le procureur et ces mêmes associations ont fait appel et je serai
à nouveau jugé le 17 novembre 1999. Pour mes adversaires, l'expression artistique doit avoir des limites, limites fixées par "le respect de la dignité humaine"...

Pour moi l'Art consiste tout au contraire a passer toujours la limite dans le cadre de l'œuvre ; la création ne commence qu'au-delà de la limite, qu'elle soit esthétique ou morale, et si ces censeurs gagnent, ca sera une catastrophe pour l'Art, Internet et la liberté d'expression en France qui est bien plus précaire que la propagande officielle veut le faire croire.

Où en sont tes contacts avec la scène Rap française ?

J'écoute beaucoup de rap, car je me sens proche de l'improvisation free style et des méthodes de composition de cette musique, mais je n'ai pas de contact personnel, physique avec des rappeurs comme d'ailleurs avec
aucun autre musicien : je fais tout tout seul.

Je suis ravi que tu apprécies ces aspects de la scène Rap mais tu l'as cependant violemment critiquée à travers les NTM. Outre l'aspect comique et vaudevillesque de tes démêlées avec eux (tes histoires de copines avec Kool Shen), tes critiques les plus intéressantes me semblaient concerner l'aspect totalitaire du mouvement Rap (régionalisme, uniforme, etc...). Ne penses-tu pas que ces critiques peuvent s'appliquer à l'ensemble des pseudos contre-cultures actuelles ? Qu'il s'agisse du Rock Alternatif, du Rap, de la Techno ou bien évidemment de l'absurde Cyberculture...

C'est évident pour moi, toutes ces micros cultures "tribales" qui paraissent si "cooool branchées" sont fondamentalement basées sur l'exclusion des autres : on forme un pseudo groupe pseudo élitiste avec sa pseudo culture, ses pseudos signes de reconnaissance pour se constituer une identité a peu de frais : au lieu de bosser dur pour faire son truc, on se fout un anneau dans la bite (ou une casquette Nike, ca fait moins mal à la bite !) et ca y est, on est un héros faisant partie du bon gang face aux autres minables qu'on méprise. C'est comme si la culture "ado" de mimétisme se généralisait à toutes les populations. Le besoin d'intégration des adolescents est nécessaire même s'il parait ridicule avec le recul (mes jeans pattes d'eph en velours lisse Newman !). Mais que ce type de culture "tribale" soit considéré comme la norme pour des adultes, c'est effarant !... Mais (diviser pour régner) ca doit bien arranger les vrais maîtres réels qui détiennent les vrais pouvoirs bien matériels...

Je cite Maurice Dantec dans l'interview qu'il avait donné à la Spirale : "les soit disantes alternatives sont déjà un vice du système". Est-ce que ce n'est pas la destinée de tout mouvement puisqu'il sera forcément récupéré plus ou moins rapidement par le marketing à prétentions culturelles ? Est-ce que ce ne serait justement pas un des points forts de ta démarche solitaire ? Le fait que tu sois quasi idéalement irrécupérable...

J'essaye simplement de faire mon truc = ma vie a fond, le mieux possible (même si je merde 90% du temps). Je ne me pose pas a priori comme une alternative ou une nouveauté ou une révolution ou une simple révolte.

Je suis porté par mon propre désir. Je vis au niveau de mes sens, sans plus. Tant que dans le cadre précis de mon œuvre, j'agis selon mes propres règles, je ne vois pas comment je peux être "récupéré". Je pourrais jouer mon show a la fête du Front National est n'être en rien récupéré, tant que pas un iota de mon spectacle aurait été adapté.

Tu revendiques souvent le fait d’être solitaire. Est-ce réellement le cas ? On t’imagine pourtant entouré d’admiratrices nymphomanes et de fans serviles et soumis…

C'est vraiment le cas ! A l'école je ne parlais à personne, actuellement je vis seul plongé dans mon œuvre, sans aucune vie sociale ni privée. Mais je ne me sens pas isolé : mon activité m'apporte énormément de contacts, et après les spectacles j'ai tout le loisir de sauter les "admiratrices nymphomanes" (complètement bourrées, il faut l'avouer !)

Comment vois-tu l’avenir ? Tu parlais dans une interview de partir vivre nu dans une réserve naturelle de singes…

Eh bien ! C'était un rêve et maintenant c'est fait, car j'essaye de concrétiser tous mes rêves. J'ai acheté un terrain en pleine jungle au milieu de l'Amazonie et j'y passe plusieurs moi par an au milieu des singes... et des moustiques (merde j'y avais pas pensé a ceux-la dans mes rêves bucoliques !).

Vous êtes chaudement invités à visiter le site de Costes : http://costes.org


Interview de Jean-Louis Costes par Thierry Zalic

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TZ : À partir de quand as-tu trouvé ta voie particulière ?

Je n'avais aucune intention avant-gardiste. Je jouais au début des années 80 du rock, des tubes de Deep Purple et autre hard rock, mais comme j'étais asocial et chantais faux, je me faisais toujours virer des groupes. Vers 1985, quand sont apparus les premiers magnétos à cassettes multipistes, je me suis définitivement enfermé chez moi et fais ma musique tout seul. C'est la solitude qui m'a permis de me libérer du carcan esthétique du rock et de trouver mon style. J'ai sorti un premier disque en 1986 "secouez... crevez !" et commencé à faire des shows en 1987.

TZ : Quelles sont tes origines ? Ont-elles joué un rôle dans tes fantasmagories ?

Mon père est militaire et ma mère catholique pratiquante. J'ai été élevé avec une grande sévérité dans des collèges catholiques. J'ai toujours haï ma famille et l'école. Évidemment, comme tout le monde, j'ai été forgé par mon milieu, mais ca ne suffit pas à expliquer mon art. Ce que je fais est la réaction de l'individu face au groupe, j'exprime l'inadéquation de l'individu face aux règles du groupe, c'est une situation universelle, quelles que soient les cultures.

TZ : Quelles pulsions te poussent à aller vers un art extrême ? Est-ce un art ? Un message ? Une contestation ?

Je fais simplement ce qui me plait. Quelque chose en moi me pousse à faire ce que je fais. Je ne considère pas mon art comme extrême mais comme évident et très loin encore de ses limites. Je n'ai pas de message, je dis n'importe quoi, mais de ce n'importe quoi se dégage un message, un message que je ne comprends pas moi-même. Je suis un médium. Je ne conteste rien non plus. Mes seuls moteurs sont la haine des autres et de la société, la frustration et la vengeance. Comme ils n'aiment pas ce que je fais, je crie de plus en plus fort et deviens de plus en plus méchant.

TZ : Tu m'as dit qu'il n'y avait pas de provocation dans tes spectacles. Es-tu tout de même conscient de provoquer ?

Les cons qui prétendent être provoqués par ce que je fais mentent. Le caca que je fais sur scène n'est rien à côte de l'apocalypse de merde et de sang qu'est chaque accouchement. Mon œuvre n'est qu'une pale représentation de la réalité. La vraie provocation obscène c'est Arthur qui étale sa connerie satisfaite à la télé avec toute sa bande.

TZ : Y a-t-il de l'humour, du second degré dans ta débauche ? Mais sans doute n'apprécies-tu pas le mot débauche ?

Quand je fais mon truc, il n'y a aucun humour, pas de second degré. Je deviens vraiment le con, l'amoureux, le tireur, le nazi ou bien le chevalier justicier. Je suis à 100 % dans mon rôle, je me prends à mon propre jeu. Mais une fois l'œuvre terminée, je suis le premier à rigoler devant la connerie ubuesque de certains passages. La connerie humaine, la mienne en premier, m'hallucine.

TZ : On te retrouve dans le grand livre Underground, l'histoire, dirigé par Bizot. Penses-tu participer à ce mouvement ? T'y reconnais-tu ? Que penses-tu de lui ?

Je suis underground par la force. Ce sont les maffias du show-biz et de l'art subventionnés qui forcent un artiste comme moi à crever dans sa merde dans l'obscurité. De moi-même je ne me considère pas du tout marginal. Je suis sûr que mon œuvre, peu formelle et esthétisante, simple, directe et crue, peut être comprise par tous.

TZ : Tes films paraissent réalistes. Tu me diras que c'est le fait du cinéma de ressembler à la vérité. Y a-t-il néanmoins des scènes de viols, sado masos, lacérations, ingurgitations scatologiques qui soient vraies ?

Dans mon œuvre, toutes les scènes qui ne mettent pas en danger la vie sont vraies. Je chie vraiment, je mange vraiment ma merde, je me branle vraiment et j'éjacule vraiment, je frappe et blesse vraiment, mais je ne tue pas vraiment car ca serait irréversible. Pourquoi truquer quand on peut faire vrai ? Pourquoi utiliser un gode quand on a sa queue ? Pourquoi compliquer quand on peut faire simple ?

TZ : À quoi répond l'utilisation de la croix gammée ?

J'utilise tous les symboles que la société et les médias nous mettent dans la tête, de coca-cola à la croix gammée en passant par la musique de France Info. La croix gammée n'est qu'un de ces symboles entre autres.

TZ : Pour toi, qu'est-ce que l'amour ? Ne peut-il être qu'extrême ? Est-ce une supercherie bourgeoise ?

Je n'aime personne. Je n'ai aucun ami. Je ne peux donc pas répondre à cette question.

TZ : Beaucoup doivent de penser fou, ou malade. Que leur réponds-tu ?

Bof... Je ne suis pas spécialement fou ou malade. Des fois je me sens menacé par la folie, et ça n'a rien à voir avec la créativité. C'est la destruction de la personnalité, c'est la mort mentale sous le folklore comportemental. La folie qui détruit est tout le contraire de mon art qui me renforce.

TZ : N'es-tu jamais fatigué de lutter contre l'establishment qui te fait procès sur procès et contre les extrémistes qui t'agressent ?

Je suis épuisé d'être persécuté depuis 1997, soit 7 ans sans interruption, par l'union des étudiants juifs de France et ses alliés, la LICRA, le MRAPLDHL, la LDH. Ils m'ont ruiné totalement, vont faire de moi un clochard, mais je ne céderai jamais. Je comprends qu'ils vont me faire crever à force de sabotages, procès, mais aussi pressions sur les salles de spectacle, les distributeurs et les médias pour m'interdire totalement. Je ne cèderai pas et je vais prouver qu'une œuvre culturelle sans concession, vraie, peut mettre une claque à ces censeurs. Je suis un individu pauvre et isolé qui ne peut que perdre face à ce réseau organisé et proche du pouvoir, mais l'œuvre de mon esprit peut les battre à terme. Ils vont me détruire, mais ils ne détruiront pas mon œuvre.

TZ : Penses-tu être un génie ? Une nécessité sur terre ? Un Michel-Ange du caca ?

Je suis un génie. Je n'ai aucun mérite en cela. Quelque chose parle du fond de moi qui est plus fort que moi. Mon seul mérite est d'avoir laissé parler la voix intérieure omnisciente et surpuissante. J'ai le pouvoir de changer le caca en or.

TZ : Quels sont les autres artistes que tu apprécies ?

L'art des autres ne m'intéresse pas. Je suis totalement absorbé par mon œuvre. Je ne crée pas en fonction d'évènements culturels extérieurs mais en fonction d'exigences intérieures.

TZ : Quel est ton projet le plus fou, réalisable ou non, que tu rêverais de faire ?

J'ai réalisé tous mes projets et tous mes rêves sauf un seul : mourir en martyr. Mais l'UEJF va m'y aider.


Chiass prod

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Cette enterre-view date de septembre 2002, donc la chose n'est pas trop fraiche ! Hum, réponses pas développées pour un sous, donc encore une fois je suis déçu ! La prochaine fois je me ferais passer pour un  de télérama. Je me tient quand même de préciser malgré la chronique du spectacle "le culte de la vierge" (la date au batofar était fantastique) pas très positive, ainsi que ma déception vis à vis des réponses qui suivent, que j'apprécies ce que fait Costes en général ; ce qui me dérange c'est les fanatiques autour, l'idéalisation de la personne. Bon, ça reste paradoxale vu les procès tramant autour de Costes !

Commençons par la fin...quelle est ton actualité ces temps-ci ? Implications, projets ? Tu vends tes cd 10 euros, ne trouves-tu pas le prix un peu excessif ?
Je viens de finir un long métrage qui s'appelle " Alice au pays des portables " en collaboration avec Darline Monfort, réalisatrice de 25 ans d'origine haïtienne qui joue aussi le premier rôle. C'est une histoire d'amour tragique liée aux message sms de téléphones portables. Je trouve pas le prix de mes cd excessifs vu que j'ai pas un sou !

Tu fais quoi dans la vie ? Tu travailles ? T'as quel âge ? De quel mode de sexualité uses-tu ? Es tu dépressif ?
Je fais de la musique, des spectacles et des films. J'ai 48 ans. Je passe mon temps enfermé dans ma cage à me branler tant la bite que le cerveau. Je vois personne, je ne connais personne, je haïs tout le monde. Je ne communique que part mon art qui est la vengeance du frustré.

Peux-tu nous éclaircir sur les motifs de tous ces procès autour de toi ? C'est en rapport avec l'antisémitisme je crois ? As-tu réussi à faire comprendre aux gens, associations (qui sont-ils) le but et les raisons de ta provocation ? D'ailleurs quel est le but de cette provocation ? (Je fais référence aux cd's) Où en est-tu avec la justice à l'heure d'aujourd'hui ?
L'union des étudiants juifs de france me persécute par tous les moyens depuis 1997. Ils prétendent que je suis un raciste révisionniste scatophile nazi ! !  Ils me font des procès mais utilisent aussi d'autre moyens : pressions sur mon hebergeur pour fermer mon site, articles diffamatoires dans les journaux, pression sur les organisateurs de concerts pour qu'ils annulent mes shows. Résultat, je deviens peu à peu clochard, tant leur pressions me ruinent...ils font semblant de croire que mon œuvre est une réalité et pas une fiction ! Ils m'accusent de tous les crimes représentés dans mes œuvres ! ! Ca peut aller loin ! Ils m'accusent même de meurtre ! ! Mais l'UEJF n'est pas du tout une asso anti-raciste. C'est une asso sioniste interdite aux non-juifs par ses statuts. Tout le contraire de l'anti-racisme !

Il est vrai que tu suscites énormément de réactions. A la base je voulais que cet entretien soit un récapitulatif de ce que les gens autour de moi te reprochaient, pour ensuite te demander de réagir face à ces critiquent ! Voici quelques exemples Be ready :
-tu es fascho ! (classique j'imagine.)
Je n'ai aucun lien avec aucun parti d'extrême droite ou autre. Mon activité est strictement artistique.

-le fait de faire de la provoque en te faisant passer pour ceux que tu dénonces (en l'occurrence un gros raciste), n'est-ce pas en fait pour dissimuler en tout impunité le fait que tu es réellement raciste ?
Mimer le crime sur une scène n'est pas de la provoc' mais la base même du théâtre. L'art est le lieu de La transgression symbolique. Les régimes totalitaires (dont les nazis) ont interdit toute forme d'art Transgressif. Art gentil = art nazi !

-quel intérêt de se faire sucer par un flic d'origine antillaise (dans " les justiciers "), que remets- tu en question là-dedans ? (perso cette " scène " avec le flic antillais, est-ce dù à quelque chose de plus ou moins vécu.)
Dans mon quartier il y a pas mal de flics antillais. En fait je préférerais le sucé qu'être sucé !

-au lieu de faire un cd sur Coucou de NTM (pour apparemment des raisons d'infidélité conjugale), pourquoi ne pas lui casser la gueule ? Si à chaque fois que j'avais un problème relationnel très sérieux jouant sur les conséquences de ma vie, je faisais un cd sur le ou la ou les personnes en question, cela n'arrangerait rien du tout et je ne pourrais en aucun cas gagner le respect de la ou les personnes en questions ? ! (ça sent le fan de Renaud qui passe sa vie au comptoir !)
Je fais des cd parce que je suis un lâche. Je rêve de démolir un max de monde mais comme j'ai peur, Je me contente de gueuler sur des cd.

Toujours à propos du cd " NTMFN ", cette histoire avec Coucou c'est véridique ou quelque chose monté, une fiction... ?
C'est vrai pour la raison de base du cd (une fille qui sortais avec Kool Shen et avec qui je suis sorti), mais c'est faux sur les délires du genre j'ai enculé Coucou au collège de Saint-Denis !

Penses-tu qu'un site internet exhibant l'antisémitisme, la haine racial et la xénophobie de toutes sortes, réalisé par des gens de la sortes doit être censuré ?
Quand je vois à quoi servent les lois anti-racistes et autres lois de censures (toutes votées bien sur pour de bonnes raison morles) je suis contre toute censure de la parole, de l'opinion, qu'elles qu'elles soient.

Il paraît que tu as déjà reçu des e-mails de skin fascho te félicitant pour tes compositions. Comment as-tu réagis ?
Je reçois des menaces de morts de l'extrême droite, des sionistes et des gangs, finalement de tous ceux qui ne supportent pas de savoir qu'il y a des gens pas comme eux.

Ton avis sur les dernières élections présidentielles et législatives ! Votes-tu ? Si oui pour qui, si non pourquoi ? Entre un régime totalitaire et un régime anarchiste, tu choisis quoi ?
J'ai pas voté. Ils nous ont fait croire que Le pen serait président et en fait il a même pas un député ! Je peux plus supporter la propagande télé et France info, le monde, libé, etc...le vrai pouvoir c'est pas le FN marginal, mais bien les gros riches et maffieux en place qui ont les vraies armes pour nous niquer la gueule.

Tu es passé sur canal+ (dans " l'œil du cyclone ") avec Anne, qui réalise spectacles...avec toi me semble-t-il. Qui vous a branché, contacté pour cette émission ? Comment cela s'est-il passé ? Etes vous satisfait de ce passage TV ? Avez-vous eu libre cours pour vous exprimer ou vous a-t-on mis en garde sur certains sujets à ne pas aborder,
J'ai pas regardé l'émission. Je me fous complètement de ce que les médias disent de moi. Je haïs ces médias et souhaite leur chute et ruine rapide. (ndb : c'est quoi le rapport avec la question ?)

Tu as tourné dans divers pays d'Europe, au Japon, au Usa...comment fais-tu pour organiser ce genre de tournée sur le point de vue finance ? Comment arrives-tu à faire comprendre tes spectacles à l'étranger ? Comment on réagis les gens ? As tu fais du tourisme ? Des choses, (contre) cultures qui t'on plus ? J'ai l'impression que tu es souvent sollicité par la scène " DIY " (d'ailleurs que penses tu de ce " mouvement ") ? Considères-tu ce que tu fais comme quelque chose de contemporain ? anti-culturelle ? Que penses-tu de la culture proposée (imposée) ?
Avec internet et la force actuelle des réseaux d'artistes indépendants, c'es assez facile d'organiser des tournées internationales pour pas cher. (ndb: ah d'accord.)

As-tu vu les 120 jours de sodom de Passolini " ? Aimes-tu les ouvrages de Sade ? Ce n'est qu'un autre attraits de la mondainité, non ?
Je ne sort jamais. Je ne vais jamais au cinéma. La seule chose que je vois sur l'écran c'est mon cul que je filme avec mon caméscope. Je fais Salo à la maison, pas besoin de payer pour ça. (ndb: comme ça tu peux acheter du nutella pour tes spectacles.)

Le mot de la fin est-il indispensable ? Choisis un mot du dico (sauf dictionnaire). Peux tu conclure par une question ?
Je vais crever assassiné par des...devinez qui ?


LE TEMPS DETRUIT TOUT

  11 janvier 2004

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Dans Irréversible, il "harcèle" Marcus pendant que ce dernier cherche le Ténia dans le Rectum.
L'homme, Jean-Louis Costes, est un personnage fascinant, subversif et controversé. Ambigüe.
Mais ne pas comprendre Costes, c'est ne pas comprendre une bonne partie du cinéma de Gaspar Noé.
Qui est-il vraiment ? Il ne sera jamais celui que vous pensez.
C'est à lui de le dire. C'est le seul qui le sache. Vraiment.
Si vous detestez la censure et la connerie, vous aimerez Costes. Et inversement.
Interview en exclu pour Le Temps Détruit Tout...

 

— Qui est Costes ?
 
Je suis enfermé dans une cave depuis 1986. J’y dors, j’y bouffe je m’y branle et j’y fais de la musique. Cette musique je l’envoie dehors comme des SOS. Ma musique c’est des SOS d’un mec qui crève lentement dans un trou, mais tout le monde s’en fout. Moi aussi je m’en fous de crever.

— Quand et comment avez-vous connu Gaspar Noé ?
 
Il m’a appelé pour me demander de jouer dans Irréversible. Il connaissait certains de mes films et cds et me voyait bien pour faire le rôle d’un pédé drogué qui a une main bloquée dans le cul. Ce que je suis en vrai alors c’est facile à jouer pour moi.

— Dans un texte paru dans la revue trimestrielle Cancer (Irrécupérable par Costes), vous évoquez le tournage d'Irréversible où vous n'épargnez personne. Mais que représente réellement cette expérience pour vous ?
 
Ça m’a beaucoup impressionné de voir Gaspar Noé travailler et filmer lui-même car il est extrêmement passionné et cherche toujours à faire mieux. L’aspect technique était aussi intéressant car je fais moi-même des films : je jouais dans un plan séquence qui se déroule sur trois étages ! Donc quelque chose de très complexe à filmer, à éclairer et à enregistrer le son.
Par contre j’ai été écœuré par l’absence de rigueur de Dupontel qui s’est permis de disparaître du tournage, de refuser les dialogues proposés par le réalisateur. Sa mauvaise volonté et son manque de professionnalisme étaient stupéfiants.
Par contre j’ai beaucoup apprécié l’énergie de Cassel, son envie de bien faire, ainsi que les deux autres acteurs présent ce jour.
Plus généralement je n’apprécie pas du tout la promo faux scandale et faux film underground faites à la sortie d’Irréversible. L’aspect show-bizz, fric et starlettes, me dégoûte. Le film n’est pas spécialement violent ni ne brise aucun interdit. C’est un truc calculé de A à Z pour pas avoir d’emmerdes tout en prétendant les chercher. Moi qui suis poursuivi sans arrêt en justice pour mon oeuvre depuis 7 ans sans que les médias et le milieu culturel ne s’en émeuvent, ça ne peut que me faire grave dégueuler les faux scandales du show-bizz.

— On a tenté maintes fois de vous censurer alors que vous êtes la Liberté incarnée. Tourner pour un réalisateur sans concessions comme Noé, est-ce une continuation de votre art ou un moyen médiatisé de vous faire « de la pub et du fric » ?
 
On n’a pas seulement tenté de me censurer. On me censure effectivement. L’union des étudiants juifs de France me poursuit en justice sans arrêt depuis 1997. Le résultat : concerts annulés, mes disques retirés des magasins, plus aucune émission de télé sur mes shows, articles de presse qui me font passer pour nazi, raciste, révisionniste et même... assassin ! Plus des agressions et des coups sur scène et dans la rue en sortant de chez moi. Je suis ruiné, je suis épuisé. Je vais en crever mais je résisterai jusqu’au bout.
Par ailleurs, jouer dans un film n’est pas mon oeuvre puisque je sers l’oeuvre du réalisateur, même si je sens une affinité entre ce qu’il fait et ce que je fais, bien que nos styles soit très différent. Et c’est évident que ça rapporte beaucoup plus de fric que mes concerts ! Acteur de cinéma est vraiment un métier de branleur à côté de l’énergie qu’exigent mes spectacles.

— Après l'expérience Irréversible, si Noé faisait de nouveau appel à vous, seriez-vous partant ?
 
Ça serait un plaisir et un honneur. J’aimerais avoir l’occasion de jouer un rôle sur plusieurs scènes, de développer un personnage, de le faire évoluer.
 
 
 
Un grand merci à Jean-Louis Costes pour sa disponibilité, sa générosité et sa gentillesse.
Si vous voulez soutenir Costes, une seule adresse : http://costes.org/ ou, plus directement, pour vous procurer son travail et lui donner les moyens de continuer, http://costes.org/cat.htm#order ou ici http://www.costes.org/order.htm
Pour en savoir plus sur le pourquoi de son travail : http://costes.org/why2.htm
(Photo n et b : www.homme-moderne.org

TRANSIT MAG

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Costes : artiste français controversé. Auteur, compositeur, musicien, chanteur, acteur, ce bureaucrate du chaos est un maître de l’art pointu dans l’underground. Reconnu dans le monde entier comme un artiste de choix, Costes est devenu au fil des années une sorte de petite star d’un milieu particulier. Des dizaines d’albums et de films à son actif font de lui un des artistes contemporains les plus originaux de sa génération. Entretien téléphonique avec Costes :

Costes, pour tous ceux qui n’ont pas encore la chance de te connaître, peux-tu te présenter et décrire tes activités d’artiste ?
Fondamentalement je fais de la musique, j’écris des chansons depuis 1986 où j’ai sorti un premier album. Cette musique je la produis chez moi, seul, avec des synthés, des bruitages… beaucoup de bruitages en fait, c’est un mélange entre bruits et pop, et les paroles sont franchement crues. Quand je parle d’un sujet, je n’y vais pas par des chemins détournés… il y a le côté bruit, le côté mélodie et cru dans les paroles ! À part ça je fais des spectacles, mais ce n’est pas exactement la même chose que sur disque, c’est plutôt un truc genre comédie musicale, des chansons viennent avec des actions. C’est assez explicite. Moi je ne vois pas ça comme extrême comme disent les gens, mais ça reste quand même bien barré au niveau violence et musique. Des gens trouvent mes shows bizarres, scato et tout ça, mais pour moi ça fait partie du scénario tu vois… et je n’y vois rien de bizarre. En fait j’ai commencé les spectacles après la musique et puis j’en suis venu à faire des films.

Étant donné que la musique pour toi est la base de tout, on va commencer par parler de ça… tu as sorti énormément d’albums, dont certains comme ‘NTMFN’ sont très connus (même si ça reste très underground)… La plupart de tes chansons sont de pures descriptions de fou et d’où la question : comment composes-tu en fait ?
Le truc c’est que je laisse aller mon imagination… je dis absolument n’importe quoi. Celui qui croit qu’il y a un message ou un discours ordonné, il se trompe, ce n’est pas comme ça que ça se passe. En gros à la base, je fais de la musique et en général, ça m’excite le cerveau et le son me déclenche des histoires. Je fais des musiques tristes, speed ou agressives et après je les écoute au casque et de là, j’en sors des paroles. Je ne sais même pas de quoi je parle, je raconte n’importe quoi et c’est clair que selon le son que j’entends, j’évolue totalement. Je dis donc un paquet de conneries et je réécoute ça, je retravaille là-dedans et c’est clair qu’en disant n’importe quoi, les cinq pour cent qui restent peuvent être excellents. Moi-même je n’aurais jamais pensé dire des trucs pareils… ça me dépasse totalement.

Et comment expliques-tu des titres comme ‘T’As Un Rat Dans La Chatte’ ou encore ‘Bout De Boyau’ (sortis en 1992 sur l’album ‘Terminator Moule’) ?
En fait, ce qui se passe : j’improvise et je n’écoute pas vraiment la musique car je trouve ça vraiment nul… donc je sors des grosses conneries qui donnent des chansons extrêmes. Mais je n’aime pas m’écouter, je fais un complexe par rapport à ça.

Ah ouais ???
Ouais je me trouve nul tu vois, comme je ne me regarde jamais dans la glace.

Wha ! En fait je t’imaginais sans aucun complexe… peut-être pas adorant ta propre personne, mais étant tout à fait à l’aise avec toi-même !
Ah bon ? Non ce n’est pas du tout ça ! Je suis hyper introverti. Tu vois je suis tout seul à jouer au fond d’une cave et je ne me rends pas forcément compte qu’il y a des gens qui écoutent ça après. (rires)

Par contre tu exposes quand même ton pénis un peu partout sur ton site et tes pochettes de disque !
Ouais ! C’est vrai, je ne sais pas pourquoi en fait ! C’est comme sur scène il y a de la nudité, mais tu vois, je ne l’ai jamais ressentie. Tu vois, si j’ai une idée de pochette ou de scène dans un show où il y a de la nudité, comme c’est scénarisé dans une œuvre, je mets un peu ça comme une mise en scène, un film, un roman ou autre chose, je ne le ressens pas comme une nudité intime où j’aurais honte de faire ça devant une fille par exemple, c’est un jeu, du spectacle. Je représente un personnage dans une fiction. Je ne suis pas nu, mais je joue avec la nudité qui me sert d’accessoire, je ne m’en rends pas compte que je suis nu… j’utilise mon corps car c’est un accessoire qui n’est pas cher et efficace… la bite reste toujours un accessoire efficace… (rires)… et utile !

Donc, au niveau de la musique toujours, tu en es où actuellement ?
L’an dernier je n’ai rien sorti car j’ai fait une grosse tournée et quand je fais ça je m’occupe de tout de A à Z. Je ne fais que ça quand je suis dedans, je fais des shows et c’est tout. Et là cette année, je m’enferme chez moi et je vais faire de la musique. Tu vois j’enregistre comme une machine en fait. Avec mon système d’improviser et de retravailler dedans, ça va hyper vite… je peux te faire une, deux, trois voire quatre chansons par jour. Je n’arrête pas ! Étant donné que je ne fais que ça toute la journée et que je ne dépends de personne, comme je n’ai ni label, ni musiciens, je peux speeder à mon rythme.

Tu viens de dire que tu avais fait une grosse tournée l’an dernier. Tu es même parti aux States, donc peux-tu m’expliquer comment un artiste aussi extrême que toi et sans aucune aide d’un label ou d’une structure a pu s’organiser une tournée aussi grosse ?
Tu vois, quand tu fais un truc aussi bizarre que ce que je fais, tu ne peux pas compter sur tes parents pour qu’ils t’aident. Et idem pour tes potes. Quand j’ai commencé je voulais monter un groupe de rock et j’ai cherché des musiciens car je me voyais déjà en train de démarcher une maison de disques ! Mais quand les gens ont capté ma musique, je me suis retrouvé tout seul à ne pouvoir compter que sur moi-même. J’ai forcément dû chercher des amateurs pour ma musique toujours plus loin car ce n’était pas autour de chez moi ou même dans mon quartier que j’allais trouver des adeptes. Donc je me suis retrouvé à échanger des disques avec des mecs bizarres dans le monde entier dès le départ. Au tout début, il n’y avait peut-être que quelques amateurs de ma musique, mais un habitait aux USA, un autre au Japon et un autre en Hollande. Il y avait très peu de gens, mais ils étaient partout sur terre. Il y a quand même des mecs qui cherchent des musiques super pointues mais ils sont très disséminés. Depuis que je fais de la musique, j’ai des contacts partout dans le monde et certains de ces contacts se sont organisés et avec Internet surtout, tu chopes de plus en plus de contacts. Envoyer des mails, ça ne coûte rien… donc, on a fait partir des mails dans un certain milieu et c’est comme ça qu’on a monté la tournée. On a fait un truc de dingue… trente dates, on a fait tout le tour des USA. Maintenant ça ne veut pas dire qu’il y a énormément de monde dans tous les shows et que tu gagnes de l’argent.

Venons-en justement à la scène, ça a l’air d’être assez chaotique et explosif. Comment peux-tu nous décrire un de tes shows…
Je vois un peu ça comme un opéra de Broadway. En général, il y a une histoire à la base. On met la musique sur bande, car c’est tellement mouvementé sur scène qu’on pourrait tout péter en quelques secondes, par contre les voix sont live et on suit un scénario… on joue des personnages. Par exemple, sur le dernier spectacle, l’idée était qu’on jouait des pasteurs qui faisaient une sorte de culte de la sainte vierge. Voilà le scénar de base. Les chansons s’enfilent les unes après les autres et nous, acteurs, on délire dessus et parfois ça part en couille ! C’est exactement comme une comédie musicale tu vois. C’est comme une comédie musicale, mais le truc qui est différent de Broadway, c’est que premièrement, c’est tout fait en bouts de carton / ficelle et aussi parce qu’on utilise vachement de trucs corporels. On fait des performances. Pas comme le piercing, rien à voir. Il peut y avoir de la pisse et d’autres scènes plus hard. C’est souvent très truqué. Ça peut être impressionnant, mais ça reste toujours dans un scénario romanesque. On truque beaucoup en fait, comme dans un film… quand un acteur à la télé se fait couper le bras, ce n’est pas la réalité !

Ok, j’ai entendu parler du coup des épinards !!!
Oui parfaitement, on peut dire que les épinards mélangés à du Nesquick servent d’illusion pour faire la merde ! Ce qui est étrange, c’est qu’il y a des gens qui veulent tellement convaincre les autres qu’ils ont vu des trucs dégueulasses qu’ils racontent à tout le monde qu’il y a de la merde partout alors que c’est totalement imaginaire.

Et comment tu te débrouilles pour l’odeur ?
En fait je vais te donner le vrai truc ! Car il y a un truc comme en magie : tu vois, tu arrives sur scène et tu pisses. Tu t’arranges pour bien te mettre dans la lumière et tu pisses partout que tout le monde te voie bien… et là les gens se disent : ‘putain l’enfoiré il pisse partout !’ Ok ? Après tu t’accroupis et tu sors des épinards / chocolat de ton froc ! Crois-moi, une fois que les gens ont vu la vraie pisse, ils ne veulent pas savoir si c’est de la vraie merde ! Et là c’est la panique générale. Tu vois en faisant pipi tu sors un faux lapin du cul… c’est de la magie !

Putain c’est excellent, dommage que je ne sois plus à l’école, sinon j’aurais utilisé ce tour !
(Rires) Mais tout le monde y croit en plus ! Bon ça peut arriver qu’on chie vraiment, ce n’est pas souvent !

Tu sembles n’avoir aucune limite… textes de fou, shows ultra barrés…
En fait les textes, tu peux aller loin, c’est symbolique et ce n’est pas fait pour faire du mal à qui que ce soit. Ça ne touche pas les gens. Après bien sûr que j’ai des limites. Je ne tiens pas à me faire du mal ou à mettre ma vie en danger par exemple. Hors de question de m’estropier pour un show car derrière j’ai d’autres shows à faire ! Même si ça serait cool de s’arracher la tête sur scène, je ne peux pas ! Tu vois le but de mes spectacle est que les gens voient quelque chose qui sort de l’ordinaire, comme pour tout autre spectacle en fait… tu vois pour moi le mot extrême me paraît bizarre. Tu as toutes les anciennes pièces de théâtre avec tous ces crimes incestueux ou ces meurtres, ça aussi c’était violent ! Après, tant que c’est de la comédie c’est ok.

Ok, que peux-tu nous dire sur tes vidéos maintenant ?
En fait la plupart des vidéos que je fais sont des vidéos de spectacle. J’ai aussi fait des sortes de films où je me filme complètement bourré ou encore des courts métrages. Tu sais, ça ne revient pas cher de faire un film comme ça. Maintenant avec la nouvelle technologie, les caméras DV et le programme sur ordi, tu peux tout faire. En fait, quand je suis chez moi je n’arrête pas de travailler, film, musique… je suis un … bureaucrate du chaos ! Ouais c’est pas mal ça : bureaucrate du chaos. Je vais le réutiliser sûrement : bureaucrate du chaos !

Tu n’as pas fait que des vidéos de ce type, tu as aussi joué dans des films plus gros comme ‘Baise-Moi’ ou ‘Irréversible’.
Oui c’était pour des petits rôles.

Tu crois que ça a aidé à ta popularité ?
Non, je ne suis pas sûr, car au final personne ne me connaît vraiment… à part les quelques personnes qui ont été voir les films en me connaissant de base, personne ne m’a remarqué. Tu vois je n’ai pas eu des rôles assez importants pour me faire remarquer. J’ai été pris dans ces films car ils avaient besoin d’un mec qui puisse se foutre à poil, se mettre un poing dans le cul sans être un acteur du porno et en plus qui puisse apporter une image underground. Ce n’était pas des rôles super élaborés, mais cool quand même. Pour moi le plus intéressant était de voir travailler les réalisateurs, surtout Gaspar Noé. J’ai pu voir deux méthodes professionnelles très différentes. Quand tu es sur un tournage tu glandes deux jours pour jouer deux minutes, alors moi j’ai tout maté ce que je pouvais et j’ai pas mal appris. C’est très intéressant et instructif.

Tu aimerais recommencer ça dans un autre film et dans n’importe quel rôle ?
Oui carrément, ça serait hyper cool. J’adore ça… n’importe quel rôle je prends. Tu sais, il y a un réalisateur hollandais qui m’a proposé de jouer le rôle principal dans son prochain film… ça va être trop cool si je le fais !

Quels sont tes projets pour cette année, mis à part ce film ?
Oui ça c’est pour la fin de l’année. Enregistrer de la musique à fond. Et puis il y a un mec qui m’a proposé de jouer un opéra en Allemagne. En fait je ferais le rôle d’un pape complètement fou et excentrique. Encore un truc bien barré. Putain tu imagines, moi en pape à l’opéra… un truc de malade !

On a hâte de voir ça !

STRIPORAMA

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COSTES - THE VICIOUS FROG

Interview by Richard Baylor 1995

Costes is one of the few modern artists who do exactly what they want. He does not stop to think whether it will offend, if it is too extreme or if it will be accepted. Often, this means flirting with such taboo areas as incest, scatological matter and racism. It could be said that his work may not be for everyone, and that not all of his work is for people who do understand and appreciate what he is doing. What can certainly be said is that his creative output is not for the easily offended.
His work encompasses music, performance pieces and film. He is a prolific one-man show based in Paris. To date, he has released seven CD's, twelve film/performance videos and scores of audio tapes. He gained notoriety with the short lived Costes/Lisa Suckdog union and their early LP Rape GG. This was followed by a series of live performance pieces including Rollerderby and Civil War. Both of these anarchic and operatic shows were put out on video. His foray into filmmaking produced the extreme and humorous Le Fils De Caligula. It is a French tale of the recreation of the Caligula blood line, complete with an extreme closeup of our hero taking a healthy dump on a busy freeway and then being anally raped with a carrot as he breaks up a house party. Almost all of Costes's work is supplemented by the talented French artist Anne Van der Linden. She has managed to capture, both on film and canvas, the world of Costes and his philosophies.
Costes is currently in Tokyo were he has performed a series of live shows. Although in a culture less tolerant of his flamboyant and often nude performances, he has found a circle who are willing to be subjected to the whims of the Great Masturbator. When one approaches the work of someone as controversial as Costes, one can not put forth their own views and interpretations solely. What follows is a discussion with the man himself.

I have read that you went to India after finishing school. What kind of effect did that trip have on your life and your outlook on life?

I went to India in 1976 because it was the fashionable place to go. India was a big shock for me: culture, food, crowds, sickness, drugs, etc. All of these negative and positive elements changed me deeply. Even though I got hepatitis, I came back healthier and stronger. I became aware that the Western societies are not the only solutions, but that there are numerous other approaches and outlooks.

What is the significance behind the tattoos that you have on your fingers?

The tattoo on my right hand is the mystic Hindu symbol "OM", while the tattoos on my fingers are of the sun and the moon. I got those while I was in India and thought I would become a "real" hippy. My ideas of becoming a new man were destroyed when I realized that these hippies were just lazy bastards selling fake hashish. When I came back to France in 1977, punk rock had exploded. I was the uncool hippy with bad tattoos. The tattoos bring real problems with the police, customs officials, etc, but they force me out of society every day of my life. I've since stopped following any fashion or believing in anything.

Which form of media do you prefer and in which do you feel that you can best express your ideas?

I began with music, but slowly my songs became more like stories. This lead to my becoming more interested in theatre and opera. From 87/88, most of my tapes and CDs became based on a concept, a story or a song being organized as a scenario. When I began doing shows in 86, they were kind of normal in that I played keyboards and sang although my playing and singing were never normal. By the end of 87, I stopped playing on stage because the actions, theatre and costumes were becoming so important that I couldn't be stuck behind the keyboard. So, I just sang on backing tapes and this allowed me to use my energy in the performances. That is why my performances grew as important as my music important and special because the actions drive me crazy, similar to voodoo. In the beginning, video was a way of remembering the live shows. Soon, I used the camera to make my own films.

Some of your work, including the recent Jap Jew, has provoked cries of racism and fascism. Do you think that there are any foundations for these outcries and what is the purposes for such work?

My CD's are becoming more and more racist and I'm not sure why. I suppose it's the feeling of the times in France. It is in the news, on the television, rightwing politicians, lots of talk about foreigners, etc. I probably get influenced by my environment and I spit this shit out as wild as I can. I like strong provocative work and racist songs excite me for some reason. It is the purging of all the shit in my brain, being washed out, and I feel better after I vomit it up. Although some of my CDs are racist, I am not a racist guy in real life. On the other hand, my work is definitely not fascist because fascists love conventional, boring order, classical music (classical noise), clear square concepts, Christian values, families and the white race. I spit on all of these things, as much as I spit on Blacks and Jews. I hate all social groups, all ethnic groups and all people pretending to be part of a group. I'm alone and hate them all, firstly my own race and family.

So, your anger isn't really aimed at particular groups, just individuals who identify with groups?

When I was a kid and still now, I was unable to be a part of groups, not just formal groups at school, but informal ones with friends. Since that time, I hate all groups. Not only because I can't be a part of them, but because they make me suffer. I have built my own lonely culture and attitudes. I am used to judging myself by my personal achievements instead of my social status. I hate all groups, but I love individuals from all groups who, like me, don't feel that they need to hide behind the shield of a group.

Since Jap Jew stirred-up such a storm in Europe, how well received was it in Japan?

Jap Jew is my best selling CD in Japan. At first, even the Japanese who knew me were offended by the lyrics. But after a while, they could see what I was doing and could identify with it. Like me, they are lonely people and don't feel comfortable living in their own society. For others, I am an enigma: "does he mean it or not?" The CD probably sells well because people need to buy it just to know what it is really about. Unlike in France and Germany, I have never heard anyone in Japan call me a fascist or racist. This is a typical white middleclass attitude and thing to say. For them, just to speak about race is racist. I have never been charged with racism by Blacks, Arabs, Japanese to them, it is obvious that I'm not. Real racism is everyday oppression, not jokes in a song.

You are often mentioned in the same breath as Lisa Suckdog and GG Allin. What is the connection?

I have worked a lot with Lisa Suckdog and she is the only person that I have met who understands exactly what I am trying to get across in my shows. She is as creative and active in the opera projects as I am. Lisa also has good songs and is great on stage. As far as GG goes, I never met him, never really listened to his music and only saw a video of his performances in 93. I like him and am impressed by some of his performances. I suppose people connect us because of the yelling and nudity. Maybe it is because we both have a bat and two balls.

Rape GG seems to be a turning point in your career. The album tells the story of how Costes and Suckdog go to New York to exploit GG Allin. It weaves a tale of love, jealousy and obsession. How true are the lyrics and the liner note interview?

Lisa Suckdog was my girlfriend at the time and she was in love with GG. That is partly why I did this LP. Another reason was because at the time, I had no name for myself in America and was jealous of his fame there. Rape GG was a turning point because it was my first total HATE project. Since, I've done many against people, class and the music scene. As time passes, I have less hope and become more frustrated and nasty. The old sick buffalo feels the death coming soon!

When one thinks about GG Allin, one thinks of a person who treated the whole world as a stage. There didn't appear to be any time when he wasn't performing. I don't think many people were surprised with his early death. Is there a big difference between Costes the person and Costes the artist?

Of course GG wasn't treating the world as a stage. He was going to the launderette on his bicycle, politely buying groceries and beer on the way. But as soon as a video camera was around, he began to play "GG the Nasty Rock Star." I do not act off the stage, I would feel too ashamed to play the tough wild rock guy. Many people expect me to act in life like I do on stage. When they meet me, nothing happens. I don't drink, don't fuck, don't speak, don't even look at them. They say I'm a liar and are disappointed. The obvious link between the two is that Costes the person is an asocial introvert, while Costes the artist is spitting hate at everything.

Your work crosses all moral boundaries that our society has set-up. It is often scatological in nature, you approach areas of incest, masturbation, homosexuality, etc. Is there a moral line that you aren't willing to cross?

My only morals are my ideas of duty and pleasure. I believe that I have something to do every day of my life, produce something special to feel good. I want to make the best of my life and be my own hero, maybe society's hero. I judge all of my actions from this very moral point of view: Did I record a good song today? Did I make the best decisions about how I used my time today? Incest, masturbation, homosexuality are just words. In my songs, there are no words beyond what I want to do, just words beyond words. I always try to go beyond what I have done previously.

There are rumours that France is no longer as artistically tolerant as it once was. Have you felt any of these recent restrictions and do you feel that France is the best place for you to produce your work?

I still feel free to do what I want in France. Since I do it alone in my basement, no one cares. France could be the best place for me because I am lonely and have the time to work, but it is the worst place for shows and selling my products. In Japan right now, I am playing at the best clubs and sell far more than at home. So for the time being, it is hard for me to think about going back.

How well received are you when you tour through the U.S., Europe, and Japan? Are you mostly doing music or performance pieces?

I am best received in Japan, followed by the United States. The only problem in these two countries is their opposition to nudity. It is often against the law and I have to avoid it so that my shows can continue. Europe is more free, but people seem to show less interest in what I am doing. I never play live music concerts, but I sing on backing tracks for about an hour. Like an opera, I perform with one or two partners while the tracks are playing. While in Japan, though, I do have plans to play with an actual band.

You have been working with artist Anne Van der Linden for some time. Her work visually captures the Essence of Costes. How did the two of you get paired up?

Anne was my girlfriend before 87, so she was there at the beginning of my music. It is easy for her to understand my innerworld. She made a lot of great painted backdrops for the shows in Europe and the United States.


One point that has been made in regards to Costes, is that the sheer volume of his output in such a short period of time has meant that some pieces are extraordinary, while others sink to a level of mediocrity. Costes achieves the best effect when taken in short sharp bursts. After a continous onslaught of audio hysteria, the listener begins to numb to the overpowering sounds. For myself, his most exiting and rewarding work comes from his ability to take a very conventional sound/idea and then to transform and mutate this into a disjointed and perverse finished product. The tracks, The Great Masturbator from Lung Farts and Costes Cock On Fujiyama from Jap Jew are just two examples. As he does not work within any known moral boundries, no one knows what to expect next.
Costes is an artist in isolation, the enigma is not whether he means it or not, but whether this isolation is imposed by external or internal forces. Whether one agrees with his views and philosophies or not, Costes is still an artist whose work needs to be exposed.


SKUG

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Costes - Triviale Poursuite

Jean-Louis Costes, vous savez, le fou chantant tout nu, le grand moraliste du XXème siècle mais aussi le triste Recordman du titre d’artiste français le plus poursuivi en Justice depuis maintenant huit ans, et ce devant le Marquis de Sade, Jean Genet ou bien d’autres encore ... Retour sur les motifs et accusations:

skug #58 | Text: Noël Akchoté | Sun 12. Dec. 2004

Retour sur les motifs et accusations:

- De quoi t’accuses-t-on exactement?

On m’accuse de propager le mal par mon oeuvre. Certains des personnages de mes oeuvres sont franchement amoraux, violents. Les situations que je mets en scène sont extrèmes, représentées de manière très crue. Mes adversaires prétendent que mon oeuvre passe les limites de la liberté d’expression, que je pousse mon public au crime et exerce une mauvaise influence sur la société.

- Qui t’accuse?

Des associations de défense des droits de l’homme et des associations de lutte contre le racisme.

- Pourquoi autant de procès successifs, et surtout pour quelles raisons continuent-ils à te poursuivre huit ans plus tard?

Depuis huit ans je suis persécuté avec un acharnement exceptionnel. Ce procès, qui dure depuis 2522 jours, est le plus long jamais fait à un artiste en France ! Je ne comprends pas l’acharnement de mes adversaires qui savent très bien que je ne suis pas un criminel mais un artiste. J’ai l’impression que ces gens, sous prétexte de faire respecter l’ordre moral, cherchent à contrôler la culture, l’expression des individus afin de plus largement contrôler la société. Les ligues morales sont au service de gros intérêts économiques. En me détruisant, elles font un exemple pour faire peur aux autres.

- Quelle est ta défense (motifs et plaidoiries )?

Elle est évidente. Je ne suis pas un politicien, je ne suis pas un criminel. Je suis un artiste. Je représente le monde tel qu’il est, dans toutes ses contradictions. L’art est depuis toujours en Europe le lieu de la transgression symbolique, de la représentaion du mal. Je m’inscris dans cette tradition. Passer sous silences certains faits comme le racisme ou la pédophilie, par exemple serait malhonnête et rendrait mon oeuvre sans interêt. Et rajouter un message moral serait transformer mon art en propagande. Je refuse ces deux options. Je laisse les influences bonnes et mauvaises me traverser et je les vomis, je les chie. Procès ou pas, que ça plaise ou pas, c’est la seule voie de l’art, vomir et chier.

- Quelles ont été tes condamnations jusqu’à présent ?

Je n’ai jamais été condamné. J’ai jusqu’à présent toujours gagné. Mais hélas mes adversaires reviennent toujours à l’attaque. Dès que je gagne un procès, ils déposent une nouvelle plainte le lendemain!

- Quelle est l’issue possible de ces procès à ton sens et que réclament les plaigants pour clore ces procédures (cela peut-il durer comme ça 20 ans encore?)

Au départ, ces ligues pseudo-morales voulaient me faire disparaître culturellement. Elles m’ont fait un procès pour faire fermer mon site internet, pressions pour annuler mes spectacles et retirer mes disques des magasins, une campagne de presse diffamatoire à mon encontre. J’ai été victime de harcèlement téléphonique ainsi que via e-mail. J’ai reçu des menaces de morts, des attaques et coups dans la rue et sur scène. Mais ils ont été surpris par ma résistance et le soutien des milieux culturels indépendants et semblent désormais moins virulents, du moins ouvertement. Actuellement, ils veulent obtenir la censure de mon site internet et obtenir de l’argent.

- Au quotidien, dans quelle situation cela te met-il?

Dans la merde. Je peux continuer à diffuser mes oeuvres dans les milieux undergrounds mais je n’ai plus accès à des moyens de diffusion plus importants (télévision, grandes salles de spectacle, festivals ...), ce qui me condamne à la misère. Mais je reste optimiste à long terme, car de plus en plus de gens prennent conscience des abus commis par ces associations qui terrorisent la pensée au nom du bien et leur influence diminue.

- Il semble que tu deviennes maintenant le triste »Recordman« en France du titre de l’ artiste le plus poursuivi, qu’ est ce que tout cela t’inspire?

Oui je suis recordman toutes catégories des procès ! Ça me décourage de temps en temps mais ça me pousse aussi à continuer car les conflits me stimulent. De toute façon, un artiste qui va au bout de son oeuvre ne peut que rencontrer la persécution. C’est dur mais ça prouve aussi l’importance de l’art. Si on cherche à détruire mon oeuvre, c’est bien qu’elle a une importance sociale, un impact, une influence, et finalement une utilité et une valeur.

- Es-tu soutenu par des associations, des amis ou autres groupes de soutien?

Je suis soutenu à fond par les mileux culturels indépendants mais abandonné par les grands médias et les partis politiques qui sont tous plus ou moins complices de ces associations qui sont les chiens de garde des pouvoirs en place.

- Y-a -t’il déjà eu dans ces procès des tentatives d’arrangement à l’amiable entre les plaigants et toi?

Jamais. Je n’ai jamais eu de contacts avec mes adversaires. Aux procès, on ne voit que leurs avocats. Ceux qui manipulent tout derrière ne se montrent jamais et ne sont pas du genre à faire des compromis. Ils ont raison, ils sont les chefs et je n’ai qu’à me soumettre. Malheureusement pour eux, je ne suis pas du genre à me mettre à genoux. Je préfère encore crever que de me soumettre.

- En dehors des procès maintenant, quels sont tes projets, ton actualité? J’ai cru voir plusieurs livres, des disques ou vidéos?

Je viens de terminer une grosse tournée avec mon dernier opéra porno-social »Holy Virgin Cult« (55 dates en europe et 22 aux USA). J’ai sorti un roman »Viva la merda«. Un DVD de la tournée du show aux USA sortira fin février. Je prépare un nouveau film avec le réalisateur Edwin Brienen où je jouerai le role principal. J’enregistre actuellement de nouveaux cds pour des labels français, américains, allemands et japonais et je chanterai dans un opéra allemand cet été.

- Merci!

Frank de Carvalho / redaction web
Magdalena Blaszczuk / photo

Parution dans la version allemande: skug Vol. 58, 3–5/2004
(Traduction: Alessandro Barberi


VEGANARKIST

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- Bof, ils vont pas te tuer...ils vont te laisser juste minable clochard le nez dans ta merde.
- Ah ouais? Je m'en branle. J'y suis déja le nez dans ma merde. Je la bouffe et j'en redemande.


Entretien avec Jean-Louis Costes

Novembre 2004

        Tout ce qui se réclame de près ou de loin de l'art (avec un grand A, disent-ils) m'a toujours fait chier. Pédant, entendu, racoleur, pseudo-élitiste, mercantilement provoc, mou, du vomi tiède de bourge capricieux qui pense exprimer quelque chose, qui se vend dans des galleries, aux maisons d'édition, de disques ou que sais-je encore. Bref un truc faux, comme lorsqu'on parle à des gens dont on en a rien à foutre mais par politesse, on les écoute, en attendant qu'ils nous laissent parler. Parce qu'on attend que ça, pouvoir leur dire qu'on a quelque chose à faire, désolé mais j'espère bientôt te revoir. Leur aRT, c'est pareil. Ils font semblant d'y croire, mais personne n'est dupe. Ils savent que c'est de la merde, l'artiste lui même doit bien se rendre compte en encaissant ses chèques et en dédicaçant ses conneries qu'il n'est pas plus artiste que BHL n'est philosophe. Cet art vendu comme décalé, on doit le supporter partout, parce qu'il est vendu partout, la contestation et l'anticonformisme, c'est vendeur dans une démoKKKratie. Ce surplus artistique qui suinte des pores contestataires de la SSociété, il parait que c'est très sain. Tous nos politiques nous le disent, c'est le signe d'une démoKKKratie en bonne santé. Parce que la démokkkratie ne va pas mal : pour preuve, tous ces autoproclamés artistes contestataires se font du fric, à l'aide des majors ou des subventions. J'ai jamais compris pourquoi art n'était pas un synonyme d'exploitation. Ces insectes rampent dans leur coke, leurs paillettes, leurs promos papier glacé, en oubliant les saltimbanques qu'ils sonts, qui bouffent la merde de la société pour mieux la revendre. Dans nos sociétés industrialisées, tout est formaté, bien emballé pour nous faire oublier que c'est de la merde qui nous est vendus. L'industrie du disque c'est comme un Mac Do, un produit présentable, bien propre, marketing, qui masque un vide empli de boyaux recyclés et de polystyrène qu'on nous demande de bouffer. L'art, ça n'est jamais rien d'autre que du "Bouffe, putain d'esclave" avec les formes. La forme, c'est ce qui distingue l'art du reste. " La façon la plus rapide de reconnaitre un plastique est de le bruler pour observer la flamme, la fumée et sentir l'odeur. Le polystyréne est facilement reconnaisable à sa fumée noire et à son odeur caractéristique."

        Le brut, le viscéral, l'haineux, le compulsif, le forcené, le maladif, est devenu étranger à cet art climatiseur. Parce qu'ils décrètent que ce n'est plus de l'art. L'épileptique, le non-canalisable, le transgressif sont pourtant l'artistique par essence, au delà de toutes préoccupations mercantile, morale, religieuse ou politique.
Et cet art, ils n'en veulent pas. C'est le mal, dans le sens où il va être pénalisé. Il n'a tout simplement pas lieu d'être, on le marginalise en le criminalisant. L'expression devient une infraction. L'oeuvre de Costes, sa musique, ses films, ses écrits, ses performances sont une incarnation de cet art qui dérange. Pas qui dérange tout en se vendant. Qui dérange ultimement. Parce qu'il n'a pas à se légitimer, il ne défend rien d'autre que lui même, c'est un gros ver blanc aux yeux rouges pataugeant dans la viande morte sociale en vomissant du pus, parce que tout ce qui a une réalité, qui est porteur d'une vérité, c'est ce pus. Vomir ses tripes, son existence, toute sa haine, parce que la société ne peut rien générer d'autre. Cette société avec ses lois, ses juges, ses flics et ses Virgin bavant tous ces films, tous ces disques, ces bouquins critiquant ces mêmes lois, ces juges, ces flics. Et ils pensent que tout rentre dans l'ordre. Le consommateur étanche sa soif de rebellion kkkulturelle, l'artiste capitaliste a de nouveau des thunes pour retourner en studio emballer sa merde. Et il rentre chez lui, sa vie d'artiste reprendra le lendemain ou à la fin du week-end.
Costes vit dans son vomi, rampe dans son vomi, dort dans son vomi. Et le vomi c'est l'art, le rejet, une excroissance naturelle et clandestine du corps social, ce qu'ils essaient de cacher. Parce qu'ils n'aimeraient pas que ça existe, ça leur rappelle qui ils sont vraiment. Hollywood, la musique populaire, la radio, internet leur fait oublier. Ils paient pour ça. Costes est un révélateur, au sens littéral. De toute cette culture pourrie dans des décennies il ne restera que ça, ces tentatives pour nous montrer que derrière toute cette sclérose sociale, politique, artistique, on pouvait vivre.

Heil DiktaRT !
yvon krever 18.11.2004
I DU BRUIT DANS LA TETE

1 ) En 2003  tu as fait une performance à Denver avec Boyd Rice, fasciste notoire et fondateur talentueux de NON. Il t'aurait vomi dessus sur scène... Comment s'est passée cette collaboration avec un individu a priori radicalement différent de toi ? Que penses-tu de ses oeuvres bruitistes et martiales ?

Je n'ai pas fait de performance avec Boyd Rice. Quand nous avons joué a Denver il est venu en spectateur. Il m'a craché dessus parce que c'était une scène où je crachais sur le public. Il a gentiment participé quoi !
J'aime sa musique mais me fout de l'ideologie.

2 ) Ca te fait quoi quand on te rapproche de GG Allin ? Les covers de "Doctrine of Mayhem" ou "Brutality and bloodsheet for all", sur laquelle on peut voir GG nu et ensanglanté tenant le tronc d'une femme devant le drapeau américain n'est pas sans rappeler tes propres oeuvres...

J'apprécie GG Allin surtout pour sa manière de décaler la voix par rapport à une musique plutôt banale. Sa manière de chanter est fascinante de chaos contrôlé. C'est clair qu'on peut voir quelques points communs, mais bon, il fait caca sur scène, je fais caca sur scène... Et alors ? tout le monde fait caca ! C'est pas pour ca qu'on est tous semblables !

3 ) Connais-tu les travaux du punk espagnol Manolo Kabezabolo ? Qu'est-ce que tu en penses ?

Je ne connais pas. Mais bon, je connais rien car je sors jamais de chez moi et n'écoute pas de musique.
 
4 ) Comment en es-tu venu à collaborer avec la performer Lisa Suckdog, sur ton disque "Rape GG" ?

J'étais marié avec Lisa à cette époque et vivais avec elle aux USA. Elle recevait tout le temps des lettres d'amour de GG Allin, alors ça me rendait jaloux et j'ai fait Rape GG pour le casser. Lisa a aimé le projet et a chanté son amour deçu pour GG sur le disque.
Sur la pochette, on avait fait une poupée vaudou de GG avec des épingles pour le tuer... et il est mort en vrai !!!!!

5 ) Sur ton double CD Guy George, on peut t'entendre dire, "dans la tête d'un tueur en série", "je hais toutes ces putes", "tuer des blanches", "tuer des blondes". Bien que ta démarche soit radicalement différente, que penses-tu du discours de Whitehouse, qui depuis plus de 20 ans dédie ses oeuvres à des tueurs en série sadiques et appelle à assouvir ses plus bas instincts ? Quel était ton but en te plaçant dans la peau d'un tueur comme Guy George ?

Je n'ai aucun but quand je fais un disque. Je fais n'importe quoi et au bout de quelques semaines d'enregistrement, un thème se dégage. Je suis pas plus fasciné par le crime que par le pain. Et nettement moins fasciné par le crime que par le fromage.
Les mecs de  l'indus genre "whitehouse" qui ne parlent que de crimes en jouant les méchants sont vraiment des bouffons. Je les attacherais bien dans ma cave pour voir combien de temps ces serial killers de pacotille tiendraient sous mes tortures !!

6 ) Le suicide sur scène en entrainant avec toi des spectateurs, projet longtemps nourri par GG Allin avant qu'il ne crève lamentablement comme une rock-star, c'est un truc auquel t'as déjà pensé ?

Oui, ça me parait être le sommet d'un show, une apothéose finale où je mourrais en entrainant tout dans le chaos. A chaque show je pense à cette solution finale et finalement ca finit tout minable avec un peu de fumée et de la sauce tomate ! Merde ! Ca sera pour la prochaine fois !

7 ) Ton CD "Oeuvre au noir" est sorti sur Amortout Prod., un label/distro spécialisé black metal... Pourquoi délaisser l'autoprod, et pourquoi cette sortie sur Amortout ?

Je me suis autoproduit fondamentalement parce que personne ne voulait des mes oeuvres ! Actuellement, plus de labels me demandent des CDs. Ca me décharge du travail de distribution et accroit mon audience. Mais j'aime aussi faire des CDs autoproduits car je suis plus libre et barré dans ma tête.

8 ) Comment tu vois le futur de Costes ?

Très bientot mort. Ma vie et mon oeuvre touchent à leur fin. Je le sens. J'essaie juste de durer un peu pour compléter mon oeuvre avant la mort.
D'ailleurs ca s'entend dans mes disques que je vais bientot mourir. Je n'adhère plus à la realite. Je suis déjà à moitié dans le Ciel.

II DIARRHEE MENTALE

9 ) La première fois que j'ai vu certains de tes films, je n'ai pu m'empêcher de songer au court-métrage amateur "MONGOLITOS" de Stephane Ambiel, soit "un jour dans la vie d'un chiotte français", où se rencontrent junkies, trans et bonnes soeurs. As-tu déjà vu cette perle du cinéma underground français ? Est-ce que tes films sont diffusés quelque part ou projetés ?

J'ai la vidéo de Mongolitos chez moi depuis 5 ans mais je suis tellement autiste que je l'ai pas encore regardée !
Mes fims sont diffusés par moi et régulièrement projetés dans des festivals underground comme recemment au LUFF à Lauzanne.


10 ) Depuis quelques temps, y'a une certaine hype autour de ton nom... Non seulement le lycéen un peu à la mode te connait (culture Internet oblige) mais aussi t'as la côte auprès d'une jet-set qui se veut culturelle et alternative, un de tes textes est même paru dans la revue CANCER. Et c'est pas nouveau, parce qu'il y a dix ans de ça je découvrais dans le détestable magazine "Genereux" une double page sur une de tes performances pour égayer une quelconque soirée bourge parisienne. Après t'es retourné retrouver ta banlieue pendant qu'eux regagnaient leurs apparts chicos en BM ou mercedes. Pourquoi distraire tous ces connards ?

J'ai publié depuis quleques années des textes régulièrement dans plusieurs revues, dont tous les numéros de Cancer sauf le premier, et aussi dans Hermaphrodite, Bordel et je fais des rubriques sur les sites Subversiv et Ring. C'est vrai que de plus en plus de gens me demandent de faire de trucs, notamment des textes. Je vois pas le probleme. Tant que je fais ce que je pense bien, le support ne me dérange pas. Je suis prêt à écrire pour n'importe quel magazine, du moment qu'ils ne retouchent pas trop mes textes.
De toute façon ça va pas s'arrêter là. Je suis en route pour la gloire artistique totale. Ca monte sans cesse et après ma mort, le culte de Costes explosera. J'ai tout fait seul et tout le monde me meprisait. C'est ma revanche d'être culte.
Je suis fier d'être apprecié par les milieux artistiques indépendants sincères. Maintenant, quand dans dix ans il y aura un article dans Libé ou Le Monde sur Costes le génie, vous pourrez leur cracher dans la gueule de la part de mon cadavre ! Enfin, je me fous que les gens qui m'apprécient soient riches ou pauvres. Enfant je vivais au Vésinet chez les hyper riches et étais très malheureux. Aujourdhui je vis avec les hyper-pauvres et suis moins malheureux
Je ne fais pas la difference entre Neuilly et Saint-Denis. Je n'ai pas de fric mais je me crois très riche !

11 ) Dans le même registre, pourquoi avoir accepté de travailler avec quelqu'un comme Gaspard Noé dans "Irreversible" ? Pour moi c'est l'archétype du réalisateur qui habille la vacuité de son oeuvre avec une provocation bas de gamme et racoleuse, devant laquelle vont s'extasier les journaleux des Cahiers du cinéma ou de Télérama. (je dis ça comme ça, je sais pas si ça leur a plu)
Si "Seul contre tous" n'était pas trop mauvais, le pire était à craindre avec "Irreversible"... Comment as-tu vécu cette incursion dans le cinéma mainstream et grand public ?

J'adore "Seul contre tous". Et je respecte la passion de filmer de Gaspard Noé. Quand il ma proposé de jouer dans "Irreversible", je ne connaissais même pas le nom de Cassel, Bellucci et Dupontel. Je ne connais rien au show biz, donc pour moi jouer là dedans avec Cassel ou avec un pote dans une de mes videos, ça fait pas de difference, sauf question fric !

12 ) T'as déjà voté ? Vu "4 executions sommaires", je pense que non... Pourquoi rester en fRANCE, alors qu'au Japon par exemple ton art est relativement bien perçu ?

Je vote pas par conviction mais par stratégie. Par exemple dans ma ville, je vote en fonction de la situation, pour essayer d'avoir le maire le moins naze possible.
Je devrais effectivement me casser de France où je suis poursuivi depuis 8 ans sans interruption en procès par l'Union des Etudiants Juifs de France qui m'ont totalement pourri la vie.
Je vais d'ailleurs me casser très bientôt et definitivement pour etre plus libre. La France est devenue avec tous ces groupes de pression un des pays les moins libres du monde ! Dommage...

13 ) Questions superficielles de groupies... T'es vraiment le mouton noir de ta banlieue du 93 que tu décris dans "Nik ta race" ? On te reconnait dans la rue, les gens viennent te parler ? La célébrité tu la perçois comment, une porte de sortie ou une aggravation de ce que tu vis maintenant ?

Dans mon quartier personne ne sait qui je suis et heureusement ! Car ce que je fais, ici, me vaudrait le lynchage immédiat. L'art européen est de la transgression symbolique. Pour les musulmans de Saint-Denis, une transgression n'est jamais symbolique. Tu transgresses symboliquement une de leurs valeurs ? Ils te cassent la tête direct. Les cultures fondées sur une religion détestent l'art.

14 ) La finalité, c'est quoi ? La mort, la destruction, la provocation, une forme de bonheur, la liberté, l'apaisement, l'expression ?
 
Vivre la vie la plus forte possible. Faire mon devoir avant de mourir. Mourir glorieux. Travailler sans cesse pour ça et crever comme une fourmi. Faire un enfant avant de crever

15 ) Le mot de la fin, si t'as quelque chose à ajouter ou à rectifier...
...euh...
Merci à Costes pour l'interview. Le dessin est de Mélanie.
                                                                                       http://costes.org

TECHNIKART

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Costes toujours

Costes, chanteur scato et parodique, est trainé en justice pour propos racistes. Problème : en singeant la haine des autres, il voulait surtout dénoncer l'horreur du fachisme. Histoire d'un incompris.

Il a enregistré plus de cinquante cassettes, une trentaine de CD, donné des centaines de concerts internationaux et réalisé des dizaines d'opérettes hallucinées. Mais Costes n'aurait jamais pensé devenir aussi célèbre : depuis le 16 mars 1997, il est poursuivi devant les tribunaux par toutes sortes d'associations (Union des Etudiants Juifs de France, Licra, MRAP, etc.) pour la publication sur son site Internet des paroles de l'album " Livrez les blanches aux bicots "…

Les doigts sur les murs

Florilège : " Trop de bicots dans les rues, trop de négros dans le métro / Trop de négresses accroupies dans les chiottes turcs chient à côté dans l'obscurité / S'essuient les doigts sur les murs et touchent la monnaie / Et quand je prends la monnaie je touche leur merde. " Le tout hurlé d'une voix suraiguë et noyé dans d'autres flots de paroles où Costes se chie dessus. Le voilà ainsi attaqué pour des textes qui n'ont pas été compris : Costes n'est pas raciste, ne l'a jamais été.

Bête immonde

Au contraire. Le performer tourne en dérision les amis de Le Pen en parodiant à l'extrême leur discours. Un enfant de 5 ans comprendrait ça. Mais, depuis trois ans, de musicien provo et underground, Jean-Louis Costes a accédé au statut peu enviable de bête immonde prônant un racisme ordurier à caractère scatologique. Comme une erreur de transmission. " Je vous le jure, Costes, c'est vraiment un type bien. " Là où vivent les oubliés de Saint-Denis, les immigrés du 93 qui croupissent dans des maisons quasi insalubres, Costes a la cote.

Hiroshima sonores

Les gosses du quartier l'adorent. Lui-même n'aspire qu'à la tranquillité. Costes ne sort presque jamais de chez lui. Il passe son temps à jouer dans la cave. Et puis à se branler aussi. Dans cet antre, près du canal, il compose des Hiroshima sonores, chansons hurlées, maxi trash mega provoc' (" Je m'appelle Costes, Jean-Louis Costes, né à Paris en 1954, un vieux con de Français. J'suis un vieux con de Français, fils de Français, arrière petit-fils de Français.

L'anus marron

Blanc de la tête aux pieds, bon, pas tout à fait blanc, c'est vrai. J'ai la queue marron, bon, ouais, j'te jure, j'ai la queue marron, tu veux que j'te l'prouve ? J't'assure, j'ai même l'anus marron, tu veux que j'te prouve que j'ai l'anus marron ? Tu crois que j'suis pas cap' de te prouver que j'ai l'anus marron devant toute la cité ? Tu veux que j'baisse mon froc et que j'te prouve que j'suis pas vraiment un blanc de la tête aux pieds ? " Extrait de Sperme blanc sur l'album Nik ta race).

Des cris d'amour

Loin de l'humour potache des salles de garde ou du Caca's Club, ces chansons sont également des murmures d'agonie ou… des cris d'amour. Car le secret de Costes - pincez-vous le nez -, c'est l'amour. " L'amour dans toute sa déchirante atrocité, commente Jérôme Noirez, musicologue sympathisant. L'amour, dans ce qu'il a de plus lyrique et en même temps de plus cru.

Mystique et coincé

Costes se situe dans la grande tradition du fin'amor, de cette poésie courtoise qui alternait avec des "contre-textes" obscènes, violents et anticléricaux ". Costes, troubadour moderne ? Peut-être. Mais c'est surtout un créateur fou qui traite de sujets sensibles (violence, caca, racisme, cul…) parce que l'amour, c'est bien, mais - quand on est martyr, mystique et très coincé - ça fait mal ! Prenez l'amour filial par exemple. Costes en a mal au cœur : " Père militaire violent et mère catho grave complice. "

Fourreaux suggestifs

" Pas un seul souvenir heureux de ma vie de 0 à 18 ans ", confesse-t-il. L'adolescence n'est guère plus brillante : " Totalement asocial, aucun ami, passe mon temps dans ma chambre à me branler et à faire joujou au suicide avec des rasoirs. Je hais tout, tout le monde et surtout moi-même. " Dans ce contexte, l'art se présente comme un exutoire salvateur : Costes fabrique des " poupées de bite ". Il enfile des fourreaux suggestifs sur son sexe en érection et, devant le miroir, se fait des petits strip-tease, ôtant un à un les rubans de tissu et de cellophane dans un lent dévoilement érotique.

Trop belle

Costes fait de la performance et sublime déjà beaucoup : le voilà éperdument amoureux d'une fille du Lycée - Anne van Der Linden - " trop belle " pour lui et qui alimente ses fantasmes. A 18 ans, son destin d'artiste frustré branleur prend forme : il quitte ses parents et " vire zonard drogué ". Paradoxalement, ça lui sauve la vie. " J'étais tellement complexé que, sans la drogue et l'alcool, j'aurais jamais réussi à baiser une fille. Ça commence bien comme histoire, hein ? Les origines d'un génie. "

Musique et masturbation

Effectivement, ça prend forme : Costes fait des débuts fracassants dans la musique : " Je jouais des claviers dans des groupes rock de drogués où on passait plus de temps allongé sous le piano qu'a jouer dessus. " Qu'importe. Il tient le bon bout. En 1983, il a 29 ans. Plus asocial que jamais, il s'enferme définitivement chez lui pour se consacrer à ses œuvres : musique et masturbation. " Solitaire, sans plus aucune contrainte, ma musique se radicalise à toute vitesse.

Une petite minorité crie au génie

Tout le monde se fout de ma gueule, ce qui a pour effet de rendre mon style toujours plus agressif. Je suis décidé a faire chier un max ! " De temps en temps, lors de sorties surprises, il distribue gratuitement ses cassettes à la sortie des concerts branchouilles. Les gens refusent, effrayés. D'autres acceptent, puis veulent lui casser la gueule après les avoir écoutées. Une petite minorité crie au génie.

Sifflets et crachats

Costes enregistre des chansons bouleversantes. L'art c'est la guerre, en 1986, est un de ses plus magnifiques albums. En 1986, justement, c'est le début d'un (relatif) succès : Costes fait des concerts ! " Toujours aussi complexé et persuadé de ma nullité, je pense que me voir seul sur scène brailler mes chansons bruyantes doit être chiant pour le public. Idée confirmée par les sifflets et crachats des punks lors de mes premiers concerts, tous interrompus au bout de cinq minutes. " Ça ne fait rien, il continue.

Yaourt-épinard-chocolat

Distribuée par le biais du mail-art, son œuvre dépasse les frontières. Il part aux Etats-Unis et tombe amoureux de Lisa Suckdog qui, comme son nom l'indique, est aussi adorable et timbrée que lui. Elle l'épouse. Quand elle apparaît sur scène - drapée de nudité candide et juvénile -, le public arrête de siffler. Costes en profite pour créer des " opéras pornos sociaux " où la violence de ses chansons se transforme en sévices sexuels simulés et barbouillages au yaourt-épinard-chocolat. Ça passe ou ça casse.

Sabre rouillé

Ces shows plaisent rapidement. Costes tourne en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Là-bas, il a même des groupies : " Je tombe chez le manager de ma tournée, dans une maison de samouraï en ruines. C'est un pédé fou amoureux de moi qui me répète "I love you Costèsse", qui se glisse la nuit nu dans mon lit et qui finit par vouloir me tuer avec un sabre rouillé. ". Anecdote authentique. Les ennemis de Costes sont tout aussi dangereux. Parmi eux : Kool Shen.

NTM-FN

Sous prétexte que Costes est amoureux de sa copine, Shen débarque un soir, pas cool, et tente de défoncer la porte en hurlant des menaces. Le lendemain, Costes commence la première chanson de l'album NTM-FN, brûlot délirant entièrement dédié à la dénonciation du célèbre duo de rap français, présentés comme de vulgaires démagos. On y entend Kool Shen dire " Y a pas que ta mère que je baise, y a aussi ta meuf. " Un message personnel laissé sur le répondeur du chanteur fou. Quand on a une embrouille avec Costes, toutes la ville est au courant.

Carrière de martyr

Autres gentils messages : ceux des fachos. Parce qu'ils le haïssent, des néonazis téléphonent un soir à Costes et lui disent qu'ils vont tuer un Pakistanais. Costes raconte cette histoire sur son site Internet. Après quoi, un journaliste écrit dans un article que Costes a tué un homme. " Le pire, c'est que même les plus sceptiques, les plus contestataires y croient. Il se disent "Si c'est dans le journal, ça doit être vrai." C'est le début du quiproquo. " Parce qu'il choque trop et qu'il renvoie dos à dos toutes les idéologies, Costes entame une carrière de martyr.

Invendable

" A l'école, j'avais pas le droit de chanter tellement je chantais faux, ça foutait en l'air la chorale. Et je continue à foutre en l'air, la chorale, qu'elle soit techno ou rap, c'est pareil ! " Parce qu'il fait de la provocation sur Radio Libertaire, même les anarchistes le virent. Parce qu'il écrit des chansons antiracistes intitulées Les races puent, il se fait poursuivre pour " incitation à la haine raciale ". Trop destroy, invendable, inclassable.

Grandes causes

En 1997, c'est le début de son odyssée. L'Union des Etudiants Juifs de France le poursuit en justice pour avoir mis sur son site les paroles de son album "Livrez les blanches aux bicots" (un album qui caricature et parodie les racistes). Costes va à la Ligue des Droits de l'Homme pour obtenir de l'aide. Mais, quelques jours plus tard, il apprend que la Ligue porte également plainte contre lui. " Les pourfendeurs du mal, les chevaliers des grandes causes, ils se débinent. "

Harcèlement judiciaire

" Raciste, quelle horreur… Si encore on m'accusait d'être porno ou antiflic, là je pourrais compter sur tous les révolutionnaires de salon. Mais le mot "raciste" paralyse tout le monde, même si c'est faux." En trois ans, il gagne successivement trois procès contre ses accusateurs. Peine perdue : à force de harcèlement judiciaire, l'UEJF, la LDH, la Licra et le Mrap obtiennent la levée de la prescription sur Internet. Résultat immédiat : l'extrême droite profite de cette décision pour tenter de réduire au silence un site antifacho.

Lopin en Guyane

La Ligue des Droits de l'Homme s'aperçoit, mais trop tard, qu'elle a marqué contre son propre camp. Dégoûté, Costes s'est acheté un lopin en Guyane… A tout prendre, les singes sont moins cons que les hommes. De temps en temps, il part dans la jungle pour manger des bananes et puis, quand il revient, c'est pour se battre, comme un martyr : " Enfant, je trippais et me branlais sur les vies de saints si sexy bouffés nus par les lions devant tout le monde.

Sorte de cri fécal

" Je veux être bouffé nu par les antiracistes sous l'œil froid de mille webcams reliées aux cinq continents ". On l'aura compris : Costes emmerde le bon sens et le goût. Sorte de cri fécal, ses productions ne flattent pas l'oreille mais hérissent le poil. Notre côté socialement correct trouvera ça au choix " nul ", " inutile " ou " gratuit " (ce qui n'est pas si mal dans un monde où tout est payant). Mais la petite fille démoniaque qui sommeille en nous ne pourra que ricaner.

Un hérétique

Costes est ce qui reste de l'individu 2001 quand on lui a arraché tous ses appendices sociaux : le bon sens, la raison, la décence, la dignité, la fierté, l'apparence, la race, le genre sexuel… Reste un trou noir qui éructe et défèque quelques vérités bien fumantes. Il vous met le nez dans la merde jusqu'à s'éclabousser lui-même. Dans une époque qui a la religion du bon goût et de la frime, Costes est un hérétique.

Jusqu'à la mort

" Désormais, je ne crie plus seul dans une cave au fond d'une banlieue. Je me bats, jusqu'à la mort, contre l'ordre moral, en pleine lumière sur Internet. Ma première cassette s'appelait "L'art c'est la guerre". Maintenant c'est la réalité : J'ai fait la preuve qu'avec l'art, un branleur vraiment branleur à mort peut faire trembler les pouvoirs. "

Agnès Giard le 21 mars 2001


PARISSI

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Un tour d'horizon de ta biographie en quelques dates clés

 Au début, je faisais du rock le samedi avec mon frère en banlieue, c'est tout. Je faisais pas du tout de concerts, c'était plus un hobby. Et puis après, vers 85/86, j'ai commencé à commencer sérieusement mais j'voulais pas faire ça normalement. Puis ils ont sorti les magnétophones multipistes donc j'ai eu un truc, un home studio . C'est comme ça que ma musique a barré très vite en couille…parce que y avait plus personne pour me dire " tu joues faux, tu chantes trop fort, les paroles sont nulles… ".
Après, j'ai sorti mon premier CD en 86, puis en 88 j'ai fait des choses dans le style de ce que je fais maintenant, peut être moins développé.

 Quid de ton engagement politique, on te dit extrême-gauchiste…

 D'abord j'aime pas les gauchistes parce qu'ils m'emmerdent souvent avec leur côté moraliste. Ils font une AG pour savoir si y a des gauchistes dans la salle. Puis ils font une AG pour savoir s'il faut me laisser jouer. Ils sont pires que le gouvernement qu'ils critiquent…ce soir pour jouer au Batofar, on m'a pas demandé mes textes…
Moi, j'ai jamais eu d'activité politique mais je dois être plus proche des anarchistes, pas parce que j'fais partie de leur fédération mais parce qu'on fait les trucs par nous-mêmes, on partage l'argent sans règles…Mais moi j'suis pas un anarchiste qui veut détruire le reste de la société, mais j'veux arriver à faire un truc à ma façon, dans mon coin…maintenant pour le reste, j'paye mon essence, j'suis pas non plus…un révolutionnaire, sauf quand on m'emmerde vraiment, là j'ai envie de tout péter mais c'est plus de la haine qu'autre chose…

 Est-ce que tu as l'impression de servir à quelque chose ?

 Tu peux poser ça pour toute activité artistique ou 90% de ce que tu trouves dans un supermarché tu peux te demander si ça sert à quelque chose. J'ai pas plus de réponse…savoir si ça sert d'avoir des saucisses de Strasbourg…Ouais disons si tu choisis de relativiser, ça doit servir à quelque chose comme n'importe quel art.

 J'ai lu sur ton site que déjà le fait que tu emmerdes le monde faisait que tu servais à quelque chose.

 Disons que je me suis dit que si j'emmerde tellement le monde qu'on me fait des procès c'est qu'y a un impact. J'ai commencé à cogiter le spectacle qu'on fait ce soir avec Julio. Puisque ça emmerde les gens ben ce qu'on dit sur scène c'est sérieux, ça a une importance…On dit n'importe quoi, mais le n'importe quoi, ça a un sens de toutes façons.
Ouais, plus je dis des conneries, plus c'est fort j'ai remarqué. Non j'te jure…

Le spectacle de ce soir…

On l'a conçu avec Julio, on travaille dessus depuis 2 mois. Julio, il fait aussi des performances par ailleurs, c'est comme ça qu'on s'est rencontrés. Y a Marie-Claire CORDAT, que je connaissais parce qu'elle dirigeait le Pez Ner (NdlR : salle de concerts-expos-perfo-installations à Lyon, qui a fermé il y a deux ans environ) qui vient d'intégrer le spectacle.

 Au départ, toi tu voulais faire de la musique ?

 Ouais, j'voulais faire de la variété mais c'est complètement parti en couille. Je connais rien à l'art moderne, j'ai pas d'ambition de révolutionner l'art ou quoique ce soit. Mon idole c'était Paul Mac Cartney donc tu vois…Ca allait pas plus loin que ça ; si un truc était pas numéro un au hit parade je l'écoutais même pas.
C'est que quand je faisais mes K7, mes trucs, que je me suis rendu compte qu'y avait d'autres gens qui écoutaient ça mais je croyais que j'étais seul, tu vois ? Je savais pas qu'y avait des petits labels…je savais même pas ce qu'était un fanzine ! Je me suis aperçu qu'y avait d'autres gens qui n'arrivaient pas à percer dans la musique normale, ça a commencé à se structurer et maintenant y a tout un réseau ; il y a des salles partout, je peux jouer partout…
C'est pas forcément en France. Ca se passe beaucoup aux Etats-Unis ce genre de trucs…
Ce soir c'est très hétéroclite, chacun fait son délire.

 Justement, la soirée de ce soir, comment les intervenants ont été " castés " ?

 Ben, y a un petit label, Rectangle, et Dan a dit " tiens, on va faire une compilation où les gens vont reprendre une chanson de Costes " donc il l'a sorti et c'est comme ça que cette soirée s'est montée avec les gens de la compil.

 Ca tourne donc autour de ton nom…

 Ouais, enfin ça tourne autour de mes chansons, des gens qui apprécient ce que je fais.

 Les performances que tu fais sur scène se veulent choquantes, en tout cas elles choquent, ça marche, y a des velléités de censure autour de toi. Moi j'aimerais savoir, alors que tu te montres sous toutes tes coutures, où se retranche l'intimité, où est ton intimité ?

 Y a pas moyen en fait de livrer son intimité. Tu peux exhiber ton intimité…Avec une fille avec qui je suis sorti on a déjà essayé. On commençait à se disputer sur scène, on s'engueulait vraiment…on a mis au dos du disque tout le dialogue de la dispute, c'était la haine pure, des fois c'était des trucs vraiment graves quoi…Et en exploitant ce genre de truc, même ça, tu le lis, c'est pas de l'intimité, ça redevient encore un document.
L'intimité c'est un truc que tu vis à chaque seconde, dans ton corps…

 Alors pourquoi les gens sont choqués ? 

Ils disent qu'ils sont choqués… mais c'est pas une bite…Ben oui, si tu fais sauter le Batofar, tout le monde va sortir mutilé, là ça va choquer. Mais là les mecs sont choqués…c'est des malades mentaux…Ils aiment pas ça mais bon…ça va, c'est eux qui ont des problèmes psychiatriques.
Ils essayent de me foutre tout un fardeau, que je suis un débile, que ça vient de mon enfance tout ça…bon j'suis peut être un débile d'accord, mais c'est pas la raison, y en a d'autres…
Mais nous on essaye pas tellement de choquer. On a une idée, tiens si on faisait un spectacle sur la religion ? On va créer une nouvelle religion, on réfléchit à ce qu'on pourrais faire, comment on va commencer, parce que nous on aime bien quand la scène est un peu choc, un peu délire…quelque chose qui va avoir un impact sur les gens, leur en donner plein la vue.
On cherche surtout à faire quelque chose qui nous plait.

 Et tu t'amuses ?

 Non, bof…On s'amuse…Des fois c'est plus que de l'amusement…Des fois ça fait vachement de bien, ça défoule, c'est un sport. Si tu le fais là, tu le fais pas ailleurs, sinon ce serait vraiment des conneries…Des fois c'est une routine aussi, parce qu'on travaille, même si on a pas le feeling on le fait, les gens y voient même pas la différence je suis sûr.
C'est vrai que quand on s'éclate on peut s'éclater vraiment.

 Là vous tournez sur combien d'endroits et pendant combien de temps ?

 On tourne jusqu'en juin en Europe, surtout Europe du Nord…Y a des trucs partout ; en Italie on va peut-être jouer devant 30 personnes…Après en septembre on veut partir aux Etats-Unis, on a des plans, et en Australie.
Comme on s'adapte à toutes les conditions techniques, d'argent et autres…on peut jouer partout.
C'est même bizarre de trouver autant de dates quand t'es rien du tout avec un show aussi bizarre…c'est bien en fait, ça fait plaisir quand même.

 Mais t'es pas quelqu'un de particulièrement haineux en fait ?

 Si, si ; C'est la haine qui me motive à fond, dans tout ce que je fais. C'est la frustration , le fait de pas être riche, de pas être respecté pour ce que je fais. Moi je suis un clochard ça m'énerve. Je vois pas pourquoi n'importe quel connard qui vend du pain, il gagne sa vie.
Je pourrais faire autre chose, sans problème, mais maintenant je bloque là-dessus tu vois ? Je m'entête. Je pourrais lâcher à tout moment parce qu'y a plein de trucs qui m'intéressent dans la vie…j'pourrais aller défricher l'Amazonie…
Ce qui m'éclate c'est de construire mon propre truc, tu vois, construire une cabane pour moi c'est pareil…Aller au bout d'un truc, le contrôler soi-même…Ce que fait un fermier, un chirurgien…Quand tu le vois taffer, c'est trop fort, t'hallucines sur la concentration, la passion du mec…
Pas regarder sa montre au travail en en faisant le moins possible.

 Comment tu te vois vieillir ?

 J'suis déjà vieux alors…Je sais pas, je vais crever d'un jour à l'autre, assassiné peut être… 

Tu te sens menacé ?

 Bien sûr que je suis menacé physiquement. Ouais je fais gaffe quand même. Je vais pas dire qu'y a que moi mais quand t'es dans un truc n peu public tu peux te faire avoir. Je suis assez seul.

 Et tu penses que la haine peut retomber ?

 La mienne ou celle des autres ?

 La tienne

 La mienne non, moi c'est la frustration. J'ai toujours été frustré. Quand j'étais à l'école je parlais à personne, je sortais pas avec des filles. Toujours été le frustré de service, c'est ça qui alimente…J'utilise un ressort comme ça.
Je crache parce que je suis jaloux, ça me rend dingue. Mes chansons c'est ça, je m'énerve en pensant à un truc. C'est souvent ça.

 Dernière question gastronomie : Est ce qu'on peut savoir ce que quelqu'un a mangé en mangeant sa merde ?

 Ah ben ouais…Demande à Julio.
Julio : je sais pas, j'ai jamais mangé de merde
Attends, le truc du lait avec le muesli …
Julio : Ah ça…je saigne de l'anus pendant une semaine, c'est que j'ai mangé ça. Je chie 8 fois par jour quand je mange du muesli avec du lait. J'me torche, j'me torche, j'me torche comme je suis un maniaque de la propreté alors je me fais saigner…

Et t'en manges souvent ?

Julio : Ben là, ça fait une semaine, j'ai pas arrêté. C'est une lubie, ça m'a fait plaisir.

Voir le site de Costes (les amateurs pourront commander ses livres et sa musique en ligne)


IVG

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- POUR CEUX QUI ONT EU LE BON GOUT D'ACHETER CET IVG MAIS QUI NE TE CONNAISSENT PAS , QUI EST J.L COSTES ?
Je suis un mec timide et frustré qui, comme il arrivait pas à se faire de meufs à cause de son sale
look, s’est réfugié dans la musique pour essayer de briller un peu, pour enfin pouvoir s’en faire une. Et ca a marché : des meufs nues mouillées se sont pointées après les concerts. Mais merde, j’arrivais
pas à bander. Encore raté!

- TU SORS DONC TON DERNIER ROMAN "GRAND PERE" CHEZ FAYARD MI-FEVRIER. PEUX TU ME DIRE COMMENT S'EST PASSE L'ECRITURE?
Je reste enfermé chez moi face à mon vieux PC pourri. Et j’attend. Je sais pas quoi écrire, mais tant que ça vient pas je bouge pas. Je bouffe plus, je dors sous l’ordinateur. Et finaement d’un coup ça vient. D’un seul trait, sans relire, j’écris mille pages en six semaines. J’écris tout ce qui me passe par la tête le plus vite possible. Et après, je fais le tri. Je relis. J’en enlève les trois quarts, je bricole le reste, et ça donne un roman super puissant d’aventures trash et mystique : Grand Père. Franchement, c’est de la bombe!

- D'APRES TOI, QUELLES SONT LES VERITABLES RAISONS QU'UNE "GRANDE" MAISON D'EDITION S'INTERRESSE AUJOURD'HUI A TON TRAVAIL?
Le directeur éditorial de Fayard, Raphael Sorin, a aimé les nouvelles que je publiais sur le net. En plus, il pense que le meilleur en littérature viendra d’outsiders comme moi et pas des journalistes et des profs qui squattent ce business depuis trop longtemps.

- S'IL FALLAIT CLASSER TON ROMAN DANS LES RAYONS D'UNE LIBRAIRIE BRANCHEE. TU SERAIS : EN VITRINE, GRANDS ECRIVAINS FRANCAIS , A COTE DU "FESTIN NU" RAYON "BEAT GENERATION", A LA LETTRE C...
Exact, je serai à la lettre C dans le rayon “Grands écrivains”, mais plus seulement dans les magasines
branchés, dans toute les librairies, fnac et virgin. L’underground met le turbo!

- JE NE T'AI PAS ENCORE VU EN SPECTACLE ET TU ES ACTUELLEMENT EN TOURNEE. QU'EST CE QUE TU POURRAIS ME DIRE EN AVANT GOUT?
C’est un one-man-show tout en musique de 40 minutes. Il y a une bande-son mais aussi des parties jouées live au clavier et de l’électronique noise bricolée. Il y a une histoire aussi : C’est un mec qui attend une meuf chez lui. elle vient pas et il se prend la tête en chantant des chansons de haine triste. Et puis d’un coup elle arrive! tout excité, il essaye de la sauter, mais il bande pas. Ca le rend dingue dingo, et à partir de là tout dérape grave, de pire en pire...

- YA T'IL UN COSTES FOU ET MALADE  RETRANCHE DANS SON BUNKER DE BANLIEUE ET/OU UN COSTES QUI VOYAGE, FINALEMENT PEUT ETRE  HEUREUX?
Je ne suis jamais heureux. Je marche vers un but inaccessible. que ça soit en art, en amour ou en
voyage, dès que j’atteins le but, je suis déçu, et je suis obligé de me recasser plus loin. toujours plus loin, je marche en vain, jusqu’à la mort. Ca ressemble à la quête du graal, mais sans armure et avec un slip sale.

- OU EN EST D'APRES TOI CETTE "LIBERTE D'EXPRESSION" AUJOURD'HUI EN FRANCE?
Il n’y a pas vraiment de liberté d’expression en France. On fait joujou dans un aquarium. On peut aller où on veut mais on peut pas sortir de l’aquarium. Le con qui se croit libre se cognera douloureusement dans la vitre blindée qu’il avait pas vue.

- ENFIN, POUR DOPER NOS VENTES, DIRAIS TU QUE TU LIS BEAUCOUP DE B.D?
Ma formation de base en littérature, c’est la BD. Je n’ai lu que çà enfant, alors forcément, ça m’a
éduqué = déformé. J’ai construis mon roman comme une BD, des scènes, des cases. Une écriture visuelle. directe, efficace. On a pas besoin de savoir lire pour lire mon livre. Avec 500 mots, je décris l’Apocalypse. Pour décrire l’Apocalypse, j’écris BOUM! J’écris comme si je
dessinais dans Spirou!!!

- LE DESSIN T'INTERESSE DANS TON TRAVAIL?
comme je lisais que des BD, gosse je voulais être dessinateur de BDs. D’ailleurs j’ai pas mal dessiné
pour des fanzines quand j’avais 14-15 ans. J’en ai gardé un style de dessin caricatural au trait, qu’on
retrouve sur mes pochettes de disques.

- POUR TERMINER, ACCEPTERAIS TU D'ETRE LE PARRAIN DU NOUVEAU-NE-IVG?
Je serai le parrain d’IVG, si tu le baptises à l’Eglise Catholique.


FLEUR D'ENCRE

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Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

A la base, je suis musicien. J’ai produit une trentaine de CDs de chansons depuis 1986. Et joué une vingtaine d’opéras. Pratiquement tout est auto-produit. J’évolue dans les milieux artistiques indépendants en marge du show-business.
En 1997, j’ai créé un site Internet pour faire connaître ma musique, et j’ai commencé à publier dessus des textes courts.
En 2005, Rapahel Sorin de Fayard a apprécié ces textes et m’a proposé d’écrire un roman : Grand Père.


Grand père, c’est une autobiographie ou un roman ?

Le personnage central du livre, Garnick Sarkissian, est mon grand-père. C’était un arménien originaire d’Ukraine qui a eu une vie extrêmement aventureuse.
D’abord cosaque pour le tsar pendant la révolution bolchevique, puis légionnaire dans les guerres coloniales françaises, et ainsi de suite, toute sa vie mercenaire des causes perdues. Le héros est mon grand-père mais sa vie est romancée parce que je ne sais pratiquement rien de sa vraie vie. Quand je l’ai connu, il n’était plus qu’un vieil ivrogne devant la télé et refusait de parler. C’est l’écriture du livre qui m’a permis de deviner ce qu’a pu être sa vie. Je l’ai reconstituée à partir d’indices infimes. Elle est peut-être historiquement fausse, mais mentalement elle est vraie. C’est une représentation de la souffrance christique des vieux clochards. Un autel à ceux qui sont morts oubliés par nous pour qui ils ont combattu.
Par l’Art, on révèle les mystères. J’ai vu dans le fascinant mystérieux grand-père tout cassé, le héros d’un grand roman d’aventures trash et mystique. C’est mon tribut aux ancêtres, aux Grand Pères (sans trait d’union méprisant), bien plus fort que nous, pauvres merdes molles modernes.
C’est un roman réactionnaire dans le sens où je pense que l’Histoire humaine est une chute. A chaque génération, on tombe plus bas, plus faible, plus vicieux. Le progrès n’est qu’une prothèse pour des singes dégénérés.


Que représente la littérature pour vous ?

Rien de spécial. Je ne fais pas de différence entre les moyens d’expression. Musique ou écriture, c’est toujours le même flux magique qui jaillit. Mais je fais la différence entre la vie et l’Art : L’art permet de plonger dans le Chaos et le Mal pour en jouir, explorer et apprendre. Ce que ne permet pas la vie où nous passons notre temps à louvoyer et magouiller entre les petits maux misérables. Je voudrais finir englouti dans l’Art, que le roman devienne la vraie vie, rentrer dans le texte et y mourir.


Lorsque vous écrivez, avez-vous en tête le public auquel vous vous adressez ? Est-il ciblé ou large ?

Je ne peux pas cibler quand j’écris car j’écris n’importe quoi. Tout ce qui me passe par la tête, je le marque sans aucune censure. J’évite systématiquement de me poser la question de la qualité de l’œuvre.
Même si je me sens terriblement nul, je continue sans répit à noircir la page. Je descend toujours plus bas dans la nullité et je finis par trouver des trésors cachés sous les tas de merde méprisés. Ne sachant pas à l’avance ce que l’Ecriture va me révéler, il m’est impossible de viser quoique ce soit. Cibler n’est pas une démarche créative. L’art conceptuel qui prétend savoir ce qu’il va faire avant l’acte est une imposture. Ecrire est une expression incontrôlable du chaos intérieur.


Qu'est-ce qui vous a motivé pour écrire cet ouvrage ?

Je n’ai aucune motivation positive pour écrire. Je suppose que je le fais pour tuer l’ennui, ou bien me venger de la vie et des hommes. Je n’ai pas de vocation. J’écris comme je pourrais faire chercheur d’or ou serial-killer. C’est comme si vous demandiez à un ivrogne qui roule à 200 sur l’autoroute ce qui le motive. Rien à part l’humaine folie.


La vocation d’écrivain s’est-elle imposée à vous comme une évidence ou avez-vous eu besoin, d’une sorte de révélation ?

Révélation est le mot absolument juste. Mais la Révélation n’est pas préalable à l’œuvre. J’écris dans l’obscurité, le découragement permanent, le sentiment d’échec. C’est seulement une fois le livre écrit que je comprend pourquoi je l’ai fait. La puissance, la beauté et la vérité du roman justifient ma vie de larbin du clavier et transfigurent la matière la chair tas de merde en souffle lumineux de l’esprit.


Quels sont les événements qui influencent votre écriture?

Les échecs amoureux, la masturbation, la frustration de rater ma vie, le radotage de France-Info et la couleur de ma merde.


Votre livre va paraître, vous allez déborder d'activités. Est-ce que cela freine vos  projets d'écriture ?

Je n’ai pas de projet d’aucune sorte. Je vis chaque jour comme si j’allais mourir demain. J’écris chaque oeuvre avec l’intensité du dernier cri


LA ZONE

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Costes a un CV bien rempli. Chanteur scatologue réputé et auto-produit, il a enchainé les disques parodiques et/ou ultra-violents, s'attirant l'admiration des tarés de tout poil et la haine des bien-pensants.
Ses shows bordéliques, pornos et déjantés sont des sommets de brutalité et d'imbécillité jouissive. Costes se plait à se baigner dans le sang, dans la merde et le sperme. Il aime éructer et vagir.
35 disques, 20 trash-opéras, 5 long-métrages et une vingtaine de court-métrages à son actif, puis un premier roman, 'Viva la merda'.
Ceux qui n'ont pas entendu parler de ses performances ou de ses disques se souviendront peut-être de lui en train d'imiter la truie sous la menace du flingue des héroïnes du film 'Baise-moi' de Virginie Despentes et Coralie Trin Thi. Ou, tout au moins, en train de réclamer un fist-fucking à Vincent Cassel et de se prendre des grandes claques dans la gueule dans 'Irreversible' de son pote Gaspar Noé.

Jusque là, comme on s'en doute, les grosses boites de disques ou d'édition avaient évité Costes comme la peste, ce qui ne l'avait pas empêché de bâtir une grosse réputation grâce à Internet et au bouche à oreille. On a de la peine à croire qu'une maison d'édition bien propre sur elle comme Fayard, s'acoquine de bonne grâce avec cet agitateur. C'est pourtant le cas puisqu'il sortent le nouveau roman de Costes 'Grand Père' en février 2006.

En vieux routier du net, Costes connaissait la Zone et m'a proposé de l'interviewer pour parler de ce roman. Résultat...

Question : tu suces ?
Costes : Je rêve de sucer et de me faire enculer, mais je suis jamais passé à l’acte.

Question : t’avales ?
Costes : Dans mon rêve j’avale tout et je baise sans capote; En vrai, je baise jamais et ne fais que me branler.

Question : tu bouffes du gnou ? Hein oui salope que tu bouffes du gnou ?
Costes : C’est quoi du gnou? Tu veux dire du genou? Tu veux dire que je prend des genoux dans le cul?! Faut pas exagérer! Juste des poings.

Question : tu sors ton premier roman en février, qui raconte la vie de ton grand-père. On peut savoir ce que sa vie a de tellement plus passionnant que, mettons, la mienne ?
Costes : Sa vie fut carrément un milliard de fois plus puissante que les notres. Bon dans notre tête, on vit peut-être très fort, mais ça peut pas se comparer avec les épopées des ancêtres. Mon grand-père a été cosaque et a massacré la Russie. Mon grand-père a été légionnaire et a massacré le Maroc. Mon grand-père a tué l’amant de sa femme et a été au bagne. Mon grand-père s’est évadé et a fui en Amazonie. Mon grand-père a été chercheur d’or et a massacré les indiens...
Bon, à la fin, je reconnais, il a fini par tomber dans notre merde de modernité : Il se bourrait connement devant la télé comme on roule notre pétard devant la télé. Mais ca il le faisait à 70 ans, pas à 20 ans. Si on veut se comparer à ce genre de vieux, faut se comparer à lui à 70 ans. Si on se compare à lui à 20 ans, on sera derrière sur tous les plans. Sa vie, c'est un roman d’aventures extrèmes, folles, forcenées mais vraies. Une époque où la rélaité dépassait la fiction et pulvérisait les mots.

Question : le roman s’appelle « Grand-père ». T’as pas été foutu de trouver un consultant en marketing viral pour trouver un titre plus original que ça ?
Costes : C’est vrai que le service marketing a grave tiré la gueule quand ils ont vu le titre! Mais Grand Père, ça veut pas dire papi gateux gateau tout le monde se fout de sa gueule. Ca veut dire GRAND PERE, sans tiret, quelqu’un de plus grand que nous et qui nous a engendré. Dieu le père dans la peau du grand-père. Ouvrez les yeux sur les vieux!

Question : il y a combien de morts dans ton bouquin ?
Costes : Des millions de victimes innocentes écrasées comme des fourmis et pleurées étatiquement, un vieux mort dans un piaule pourrie et personne pour le pleurer. L’histoire du 20eme siècle quoi : on pleure sur l’Histoire à la télé et on laisse crever son voisin de palier.

Question : il y a des explosions ?
Costes : Ya beaucoup de morts décapités au sabre. Mais au-delà de 100.000, faut des explosifs.

Question : tu entretiens quel rapport avec la littérature en général et avec l’écriture en particulier ?
Costes : Je n’entretiens aucun rapport avec la littérature, ni avec quoique ce soit. Je ferme les yeux et je vis dans ma tête. Je suis un faux aventurier moderne, je suis pas un Grand Père, moi.

Question : on te connaît comme artiste underground et tu t’es fait un nom en utilisant les circuits alternatifs. Ca te fait pas un peu mal au cul de publier un roman chez Fayard et de te taper une tournée promo ?
Costes : Je suis très heureux d’être publié chez Fayard parce que l’équipe de gens qui s’occupe de mon livre est exceptionnellement intelligente, passionnée et honnête. quand tu dis Fayard, tu penses peutêtre gros business? Et quand tu manges un yaourt Danone, ça te fais mal au ventre? Et quand tu roules dans ta R16 pourrie, tu penses aux milleirs d’immigrés crevés pour la boulonner pour toi? si à chaque fois qu’on fait quelquechose, on analyse toute la chaine des interactions de A à Z, on peut plus rien faire de peur de se souiller. Faire son truc honnêtement, avec passion, à fond, ça c’est l’essentiel. Que ça soit à Fayard ou dans une cave obscure.

Question : tu penses vendre beaucoup de bouquins ? C’est un aspect des choses qui t’intéresse ?
Costes : Fondamentalement, mon souci a été d’écrire le livre le meilleur possible, le plus intense, le plus passionnant à lire, quelquechose de terrible qui ébranle la tête jusque dans les couilles. Une fois l’oeuvre fini, je suis cureiux de voir l’effet qu’elle fera sur les autres. Comme un boulanger fier de son bon pain, je serai heureux si d’autres l’apprécient.

Question : tu te vois en train d’accorder une interview à Michel Drucker ?
Je ne sais pas qui est Michel Drücker. Mais j’accorderai une interview à tous ceux qui m’en demanderont, aussi dures ou cons que pourraient être leurs questions. Ce sera à moi de trouver les bonnes réponses.

Question : je viens d’un site qui s’appelle la Zone, c’est un site sur lequel tu es déjà passé ou on a été sélectionnés dans le cadre d’une campagne marketing comme cœur de cible potentiel ?
Costes : L’attaché de presse de Fayard informe les grands médias de la sortie de mon roman, mais il n’y a aucune campagne marketing de Fayard visant le milieu indépendant. C’est moi qui informe de la sortie de mon roman dans ce milieu les gens que j’apprécie et qui m’apprécient.
Maintenant, c’est certain que les sites internet indépendants sont bien plus pointus sur la culture qui bouge que les grand médias.

Question : je considère personnellement la violence et la haine dans l’art comme salutaire. Est-ce que c’est un choix de ta part d’être vulgaire, sale, choquant dans ton œuvre, ou est-ce que tu subis cet état de fait ?
Costes : Je crois comme toi, et comme Beaudelaire, que l’art doit fondamentalement représenter le Mal. La représentatiçon du Bien est parfaitement faite par les moralistes. L’exploration du Mal est l’apanage des artistes. Nous voulons des noirs démons velus qui dansent dans le marécage de sang, nous voulons vomir nos pires cauchemars. Assez du faux art conceptuel de merde qui montre des poutrelles rouillées sur des rond-points et des tickets de métro à Beaubourg! Casser l’urinoir de Duchamp était une bonne idée.

Question : la première fois qu’ai pris contact avec ton univers, c’était il y a quelques années en surfant sur ton site web. A l’écoute de quelques chansons, j’ai hâtivement jugé que t’étais un connard de nazi à moitié dérangé, impression confirmée par le fait que des assos anti-racistes t’aient intenté des procès. Il m’a fallu l’avis de plusieurs personnes et quelques articles pour comprendre que tu fais dans la dénonciation et pas dans le premier degré. Ca t’emmerde pas qu’un tas de gens puissent passer à coté de ton œuvre à cause d’une première impression douteuse ?
Costes : Les gens qui sont réellement interessés par l’art, ne peuvent croire longtemps que je suis un criminel! Combien de gens croient que les massacres dans les films sont réels? Si on considère que l’art doit représenter le Mal, ne pas représenter le racisme ou le nazisme qui sont des grands maux de notre temps, serait lamentable hypocrisie. On peut représenter une femme torturée violée mais pas une race? Tout le mal doit être exhibé sur l’estrade de l’art comme sur l’estrade du gibet. La position des anti-racistes qui attaquent l’art en faisant semblant de croire que la fiction égale la réalité, est intenable.

Question : j’ai une certaine fascination pour les artistes capables de se mettre dans la peau des pires ordures de la planète, mais de l’incompréhension aussi. Ca t’emmerde pas de beugler des slogans racistes ou antisémites à la première personne ?
Costes : Je beugle toutes sorte de choses, à la première, à la deuxième, à la troisième et à la multitude de personnes. Je suis moi, l’autre, nous, vous et TOI.
Moi ça m’emmerde pas de beugler en rentrant dans la peau de TOI; Mias peutêtre bien que TOI, ça le gène d’entendre tous ses fantasmes étalés dans les oreills de ILS ?

Question : quelle est ta relation avec ton public en particulier et avec les masses en général ? Est-ce que tu aspires à la notoriété et à la reconnaissance ?
Costes : Je n’ai pas de relation physique avec le public. J’ai des relations de grande amitié et reconnaissance avec tous ceux qui m’ont soutenu, apprécié et dont j’apprécie aussi les oeuvres et les attitudes. Ce sont des interactions entre gens honnêtes et passionnés qui vont jusqu’au bout de leur vie. c’est peutêtre pas la partouze colletive, vu que je sors jamais et bosse seul tout le temps; Mais c’est une respect mutuel par email !

Question : est-ce que tu aimes vomir ?
Costes : La dernière fois que j’ai vomi, j’ai réussi à me filmer la bouche juste au moment où ça jaillissait sans salir la camera. alors j’étais content.

Question : je te confirme que pas mal d’artistes marchent sur tes pas. Tu te verrais bien en chef de file d’un mouvement artistique ? Et si oui est-ce que tu suces bordel ?
Costes : Attend, attend, lache moi la tête. normalement c’est pas le chef de file qui suce. C’est le chef qui se fait sucer, merde!

***

Toutes les infos sur le roman : http://jeanlouiscostes.org

LA MORT QUI TROMPE

(http://le-mort-qui-trompe.fr/)

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A.F. - Dans vos textes, les paroles de vos chansons et dans vos spectacles, on trouve très souvent mise en scène une innocence brisée ou violée : la vierge (in « Le Culte de la vierge »), l’enfant (in « Pédé-pédophile » [1]), ou l’idiot (la soeur mongole in « Viva la Merda » [2])... On n’a pas l’impression qu’il s’agit d’une nostalgie de ces états-là ni d’une fascination purement esthétique ... cette expérience radicale, organique, du Mal, elle a un sens moral ou c’est autre chose ?

J-L Costes - C’est mon cul violé par le père et la queue castrée par le regard de la mère. C’est l’enfant innocent, le contrepoint de la violence, car toujours je balance entre haine inassouvie et amour inavouable.

A.F. - Dans vos spectacles, vous mettez en scène, en musique et en mots, une violence primitive, le sacrifice ressemble à une espèce de festin rituel. Les valeurs et les symboles : vous voulez les violer, vous en repaître ou ... vous affamer ?

J-L Costes - Mon corps est tatoué scarifié de symboles. Il y a des croix en travers dans mes intestins. Et mon cerveau est quadrillé par les robots moraux. L’enchevêtrement symbole métal froid / chair sang chaud est inextricable. Aucune cisaille de pompier de la loi ne pourra en venir à bout. Alors ça sort en tas, tous les ingrédients mêlés dans le caca.

A.F. - L’ « homme sauvage » et l’ « art sauvage », ce sont des fictions théoriques ou ces expressions ont-elles un sens pour vous ?

J-L Costes - L’homme n’est pas sauvage. L’homme est un slip sur une bête sauvage. L’art est le cri idiot d’un singe qui enlève son slip qui lui gratte le cul.

A.F. - A vos détracteurs (nombreux) mais aussi à ceux qui vous placent au panthéon des subversifs, vous répondez que votre art n’a aucune « intention subversive ». Votre œuvre, vous la voulez souverainement in-justifiée, dans un sens quasiment mystique, non ?

J-L Costes - Je ne suis pas parti d’un engagement vers l’avenir léger mais d’une réaction au poids du passé. Je me débats connement dans des liens plus forts que moi. Mon œuvre paraît subversive mais elle ne l’est en rien puisque je reste prisonnier. L’oeuvre est libre par ses ratages qui font des trous dans la trame du filet, mais l’artiste est l’éternel condamné à tout rater. Ca devient mystique quand j’accepte l’échec, que j’ai trop crié et je tombe à genoux. Je vois, cachée sous la commode, une croix en bois avec un corps froid. Et je me reconnais façonné vivant à l’image d’un dieu mort.

A.F. - L’artiste, vous le voyez plutôt comme un combattant, comme un génial imposteur ou comme un traître ?

J-L Costes - Un combattant, car il faut lutter pour produire malgré la misère matérielle et les menaces de mort. Un génial imposteur quand il fait miroiter la liberté du chaos aux humains méthodiquement attachés. Un traître, car il cherche la Gloire et abandonne dans l’obscurité ses frères de misère.

A.F. - L’homme, vous le voyez plutôt « souillé » ou plutôt « souillure » ?

J-L Costes - L’homme est un souillé souillure. Une évidente souillure Mais je comprend pas bien ce qui a souillé comme ça le brave singe de base ? Mais putain merde Chimpanzé, t’as marché dans la merde de Dieu ou quoi ? !

Le roman "Grand Père" de Jean-Louis Costes vient de paraître chez Fayard. Plus d’infos sur le site du livre.

Visitez le site de Costes.

 

CONTRECHAMPS

(http://contrechamp.kaywa.com/)

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Chaleureux et volubile, Jean-Louis Costes, qui achevait un appétissant pot-au-feu (sous l'oeil envieux de son chat), nous a reçus ce samedi 18 février chez lui, pour un entretien fleuve, de la cuisine à la cave. L'occasion d'entrer de plain-pied dans son singulier processus créatif et de revenir sur son roman Grand-Père.

Comment es-tu arrivé à la performance ?

Par la musique. Le week-end, je faisais des reprises de Deep Purple. J’ai toujours aimé la musique, de la pop aux approches plus expérimentales. J’ai investi dans du matériel et ai commencé à faire des maquettes tout seul. J’en rajoutais toujours par peur d’être chiant. On retrouve cette même surenchère dans le bouquin.


La musique préside donc à la mise en scène du corps ?

C’est une manière de le théâtraliser, mais mon corps n’est qu’un outil au service d’une histoire. Je ne fais pas du tout un travail sur le corps, au sens strict de la performance. Je me crois dans une comédie musicale de Broadway. Il y a un scénario, un personnage. Comme dans un grand opéra


On se trompe quand on associe ton travail à la démarche esthétique du performer ?

Je n’ai aucune démarche esthétique ou idéologique préalable à la création. Je suis anti-concept et anti-engagement politique dans l’art. La tendance, c’est d’arriver avec un discours esthétique, la « plaquette de présentation », mais la proposition artistique, au final, est vide de sens. Si on me dit que mon livre relève d’une idéologie, c’est non. Je ne contrôle pas ce que j’écris. J’écris ce qu’une voix dans ma tête me dicte. Et je ne sais jamais où elle va m’emporter. J’écris dans l’isolement de ma cave, possédé par la voix.

Tu as écrit le livre très vite.

Six semaines. J’avais plus de mille pages. Une fois l’inspiration tarie, je commence à le corriger. Pendant que j’écris, je ne relis et n’enlève rien. Plus tard, Fayard n’a opéré aucune censure. Il y a eu des corrections bien sûr, mais qui allaient dans le sens d’une plus grande efficacité de la narration.

On sent un vrai rythme dans ton écriture.

Le livre est très musical, en effet. Quand j’écris, je marque le rythme, compte par quatre. C’est presque de la poésie. C’est scandé, comme du rap


Je retrouve dans tes spectacles la même dimension viscérale et physique que dans ton écriture, une sorte de transe. Comment entres-tu dans la transe ?

Je n’entre pas vraiment dans la transe, il ne faut pas exagérer. Je suis obsédé par mes accessoires et la scénographie et ne suis pas complètement dans l’abandon. Ce qui n’exclut pas de se laisser emporter. Un peu comme un jazzman, dans le cadre strict de ses compositions. La bande-son est un esclavage qui me met les limites, m’intime de m’arrêter. Et dans le roman, c’est l’histoire qui cadre le délire.

Quelles sont précisément tes limites ?

J’ai une limite personnelle : je ne transige pas sur mon intégrité physique. Entailler son corps, pour 100 euros n’a pas de sens. Il y a aussi des limites imposées par la société : il y a des lois et une intolérance générale qui font qu’on ne peut pas totalement se lâcher en art. J’ai d’ailleurs eu un procès en 1997 à cause de mon œuvre. Le niveau de censure devient tel en France, qu’on pourrait se faire assassiner pour une œuvre de fiction ! Or, représenter la violence, dans le cadre d’un roman ou d’un spectacle, ce n’est ni la faire subir, ni la subir. C’est la conjurer.

Le livre rencontre le contemporain de manière fulgurante. Comment te positionnes-tu en tant qu’écrivain et individu face aux revendications identitaires et mémorielles actuelles ?

Je me cogne dans l’époque quel que soit le sujet. Dans le livre, on remarque davantage ces thèmes (il y en a d’autres) car ce sont ceux que les médias ressassent aujourd’hui.Ca ne veut pas dire que je cautionne ou nie les thèses dominantes. Elles ressortent dans mon œuvre malgré moi, simplement parce qu’elles traînent dans ma tête. Je n’adhère à aucun dogme. Selon la situation, les personnes et les croyances changent. D’ailleurs, dans le roman, le héros, d’abord victime, devient ensuite bourreau. Sous le Bien, il y a toujours le Mal, prêt à bondir. Et sous le pire crime, on trouve un peu d’amour déçu.


Tu canonises ton grand-père d’une certaine manière ?

C’est comme un saint laïque, absout par la repentance après une vie de péchés. Emporté par des flammes purificatrices. Sauvé de l’Enfer par le martyre.

Il y a dans ton écriture une vraie dimension visuelle et cinématographique.

Si je ne vois pas, je n’écris pas. J’écris le film qui défile à toute vitesse dans ma tête.

Trash et lyrisme alternent en permanence chez toi.

En moi comme dans mon œuvre, je sens toujours l’amour romantique sous la merde et la violence..

Tu es un grand voyageur.

J’ai traversé le Soudan à pied, du désert à la jungle du Zaïre. Je me suis construit une maison en bois en Guyane, ce qui m’a servi d’ailleurs pour l’évocation du bagne et du camp de la mort dans le livre. Je m’appuie sur ma vie aventureuse pour écrire. Je ne suis pas un écrivain parisien enfermé uniquement dans ses fantasmes

T’es-tu appuyé sur des recherches documentaires, des témoignages familiaux, ou t’es-tu laissé emporter par la sorcellerie évocatoire du verbe ?

C’est complètement ça. Je ne sais rien de précis sur mon grand-père. Je sais juste qu’il a été cosaque, légionnaire, bagnard. Je n’ai vu, enfant, qu’un vieillard ivre et violent courbé devant la télé, cassé par la vie. Trois mots, cosaque légionnaire bagnard, et le souvenir d’un vieillard balafré par une vie de guerrier, m’ont suffi pour inventer cette histoire.

Ce que je trouve de très beau dans ton livre, c’est précisément ce qu’on ne sait pas, les béances. Costes fait tourner les tables.

Je me suis laissé emporter par l’imagination, mais j’ai magiquement deviné la vérité. La guerre civile en Russie, les massacres dans le rif, la vie au bagne, tout ce que j’ai inventé concorde avec les faits historiques. On a dans un coin de la tête, une intelligence instinctive capable de reconstruire le réel à partir d’indices ténus. C’est cette intelligence animale qui opère dans mon écriture.

Penses-tu que les génocides ou les guerres affectent les générations suivantes ?

Oui, parfois dans leur chair même. Je suis tombé sur un site communautaire arménien qui comprenait l’évocation brutale du génocide dans mon livre, son côté dégueulasse. Relativement à cette mémoire, on ne peut pas, selon le rédacteur du site en question, édulcorer les événements. Il pense que je suis moi-même une victime indirecte du génocide arménien, la violence initiale m’ayant été transmise par mes ancêtres, et pouvant me mener à l’autodestruction. En écrivant ce livre, j’ai pris conscience du poids de meurtres et de souffrance passés qui pèse sur moi, vivant pourtant dans une société en paix.

Te sens-tu concerné par l’arménité ?

Consciemment, non. Je n’ai pas été élevé dans ce milieu et suis de toute façon un solitaire asocial.

Comment tes parents reçoivent-ils ce roman familial ?

Mes parents ne connaissent rien de mon œuvre. Ils pensent par préjugé que c’est la production d’un malade mental ! A priori, un roman intitulé « Grand Père » les inquiète, craignant peut-être je ne sais quelles médisances. Ils ne semblent pas comprendre qu’un père de fiction n’est pas le vrai père.

A la fin du roman, le narrateur dit que, quels que soient les conflits qui les séparent, toutes les générations sont liées malgré elles dans le même inévitable destin.

Oui, c’est une idée qui a surgi du roman, qui s’est révélée et imposée en écrivant. Que je rejette mes vieux ou non ne change rien : je suis pour toujours lié à eux par la souffrance et le crime, le péché originel qui se transmet de père en fils, du premier singe jusqu’à moi.


MISHIMAX

(mishimax.org)

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Fini la punkitude, Jean Louis Costes sort enfin de l’ombre avec un premier roman pas mauvais du tout. Une interview vite fait bien fait pour revenir sur son taré de grand-père, le paludisme et les évangélistes haïtiens…

Fabien Loszach - Alors ça y est t’es plus un punk ? Fini les squats, t’es chez Fayard et tu passes à tout le monde en parle?


Jean Louis Costes : Eh oui ! Fini la Galère ! Enfin la gloire ! J’ai passé vingt ans dans l’underground, ignoré par les médias, méprisé par les bien pensants, haïs par les justiciers de l’ordre moral... Et me voilà écrivain chez un prestigieux éditeur! La vie est bizarre. C’est un jeu de hasard.


FL-Ta maison d’édition te compare à du Cendars explosé ou du Céline Ivre. Dans ma critique, je te met entre les lamentations de Jérémie et Louis Calaferte… Dis moi Jean-Louis, t’es ou ?

JLC - Je suis enfermé à l’intérieur de moi-même. Ca fait longtemps que j’ai quitté le monde réel pour le rêve littéraire, plus charnel que le monde en plastique. Jérémie, je m’en fous. Et Calaferte, connais pas. Trop occupé à creuser le tunnel dans ma tête et mes tripes. J’y trouve un paquet de merde et dedans des pépites,des histoires de fou, comme celle du roman “Grand Père”...

FL - Justement, parlons-en, un bon taré ton grand père non ?

JLC - Né en 1900, il a été cosaque contre les communistes en 1917, légionnaire dans les guerres coloniales françaises dans les années 20, criminel et bagnard en 1930, évadé du bagne et chercher d’or en Amazonie, et enfin collabo et trafiquant pendant la guerre de 39-45 en France. Tous les massacres du 20e siècle, il en était. Un baroudeur fou! Il aurait du mourir mille fois et à chaque fois il s’en est tiré. Car il était un super-héros, c’est-à-dire un salop.

FL - La haine que tu manifeste à son égard, cache pourtant mal une certaine admiration pour le personnage. Je me trompe ?

JLC - Quand j’étais enfant, il n’était plus qu’un vieux clochard alcoolique affalé devant la télé. Il était ultra violent et puait la pisse, et je le détestais. Mais en écrivant le roman, je me suis rendu compte que ces beaufs des années soixante étaient des super-héros ignorés : entre 1900 et 1945, ils ont été pris dans les plus grands massacres de l’Histoire. Leur vie a été d’une intensité extrême, et moi qui ne suis qu’un artiste de merde, je ne peux qu’admirer le cosaque qui charge au sabre des tanks. Au Grand Père qui a survécu à toutes les guerres, je dis “bravo” !

FL - Peut être que tu t’en défends, mais je trouve qu’il y a dans ton écriture quelque chose de très chrétien(dans tes spectacles aussi). J’ai l’impression qu’il y a une recherche permanente de rédemption et de catharsis qui passe en grande partie par le corps et par le corps douloureux… ça te rappelle quelqu’un ?

JLC- Je suis catholique pratiquant, bien que je n’ai pas vraiment la foi. Les rituels, et le rituel catholique en particulier, me fascinent. Je m’intéresse aussi aux transes, et vais souvent dans les églises évangélistes haïtiennes où les possessions sont fréquentes. Rituel et transe sont mes deux sources d’inspiration. J’ai cherché à produire un roman le plus intense possible, pleins d’aventures épiques, traversé par un souffle mystique, afin de secouer le corps du lecteur et d’enivrer son esprit. Que lire “Grand Père” soit une grande aventure inoubliable. Que le lecteur devienne le cosaque dans la steppe, puis le légionnaire en Afrique, puis le bagnard en Amazonie. Qu’il traverse en une nuit de lecture tous les mondes réels et imaginaires. Et referme le roman heureux d’avoir survécu.

FL - C’est quoi cette histoire, t’as été malade, et t’es parti t’enfermer dans ta cave pour pondre ce livre ?


JLC - Avant d’écrire “Grand Père”, je suis parti en Guyane visiter les ruines des “Camps de la Mort” dans la jungle, là où les bagnards punis mourraient comme des mouches, là où le héros du roman a failli mourir puis s’est évadé. Et dans cette jungle infecte, j’ai attrapé le paludisme. Pendant que j’écrivais le roman, j’ai été pris par la fièvre, ce qui a influencé mon écriture. L’avant-dernière scène du livre, qui révèle le lien indissoluble qui nous lie malgré nous aux crimes de nos ancêtres, m’a étédictée par un esprit sortie de la fièvre paludique. Jean Louis Costes, Grand Père, Fayard, 2006

Ecrit par: Fabien Loszach


MOUVEMENT.NET

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Voilà près de vingt ans que Jean-Louis Costes s’improvise musicien, performer, cinéaste ou écrivain pour exorciser ses pulsions les plus inavouables, et cracher ses chroniques de la haine ordinaire au visage d’un public toujours plus nombreux. Seul contre tous, Costes crée le dégoût artistique.

Biographie : Jean-Louis Costes publie dès 1985 d’innombrables cassettes et disques dont les titres traduisent bien la portée nihiliste et fantasque : Secouez… crevez !, Les Oxyures, Livrez les blanches aux bicots, Jap Jew, Terminator Moule, Le Fils de Caligula, Un sparadrap sur l’anus… Parallèlement, il développe sur scène ses « opéras porno-sociaux », où se mêlent chansons, théâtre, actions violentes, nudité et sentiments exacerbés : parmi ceux-ci, La Marelle, Lost Kittens, Partouze à Koweit-City… qui lui permettent de se produire du Japon aux Etats-Unis. Jean-Louis Costes a également réalisé plusieurs films, fait l’acteur pour Virginie Despentes et Gaspard Noé, enregistré avec Noël Akchoté, et publié en 2003 son premier roman, Viva la merda, aux éditions Hermaphrodite.


Quels sont vos rapports avec la censure ?
« Au départ, je croyais qu’en France, il n’y avait pas de censure. J’étais franchement persuadé que dans le cadre d’une œuvre d’art, on pouvait tout dire, tout faire. C’est d’ailleurs le cas, toujours, pour ceux qui ont le droit, puisque les gens ne t’attaquent que pour se réserver le droit de parler de certains sujets. Parce que si tu veux voir du meurtre, du crime, tous les soirs, il y a trois cents morts à la télé. Et personne ne téléphone à la police pour dénoncer l’incitation au meurtre. Dans une fiction, normalement, on a le droit de représenter le mal : c’est quelque chose d’acquis en Europe, une convention propre à nos cultures. La scène, c’est un lieu d’expression du crime – et si ce n’est pas pour faire ça, si c’est pour bouffer des yaourts, c’est pas la peine, on n’a pas besoin d’un lieu symbolique pour faire des choses autorisées. On a besoin d’un lieu symbolique pour bien comprendre que “ça”, c’est “faux”, que ce qui se passe sur la scène est grave. Ça a toujours existé en Europe, et cela joue un rôle social essentiel : couper ça, c’est détruire une société. Je ne sais pas bien expliquer le rôle de l’art, de cet art-là, mais j’ai le sentiment qu’il est là depuis longtemps et qu’il doit avoir un rôle moteur. Le problème, c’est qu’en France, le code pénal ne fait pas clairement la distinction entre fiction et réalité, contrairement à la Suisse par exemple, où la distinction est claire, et où, si tu revendiques ce que tu fais comme de l’art, terminé, ça bloque les poursuites. Les attaques que je subis seraient impensables en Hollande (un procureur hollandais qui avait vu un de mes spectacles a même écrit une lettre en ma faveur pour la justice française) ou en Allemagne, je n’ai jamais eu de problèmes ailleurs qu’en France.

Dès le début, votre travail a suscité l’incompréhension…
« C’est sûr. Déjà, avant les procès, les gens se posaient des questions sur ce que je fais, étaient contre. Parce qu’en art, si ce que tu fais ne s’inscrit pas dans une structure connue ou dans un certain style, il y a déjà une grosse résistance : lorsque tu n’es pas habitué à une forme, tu ne l’acceptes pas. Au départ, j’ai eu plutôt affaire à ce problème-là, d’autant plus qu’il y a un côté ridicule dans ce que je fais : pour les gens, j’étais un bouffon, un con, quoi, c’est à peu près ça qu’on me reprochait. Si je n’accédais à rien, c’est parce que j’étais nul (ce que je suis d’ailleurs le premier à reconnaître). Mais quand les procès ont débuté, en 1997, mon audience avait déjà commencé à se développer, c’était parti, et tout a été bloqué net. Parce que ces gens qui intentent les procès exercent un contrôle qui excède largement le cadre de “l’anti-racisme”… Au départ, ce sont l’UEJF et la Licra qui ont déclenché les poursuites – des associations qui, à la base, défendaient les gens qui étaient dans la merde au lieu de mettre des gens dans la merde. Puis, au bout d’un an ou deux, sont venus se joindre à eux la Ligue des droits de l’Homme et le Mrap, ce que j’ai trouvé beaucoup plus étonnant. D’abord, parce que je connais pas mal de gens qui sont au Mrap et à la LdH, et ensuite parce que c’est moi qui avais contacté cette dernière pour solliciter son aide à l’époque du premier procès : non seulement elle ne m’a jamais répondu, mais en plus, elle a fini par m’attaquer – et c’était moi-même qui lui avais transmis le dossier ! Le plus drôle, c’est qu’alors qu’on me prenait pour un bouffon dont le délire passait pour un délire anti-fasciste – le disque pour lequel on me poursuit, Livrez les blanches aux bicots, m’avait jusqu’à présent valu des menaces de mort de l’extrême droite –, on s’est mis à me prendre au sérieux en renversant complètement mon “discours”.

Ces attaques posent notamment la question du caractère prescriptible de textes publiés sur Internet…
« Oui. Mais selon la règle, ou tout simplement le bon sens, les faits étaient prescrits au moment où l’on m’a attaqué en justice. Les textes incriminés, qui datent de 1989, sont arrivés sur Internet en septembre 1996, année où j’ai lancé mon site, et ce n’est qu’en janvier-février 1997 que ces associations ont commencé à m’adresser des menaces. Elles m’ont d’abord envoyé au civil, dans l’idée de faire tomber Internet hors du droit de la presse de 1881. Normalement, un procès dans le cadre du droit de la presse va tout de suite au pénal, c’est pourquoi ces associations ont été déboutées au civil, au motif que les faits en question ne dépendaient pas de celui-ci. Je pensais que c’était terminé, mais non, elles sont reparties au pénal pour les mêmes faits, en prétendant que j’avais créé un nouveau site alors que j’avais simplement pris un nom de domaine, ce qui a été facile à prouver. Parce que, quoi qu’on en dise, il n’y a rien de plus contrôlable qu’Internet : tu ne peux pas dater une photocopie, par exemple, mais sur Internet, tu as des horloges, des machines qui pistent tous les dossiers. J’ai donc gagné une nouvelle fois, c’était en 1998, on a admis que les faits étaient toujours prescrits. Mais les associations ont fait appel et, bizarrement, elles ont gagné, le juge décrétant qu’il n’y avait pas prescription, ce qu’aucune loi ne permettait d’affirmer : je veux bien qu’il y ait une lecture continue sur Internet, mais il y a aussi une lecture continue des livres dans les bibliothèques ! Les livres, jusqu’à présent, durent plus longtemps que les sites Internet… L’affaire va devant la Cour de cassation, qui casse le jugement. Je pensais qu’on allait enfin s’en arrêter là, mais non ! En 1999, la Cour de cassation décide de renvoyer l’affaire en appel, et là, l’avocat sort une nouvelle astuce de son chapeau, en affirmant que le fait d’avoir pris, pour l’adresse de mon site, un “.org”, avait simplifié l’accès à celui-ci, et donc augmenté sa fréquentation… Cela fait huit ans que ça dure, que je suis convoqué tous les trois mois, que je subis un black out des médias, et parfois ça me fatigue vraiment, ça me monte au cerveau. Mais je bloque par tous les moyens parce que j’ai compris que ce que font ces associations n’était pas fair-play. Toutes ces manœuvres visent à faire sauter la prescription et à pouvoir me juger sur le fond pour me condamner, c’est leur seul but… Quoi qu’il en soit, je reste fier de Livrez les blanches aux bicots : c’est le seul disque à avoir été fait sur le racisme des années 1980. Mais il n’est plus du tout d’actualité, les problèmes, aujourd’hui, sont de nature différente. Non, le vrai disque qui serait CHAUD, ce serait un disque sur le communautarisme : là, tu peux te la manger, la balle.

Comment expliquez-vous cet acharnement ?
« Mon truc, c’est que je suis un taré. Qui a résisté à ces associations, à part moi ? Quand un artiste dépasse les bornes, il y a toujours un éditeur ou une maison de disques sur lesquels on peut faire pression. Mais si un barjot qui fait tout lui-même, comme c’est mon cas, décide de se suicider financièrement… Parce qu’au bout d’un moment, tu es acculé à la misère, il y a une grande différence entre ma renommée et mon argent : alors que tous les PDG de chaînes culturelles me connaissent, je ne peux jouer que dans des salles indépendantes, des lieux recyclés, des squats – des réseaux dont les juges n’ont absolument pas idée. Voilà encore un argument pour les avocats des associations qui m’attaquent : le fait que je me produis dans des caves sans faire de publicité dans les médias, c’est bien la preuve qu’il s’agit d’un complot, d’une “association de malfaiteurs”. On veut à tout prix empêcher que mon image artistique arrive jusqu’au juge, parce que si je m’établis, c’est fini… Je pense que si
ce que je fais possède une forte valeur politique, cela n’a rien à voir avec le contenu de mes textes mais plutôt avec ma manière de travailler. Ce qui dérange surtout, c’est que je me prends en main moi-même.

On vous a comparé aux dadaïstes ou aux actionnistes viennois, à Artaud ou à Pasolini. Comment vous situez-vous sur la scène artistique ?
« Je ne me rattache consciemment à aucun mouvement. Mais surtout, je refuse catégoriquement que l’on dise que dans mon travail il y ait un quelconque message, y compris anti-raciste. Pour ma voisine haïtienne, ce qui m’arrive est incompréhensible. Pour elle, ce que je fais, c’est de l’ordre du vaudou… »


David SANSON Publié le 00-03-2005


Libération

8 juin 2005

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Après coup.
La performance.

Jean-Louis Costes chante, se masturbe, joue avec le sang et s'enduit de caca. «Parmi le chaos total de n'importe quoi que je fais, il y a la merde. Parce que je chie tous les jours, dit Jean-Louis Costes. S'il n'y a pas une grande part de crime dans l'art, c'est pas la peine d'en faire.» Il participe à un débat sur la provocation, face aux animateurs Laurent Drezner et Thomas Joubert (1).

«Dans une précédente interview, vous avez dit, je vous cite : "Je passe 90 % de mon temps à me branler et à zoner chez moi sans sortir. Le reste, je me filme en train de me branler ou je gueule dans un micro des cris de pédé en rut." Alors ? continue le présentateur, vous considérez-vous comme vraiment un artiste ou cette interview est-elle de la provocation ?» «Non. C'est comme ça que je fais mon art. Je reste enfermé chez moi à attendre que ça sorte. J'écoute France Info, je me branle. C'est ça, une journée d'artiste.» «Vous dites vous-même que votre musique est nulle ?» «C'est-à-dire que je me déteste moi-même, mais j'ai remarqué que plus on se sent mal, plus on va vers une forme d'art qui paraît nulle, et meilleur on est. Toucher à un sujet crétin comme la merde, ça paraît con, comme ça. Ou les parasites intestinaux. Franchement ? Ça paraît con. Mais en fait, il y a plein de choses impliquées dans la merde», reprend Costes. «C'est quoi qui vous fascine ?» questionne le présentateur. «On s'aperçoit que c'est un truc essentiel de l'humanité, je sais pas, s'enduire de merde, c'est se purifier. Je peux pas expliquer.» «Et ça, c'est de l'art ?» «Oui, c'est de l'art ! Moi, je m'enduis la tête de merde et les oreilles des autres.» Spécialiste de l'art contemporain, Serge Le Borgne intervient. Au mot de spectacle il préfère le terme de «performance». Le graphiste Kiki Picasso lui coupe la parole : «C'est mieux que de la performance. C'est une expression théâtrale complètement délirante. Il balance une énergie folle, une intensité jamais atteinte dans l'histoire du théâtre.» «Performance», maintient Le Borgne. Kiki Picasso montre le plateau d'un geste de la main. «Mais déjà, cette qualification ! Qu'est-ce que c'est, là ? C'est de la télé de merde, non ? C'est un plateau absolument immonde, avec deux présentateurs en petit costard ! Il y a en a un qui ressemble à Mgr Gaillot et l'autre à une espèce de mec du téléachat, dans un plateau d'une platitude monstrueuse, d'une laideur épouvantable, et un public pas très marrant ? Et puis voilà. Ce n'est pas de la provocation ce que je dis, c'est la vérité.»

(1) C'était lundi à 15 h 21, sur Pink TV.

CHALANDON Sorj


Libération

27 avril 2006

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Jean-Louis Costes, 51 ans, artiste performer spécialisé dans la scatophilie. Ses spectacles pour happy few de plus en plus nombreux sont idolâtrés en France comme au Japon.

Merde à celui qui le lira

par Emmanuel PONCET

Saint Augustin disait joliment : «Nous voyons le jour entre les selles et l'urine.» «Viva la merda», proclame depuis bientôt vingt ans Jean-Louis Costes. Ce jeune quinquagénaire au corps tendu et musculeux, très Iggy Pop, est souvent réduit à un «bouffon qui se met du caca sur la tête» (un proche qui résume). Car, lors de ses performances, il se badigeonne souvent le corps de substances organiques ou excrémentales. Héritier décalé des actionnistes viennois des années 70, ce musicien d'origine traîne du coup une image indécrottable d'«artiste scatologique». Sombre et méphitique provocateur. Il ne fait rien pour dissiper cette image hard-crade. Honnêtement persuadé depuis toujours que «les actions humaines passent toutes par la pisse, le sperme et le sang». Imperméable à tout jugement social, ce singulier performer, idolâtré en France, aux Etats-Unis ou au Japon, trimbale une authentique aura underground.

Dates

Jean-Louis Costes en 7 dates
13 mai 1954
Naissance à Paris.
1972
Bac, études d'architecture.
1982
Traversée de l'Afrique à pied.
1986
Premier disque, Secouez-crevez.
1988
Premier opéra porno-social, les Pendus.
1997
Procès pour «diffusion de propos racistes».
2006
Premier roman chez Fayard, Grand-Père.

 

Radicalement solitaire, entre moine-soldat et artiste ambulant, il transporte de ville en ville son matériel hétéroclite dans une R19 noire.

Néochaman en visite, il fait l'objet d'un culte fervent et confidentiel dans chacune des (petites) salles où il se produit. Au Totem ou au Zanzibar, il provoque d'amicales transes, parfois sexuelles. Ce qui lui fait dire maintenant en rock star : «Tout ce que je ne pouvais pas avoir à 18 ans, je l'ai maintenant.» Comprendre : les filles, surtout. «Séduire est le but de base. Il ne faut pas se cacher. Désormais, des filles de 18 ans viennent à moi.» Des jeunes filles en sueur. Des keupons, des pédés et des quidams aussi. Son fan-club s'est élargi singulièrement. A la limite aujourd'hui du Bottin mondain. Le cinéaste Gaspard Noé l'a fait tourner dans Irréversible. Virginie Despentes lui a logiquement confié un rôle très anal dans Baise-moi ­ un coup de pistolet dans le cul. L'auteur des Chiennes savantes reste sa meilleure attachée de presse. Et loue depuis longtemps ses qualités littéraires. «Si mon boulot, c'était éditrice, écrit-elle sur son blog, je lui tomberais dessus et jamais plus je ne le lâcherais.» Le vieux renard de l'édition, Raphaël Sorin, n'a pas laissé passer l'idée. Il publie Grand-Père, récit autobiographique fictionné. Depuis que Sorin, l'engin-lanceur de Michel Houellebecq, l'a «sorti de [s]a poubelle» (lui-même), «Costes» (son nom usuel) se retrouve curieusement placé sous les projecteurs mainstream. D'Ardisson, par exemple, qui le compare souvent à Marilyn Manson pour son aura gothique et occulte. «Je suis à l'aise avec les médias, assure la nouvelle star, c'est moins stressant que de monter sur scène face à 200 punks bourrés, armés de canettes de bière !» On doute un peu. Son exposition médiatique semble plutôt accentuer ses airs touchants de phalène frémissante de stress.

Encore plus décalée lorsqu'on pénètre dans son lieu de répétition. Une échelle en bois. Puis une cave sombre et humide dans sa maison-squat de Saint-Denis, en banlieue parisienne. Un vieil ordinateur poussiéreux, un synthétiseur vintage, des poupées désincarnées, des restes de peinture mystérieux... Avec Costes, la définition ambiguë de l'artiste underground devient littérale : une panic room sous la terre ; un vague matelas ; un improbable duvet. Contrairement à une légende tenace, aucune odeur de pisse ni trace d'excréments décelables. «J'essaie quand même de nettoyer un peu quand les journalistes viennent», concède-t-il en souriant. A l'étage, (un peu) plus confortable, vivent sa femme et sa fille de 2 ans. Sa compagne japonaise a tapé un jour «sexe scato» sur Google. Jean-Louis s'est naturellement imposé. Ils se sont mariés shinto. Mais la conjugalité n'a pas vraiment changé sa spartiate façon de vivre. Ce qu'il appelle «ma base-camping» comprend le strict nécessaire. Et moins encore. Pour cet architecte diplômé qui n'exerce que pour lui, un couteau suisse, c'est déjà trop luxueux. Un couteau basique convient largement à ce fils de militaire, élevé dans une propriété de 3 hectares au Vésinet. La maison de ses grands-parents maternels, «pas très loin de chez Jean-Michel Jarre, à Croisy, où finalement, lui aussi travaille dans une cave...» Il n'aime pas spécialement l'argent, même s'il n'a rien contre. «Il ne dépense rien, confirme un proche. Il boit du lait et du Coca. Une économie de récup. Même pas dix mille euros devant lui pour s'acheter une camionnette potable.» Les six mille euros d'avance de Fayard ne suffiront donc pas. Il s'en fout. «J'ai vécu dans un milieu riche. Je suis un dégénéré de la bourgeoisie. J'ai vu mon grand-père maternel errer dans sa baraque, malheureux comme une pierre.»

Lorsqu'il débarque, seul blanc, dans son squat de Saint-Denis, il entend ses voisins haïtiens rigoler toute la journée. Pour l'adolescent mutique, élevé dans des internats stricts (Stanislas), que tout le monde croyait fou, le choix de vie est vite vu. Plutôt pauvre et «indé» que thuné et misérable. «Les riches sont des handicapés. Physiques. Ils ont besoin de prothèses toujours plus perfectionnées pour les assister.» Monomaniaque assumé, il aime creuser vingt-quatre trous, planter autant de poteaux et bâtir sa cabane en Guyane, où il s'exile deux fois par an comme un bagnard volontaire. Une traversée initiatique de l'Afrique, en 1982, lui a appris ­ «J'ai failli crever» ­ à ne dépendre que de lui-même. «Base camping» et kit de survie : «couteau-chaussures-feu», «Tintin-Sade-Artaud-Céline», «Fassbinder-Jean Rouch», «musique pygmée-Beatles». Il y a une «autoproduction» de soi costienne comme il y a une «invention de soi» wildienne.

Il n'a jamais eu de maison de disques. Depuis le début de sa «carrière», sa production se résume à «un CD-Rom que je grave», vite on line sur l'Internet. Marginal foncièrement, mais pas rebelle complaisant, il a longtemps été communiste politiquement. Maintenant, il se sent proche du Parti libertarien, qu'il a découvert aux Etats-Unis. «Je me suis rendu compte que l'idéologie de gauche ne fonctionnait pas. La bonne conscience antiraciste, par exemple, ne colle pas avec la réalité. Lorsqu'un nouvel habitant arrivait dans mon immeuble, mes voisines haïtiennes me disaient : "Il y a des Noirs qui viennent..."» Pour lui, les antiracistes bien pensants ne connaissent pas vraiment les immigrés. «Ceux qui viennent en France ne sont pas forcément les damnés de la terre. Ils appartiennent souvent à une petite-bourgeoisie débrouillarde. Leur but est exactement le même que tout le monde : un pavillon et un chien.» Mais non légendés, ses propos ou son oeuvre sont parfois mal interprétés. Plus ou moins volontairement. La Licra et l'UEJF ont cru un jour dénicher des «propos racistes» dans l'une de ses chansons titrée Livrez les Blanches aux Arabes. Il ne faisait pourtant que remonter la merde collective, comme dans ses spectacles cathartiques. Innocenté devant les tribunaux, cette expérience a manifestement affûté sa méfiance presque physique, des faux progressistes «qui prennent en otage les personnes adorables» (Pasolini).

«Il aurait pu devenir anar de droite aigri, analyse Olivier Stupp, journaliste et accompagnateur, mais il s'est passé exactement l'inverse.» «Anartiste», «analiste», «prêtre scatolique» ? Il faut trouver pour lui de nouveaux hybrides. L'art engagé l'ennuie. La politique ne le dégoûte pas. Il se verrait même bien maire. «Ramasser les crottes. Changer une ampoule de réverbère. C'est très concret. Ça me plaît.» Il critique d'ailleurs le sien, Patrick Braouezec, à Saint-Denis, «un mec discret... surtout à la télé».

En attendant l'investiture, Costes poursuit ses tournées bricolo en messie ascétique qui sautille sur scène en criant : «Papa, encule-moi !» «Il continue sa traversée du désert, décrit son accompagnateur du moment, Olivier Stupp, mais de plus en plus gens viennent à sa rencontre.»


TECHNIKART
decembre 2000

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1 PETITE ENFANCE : BATTU ET VIOLÉ
Enfance difficile dans une famille tres stricte et sévère (père militaire violent et mère catho grave complice) Pas un seul souvenir heureux de ma vie de zéro à 18 ans! En gros, petite enfance : se fait casserer la gueule sous le regard complice de la mère, puis se fait enculer par le père sous le regard complice de la mère.

2 ADOLESCENCE : ASOCIAL SUICIDAIRE
Adolescence : totalement asocial, n'ai aucun ami, passe mon temps dans ma chambre à me branler et à faire joujou au suicide avec des lames de razoir devant la glace des chiottes, ou au fond de la classe à dessiner des cadavres et des filles torturées. Je hais tout, tout le monde, et surtout moi-même.
Dans ce contexte l'art va être un exutoire salvateur. La seule chose qui me branche adolescent à part me branler (mais ca me fait culpabiliser) c'est dessiner.

3 JEUNESSE : ZONARD DROGUÉ
Apres 18 ans, je me tire de chez mes parents et vire zonard drogué. Quoiqu'on médise sur les drogues et bien qu'actuellement je déteste la drogue et les drogués, à l'epoque la drogue m'a ...sauvé la vie.
J'était tellement flippé, coincé et complexé que sans la drogue et l'alcool j'aurai jamais réussi à baiser une fille. Je n'ai pas touché une fille avant l'age de 23 ans et pendant des années après j'ai toujours débandé au moment de la pénétrer! (merde!!!!) et ce n'est que completement défoncé que je me suis dépucellé sans mëme me rendre compte que j'etais dans le trou!
Ca commence bien comme histoire hun? Les origines d'un génie! C'est avec la drogue que j'ai switché du dessin à la musique. Je jouais des claviers dans des groupes de rock de drogués ou on passait plus de temps allongé sous le piano qu'à jouer dessus.

4 TRENTE ANS : LE DEBUT DU TRIP COSTES
Mais étant toujours aussi asocial et flippé le coté tribal des groupes de rock m'a fait trop flippé et, vers 1983 je m'enferme définitivement chez moi pour ne plus jamais en sortir jusqu'a aujourd'hui (sauf pour monter sur scene) me consacrant uniquement a la musique et la masturbation.
Enfermé, sans plus aucune contraine sociale ou esthétique mon style musical va se radicaliser a toute vitesse. Tout le monde hait ma musique et tout le monde s'écarte et se fout de ma gueule, ce qui a pour effet de rendre mon style toujours plus agressif. Je suis décidé a faire chier un max!
De temps en temps je sors par surprise et distribue gratuitement dans les concerts branchouillés des cassettes gratuites de ma musique sur lesquelles j'insulte en musique le public et les musiciens en vogue. alors que je fais ca par pur nihilisme, il va se trouver des gens pour apprécier çà et évidemment une masse pour détester. C'est comme çà que va commencer le phénomène "Costèsse".

5 LE RÉSEAU INDÉPENDANT. Vers 86 je découvre par hazard dans un fanzine (je savais meme pas ce que c'était qu'un fanzine!) qu'il y a d'autres bargeots comme moi sur terre qui produisent leur musique chez eux, l'enregistrent sur cassette et la distribuent eux memes sur leurs propres labels indépendants.
Je vais alors commencer à envoyer mes oeuvres à gauche a droite, dans tous les pays, des usa au japon, et peu à peu va se constituer un public de fans et, vers 1986, je fais mes premiers concerts

6 PORNO-SOCIAL
toujours aussi complexé et persuadé de ma nullité, je pense que me voir seul sur scene brailler mes chansons bruyantes doit etre chiant pour le public. Idé&e confirmée par les sifflets et crachats des punks et industriels lors de mes premiers concerts qui sont tous interrompus au bout de 5 minutes.
Je commence alors a faire des opéras pornos-sociaux : la musique est enregistrée sur bande, je chante live par dessus.
débarassé des instruments je peux introduire des actions théatrlaes qui avec le temps vont se dévellopper en véritables "opéras pornos-sociaux" ou la violence mentale et sexuelle de mes chansons est transposée sur scene en violence physique et sévices sexuels.
Ces shows plaisent rapidement et me permettent de bien tourner en europe, usa et japon.
De 88 a 2000, une douzaine d'opéras pornos-sociaux différents ont été représentés, le premier étant "les pendus", le tout dernier actuellement sur scene "vomito negro".

7 LA VIDEO
Vu l'aspect spectaculaire des shows, beaucoup de gens les filment en vidéo. Ce qui me branche sur la vidéo. Au début je filme moi-même mes shows en donnant la caméra à des membres du public au hazard. Et puis je finis par utiliser la caméra pour produire, à partir de 1990, mes propres films de fiction que je monte ensuite, avec la touche "pause", entre 2 scopes vhs! "crack kiss" est mon premier film de fiction (tourné a new-york), puis"le fils de caligula", "i love snuff, "morpho" ... des longs métrages, et une floppée de courts métrages.

8 LES INFLUENCES (INDUSTRIEL, ELECTRONIQUE, HARD-CORRE, RAP...)
Le fait de fréquenter (par courrier, jamais physiquement) les milieux artisitques indépendants va me faire découvrir toutes sortes de musiques qui vont m'influencer. A la base je suis un artiste "brut" : je me prend pas du tout pour un musicient branché d'avant-garde, je veux juste etre le nouveau Paul Mac Cartney mais j'y arrive pas!). Je découvre donc toutes les musiques indépendantes : tout ce qui est radic al m'éclate et m'influence : le bruitisme industriel, le hard-core us le plus speed, le noise-rocj japopnais le plus déjanté, le rap hard-core le plus violent et explicite. Sans vraiment imiter, je passe toutes ces influences a ma moulinette, a la "sauce costes". Car je sais pas pourquoi mais j'ai jamais réussi a bien imiter quoique ce soit, meme pas le boogie-woogie ou la techno basique que n'importe quel con imite en deux secondes avec la boite a rythme que maman lui a acheté pour noel...et ben moi j'y arrive pas, j'imite mentalement, mais rythmiquement et mélodiquement j'ai toujours tout faux. Au fond mon style vient de mes handicaps et de ma totale absence de don. A l'école j'avias pas le droit de chanter tellement je chantais faux, ca foutait en l'air la chorale! Et je continue a foutre en l'air la chorale, qu'elle soit techno ou rap , c'est pareil!

9 L'INTERNET
Evidemment l'internet pour un mec comme moi c'est le miracle : comme tout musicien indépendant asphyxié entre les majors du show bizz et les collabos de l'art subventionné, internet va m'ouvrir une miraculeuse fenetre d'expression. Sans label, sans distributeur, sans controle et bénédiction du business ou de l'etat, je peux faire mon truc comme je veux et le diffuser instantanément a travers le monde. Le pied total quoi!
A trois heures du mat, seul chez moi, sans avoir a fréquenter physiquement qui que ce soit, je peux communiquer mentalement avec le monde entier, etre a la fois totalement seul et totalement universel, mon reve de branleur frustré mégalo!
Je vais donc dès 1996 dévellopper un site important http://costes.org ou je documente mes oeuvres, les distribue, mais aussi fait des délires "spécial web" qui sont spécifiques au média internet.
Ce qui va faciliter mon travail et la distribution de mes oeuvres, mais aussi m'attirer les pires emmerdes.

10 LA CENSURE
En fait internet va m'amener les pires emmerdes. Car les gros intérets en place (majors du show bizz et grands médias institutionnels) vont vite comprendre que internet pourrait causer leur perte : tous ces indépendants (médias ou artistes) qui d'expriment sur le web menacent les intérets en place : des milliers de petits sites culturels cumulés (gratuits en plus!) bouffent l'audience des gros médias et font chuter les recettes publicitaires. Des millions de morceaux libres de droits en mp3 qui se baladent sur le net font une redoutable concurrence font, cumulés, une redoutable concurrence aux majors.
Les énormes profits des majors et médias tiennent sur le monopole et la concentration. Or les centaines de milliers d'indépendants qui surgissent d'un coup sur le net détruisent monopoles et concentration. En plus, tous ces journalistes en herbe qui montent leur propres sites-médias sur le net, non seulement ils cassent le business mais en plus ils s'expriment librement, sans tous les filtres et barrieres des gros medias institutionnels au service de la pensée et des intérets dominants. "Le danger d'intenret" comme a dit francoise giroud, "c'est que n"import qui peut dire n'importe quoi". En effet un danger pour les magouilleurs et les menteurs bien en place, mais un bonheur et une chance pour les gens honnetes et la démocratie.
Alors les gros businessmen qui aiment pas la liberté et la gratuité vont présenter internet comme un repaire de "pédophiles & nazis" et ils vont lacher leur flics de la pensée pour casser la culture indépendante qui monte en puissance sur le net. L'uejf et les assos antiracistes, chiens de garde du pouvoir, vont s'attaquer à la liberté d'expression sur internet. 1) en détruisant le droit de la prescription pour le net, ce qui permet de réprimer sans limites. 2) en attaquant sur le fond tout ce qui bouge et est pas "politiquement et moralement correct.
Et qui c'est qui vont choisir pour faire un exemple? Le plus extreme forcément, le plus remuant et le plus incontrolable et sans concession : ... Costes!
Alors depuis 1997 j'ai subi quatre proces, 150000Frs de frais de défense, une condamnation et la censure de mon site en décembre 2000, plus toutes sortes d'autres pressions (pression sur l'hebergeur pour qu'il coupe mon site, pression sur mon distributeur de disques pour qu'il stoppe de me distribuer, pressions sur des salles de spectacles pour quelles annulent mes shows, pressions sur les médais pour qu'ils fassent pas d'articles culturels sur moi...)

11 LE MARTYRE UNIVERSEL
Finalement, je voulais pas l'art régler mes comptes avec une société que je hais, régler mes comptes avec le pére qui frappe et encule, et j'y suis arrivé! Desormais je ne crie plus seul dans un micro dans un cave au fond d'une banlieue, ignoré de tous. Je me bats, jusqu'a la mort et jusqu'au martyr final et la gloire, contre l'etat et l'ordre moral par les armes de l'art, les armes de l'esprit, et je me bats en pleine lumiere sur internet (le fait que les medias étouffent l'affaire n'a aucune importance car nous n'avons plus besoin des médias, merci, par ici la sortie!)
Ma premiere cassette s'appellait "l'art c'est la guerre", c'était alors symbolique, maintenant c'est la réalité : "l'art c'est la guerre sur le net"!
J'ai fait la preuve que l'art n'est pas juste un truc de branleur qui emmerde plus personne. Un branleur vraiment branleur à mort peut faire trembler les pouvoirs, et prouver son propre pouvoir.


LE PETIT BULLETIN (EDITION LYON)
MAi 2006

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Papa... caca !

 Il a vu la Vierge, passe le plus clair de son temps dans une cave, hurle des horreurs, en écrit, en chante et en filme. Provocateur à la petite semaine, opportuniste à deux balles, génie du marketing ou génie tout court ? Mais qui es-tu Jean-Louis Costes ? Dorotée Aznar

 Quand on rencontre Jean-Louis Costes, on se dit que sa réputation est un peu surfaite. Le performeur, musicien et écrivain de 52 ans arrive à l'heure aux rendez-vous, sourit poliment en rougissant légèrement quand on s'adresse à lui, tient les portes aux jeunes filles et dit merci à la dame. Le Roi du pipi-caca, le Prince du scato a des airs de gentil papa timide qu'on aurait sorti de sa sieste pour un rendez-vous impromptu avec son banquier. Oui, mais ça c'est ce qu'on se dit avant. Avant de le voir sur la scène du Marché Gare, nu comme un ténia, se couper les bras avec un couteau, tenter de sodomiser un baigneur en plastique en hurlant "papa, encule-moi une dernière fois, comme quand j'étais petit". Bien avant de le voir faire pipi sur le public, essayer (en vain) de se masturber en direct, se mettre une carotte dans l'anus et manger son caca...

La genèse
Faut pas croire, on ne devient pas Costes par hasard. Tout petit déjà, Jean-Louis n'aime pas beaucoup les gens. Son enfance s'écoule entre les meilleurs internats de la région parisienne et une famille où l'on n'aime pas trop les contacts physiques : "on ne se touchait pas, on ne s'embrassait pas... c'est resté. En dehors des moments d'excitation, je suis "anti corps". Même si mes shows semblent montrer le contraire, chez moi, tout se passe dans la tête". Une tête qu'il a d'ailleurs plutôt pleine. Bac en poche, le jeune Jean-Louis entreprend et termine des études d'architecture. À cette époque, la musique est un hobby, "je faisais du rock le samedi, comme un bourgeois normal". Le problème de la musique, c'est les groupes, "ils me faisaient tous chier", Jean-Louis fera donc de la musique tout seul. La musique et le reste. "C'est triste quand même de n'avoir jamais touché une fille à 25 ans.... j'étais mal barré...". Sûr.

Bête à concours
Costes adore jouer au loser et n'est pas avare en anecdotes. "Comme j'étais attardé, j'ai essayé d'être branché. En 1978, je me suis dit : il faut être hippie. Je suis parti en Inde. Je suis revenu avec le total look et même les tatouages. Mais quand je suis rentré, mes potes étaient devenus punk pendant l'été. Pour les meufs c'était foutu". Alors quitte à loser, Costes travaille comme un acharné, enregistre des centaines de morceaux et commence à créer des opéras porno-sociaux dès la fin des années quatre-vingt. Architecte le jour, trashman la nuit, il ne se dédie entièrement à l'art qu’à partir de 1997. Le reste de l'histoire oscille entre le médiatiquement vendeur et le médiatiquement très vendeur. Il habite Saint Denis, a déserté le premier étage de sa maison pour s'installer à la cave. "Je pense très sérieusement à murer les fenêtres avec des parpaings car la lumière me distrait", explique-t-il. L'homme est assurément un bon client et les éditeurs ont fini par flairer la bonne aubaine. Fayard a dégainé le premier et un roman, Grand-Père, est sorti il y a quelques mois, un autre est déjà en préparation.

 Saucissonade
"Il n'y a pas de message dans ce que je fais", affirme Costes. Il déteste l'art engagé ou conceptuel : "je voudrais qu'on leur coupe les subventions" mais admet au final que les "côtés subtils de son travail sont difficiles à transmettre" et dit ériger "la mauvaise foi en loi". La revue Cancer s'est un temps fait l'écho de ses frasques. Imaginez. Costes a la bonne idée d'écrire une chanson intitulée Tapette à bicot. Extraits choisis : "on devrait coincer Blanchette tapette à bicots/le coincer dans un coin à plusieurs et l'empaler sur un saucisson ce pédé à bicot". Les tribunaux sont saisis et Costes doit répondre de "provocation à des atteintes à la vie et à l'intégrité d'une personne". Le soir de l'audience, Costes dévalise son épicier, achète toutes les formes possibles de saucisson et "s'empale" devant un témoin (médecin) avec lesdits aliments puis remet un rapport détaillé à la justice. On peut y lire que "les sodomies à la saucisse de Strasbourg et au saucisson sec sont bien acceptées par son anus et ne constituent pas une atteinte à la vie et à l'intégrité de la personne". Il est précisé qu'en revanche, la sodomie au saucisson à l'ail "dont le diamètre dépasse celui de l'anus" pourrait provoquer l'éclatement du rectum et donc la mort. Conclusion : seule la sodomie au saucisson à l'ail peut provoquer la mort ; Costes n'est pas coupable. La mythologie est en marche. Bien malin qui démêlera le vrai du faux. Celui qui ne se définit "ni comme musicien, ni comme écrivain", accepte bien volontiers l'étiquette d'artiste. Mais il refuse d'être taxé de provocateur. "Quand je fais un show, je commence à l'heure et je fais au mieux. La provoc, ce serait de faire payer les gens et de ne pas venir. Je ne donne pas de leçons et ne suis qu'un pâle reflet de la réalité". Le fou du roi n'a pas peur de mettre le nez dans son caca. Mais le temps passe et les shows ne seront bientôt plus de son âge, il s'agirait de penser à la reconversion. Écrivain pour enfants, gourou, allez savoir. L'avènement du Grand Messie des crottes est peut-être pour demain.

DOROTHE AZNAR


TECHNIKART

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L'obscène public

Costes, l'homme qui fait de la caricature une arme politique, peut-il décemment tout chanter ? Entretien avec un artiste qui dérange tout le monde. Même les défenseurs des libertés publiques.

par Anna Mori, 21 mars 2001

Es-tu raciste ?

Non, pas du tout.

Dans ce cas, pourquoi dis-tu dans tes chansons "Les nègros puent du cul, ils s'essuient jamais le cul" ?

Je parle de choses que j'entends et qui sont atroces. Je suis dans une culture imprégnée par le racisme. Mes chansons digèrent la réalité et la ressortent sous forme de satire.

Tes chansons sont satyriques ?

Mes chansons sont dramatiques parce qu'elles montrent la réalité nue, c'est à dire pitoyable… Je n'ai même pas besoin d'exagérer la réalité pour la rendre parodique. Ecoutez un raciste, ses propres paroles le ridiculisent, le rendent caricatural ! Alors je me contente de le citer, pour faire apparaitre la connerie humaine dans toute sa splendeur.

Penses-tu que les gens qui t'écoutent sont conscients du côté parodique ou critique de tes chansons ?

Les Renseignements Généraux ont classé mon public dans les "sympathisants d'extrème-gauche" : ce sont les milieux indépendants, proches des squatts, des anarchistes, de la CNT et des milieux autonomes. Bref, ce sont souvent des gens qui luttent contre les skins et les fachos…

Aucun " facho " n'écoute ta musique ou ne va à tes spectacles ?

Musicalement ou idéologiquement, je piétine leurs valeurs. Dans mes spectacles, je représente des skinheads à poil sur une scène en train de s'enculer avec le glaive de Mussoloni : ça ne fait pas rire l'extrème-droite !

Ne trouves-tu pas dangereux de mettre des chansons pareilles sur Internet ?

Ce n'est pas plus dangereux sur Internet que ailleurs. Mes chansons en soi sont tellement excessives et absurdes qu'elles en deviennent parodiques. Quant à mon site, il est lui-même explicitement provocateur et anti-conformiste… Impossible de le confondre avec un site néo-nazi !

Que penses-tu des fascistes ?

Si un parti d'extrème-droite prenait le pouvoir, j'en serai la première victime. Avant même que les nazis soient au pouvoir, les artistes "dégénérés" se faisaient casser la figure dans la rue. Les artistes sont les premières victimes des dictatures. D'ailleurs, je reçois des menaces de mort de l'extrème-droite à cause du disque "Livrez les Blanches aux bicots".

Pourquoi ?

Parce que dans l'introduction de ce disque consacré au racisme, je dis " Facho, Je t'encule. Ma bite dans ton cul c'est Stalingrad, c'est Berlin en ruines, c'est la fosse commune à Auschwitz, c'est Varsovie etc…". Je cite toutes les grosses défaites des nazis, toutes leurs raisons d'avoir honte. Ils n'aiment pas ça du tout ! (...) Sur mon répondeur, ils laissent des menaces du style : "t'aimes bien te faire enculer, tu vas recevoir une balle dans ton cul". C'est quand même un comble que pour le même disque je me fasse attaquer à la fois par les fascistes et par l'UEJF (Union des Etudiants Juifs de France, Ndlr) !

As-tu peur de l'extrème-droite ?

Ce n'est pas un groupuscule de folkloriques tyroliens qui va me faire du mal ! Le vrai danger ce n'est pas l'extrème-droite, c'est le pouvoir en place. Le vrai danger, c'est l'état, s'il remet en cause la liberté d'expression.

Sur quelles paroles précisément es-tu attaqué ?

L'UEJF attaque trois de mes chansons : "Les races puent", "Blanchette tapette à bicot" et "Apprenez le caniveau au bicots". Elles font partie d'un album "Livrez les blanches aux bicots", consacré au problème du racisme.

Pourquoi dis-tu : "les races puent" ?

On m'a appris à l'école qu'il n'y avait qu'une seule race : la race humaine. On m'a appris que la notion de "races" était scientifiquement fausse et idéologiquement douteuse. Dire qu'il y a des "races", ça pue.

Comment expliques-tu qu'on juge tes textes racistes ?

Bien qu'il soit prouvé que je ne suis en rien un militant neo-nazi mais un artiste qui représente le monde, bon ou mauvais, dans le cadre de fictions, l'UEJF et d'autres associations m'ont diabolisé sous prétexte que j'utilisais des gros mots. Pour mes adversaires, l'expression artistique doit avoir des limites, limites fixées par "le respect de la dignité humaine"...

Les actions judiciaires contre toi ont permis au FN de remettre en cause le droit de prescription sur Internet et d'attaquer le Réseau Voltaire. Qu'en penses-tu ?

L'UEJF et les autres associations savent pertinemment que je ne suis pas raciste. Mais ils ont réussi à faire tomber une prescription qui leur permettra à l'avenir d'attaquer tous les sites non politiquement corrects. Ce sont les fers de lance de la repression, les nouveaux prêtres de l'ordre moral. Au nom d'un combat abstrait pour le bien commun, ils limitent très concrètement nos libertés individuelles. Peu leur importe que cela encourage l'extrème-droite à attaquer des sites anti-racistes…

L'art doit-il avoir une limite ? Celle imposée par la prudence vis à vis d'auditeurs crédules qui pourraient mal comprendre tes paroles...

C'est le grand dada des réactionaires : pour eux, l'art corrompt l'âme. La représentation du mal peut contaminer les esprits… L'UEJF se situe en droite ligne de tous les curés répressifs de l'histoire ! Ceux qui voudraient mettre Sade ou Voltaire au bucher… Ceux qui nient l'existence d'un espace symbolique où l'on peut manier l'humour, l'excès et la dérision…
 


NOUVEL OBSERVATEUR

MAI 2006

Jean-Louis Costes : Paria la provoc

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Cet artiste déjantéet polymorphe sortun fabuleux roman, “Grand-père”, dontil assure la promotion à l’occasion de son show “I Love Hate”. Voyage au pays de son Saint-Denis destroy.

 Liste de mariage

« Au bord du canal Saint-Denis et juste en face du Stade de France. C’est le site historique de l’orfèvrerie Christofle.Un musée magnifique tout en briques rouges. A l’intérieur, un lit fabriqué pour un maharaja avec 4 femmes nues argentées qui s’animent ! »

Orfèvrerie Christofle, 112, rue Ambroise-Croizat, Saint-Denis (93) ; 01-49-22-40-40.

Ravitaillement

« C’est mon centre de ravitaillement. Y’a de la morue séchée, des olives piquantes, des fromagesde brebis et du chorizo. Avec 10  € , tu manges pour trois jours. »
Aux délices du Portugal, 9, place du square-de-Geyter, Saint-Denis (93) ; 01-49-22-00-91.

Service de nuit

« Chez Momo, tu peux acheter des saucisses ou des merguez-frites toute la nuit. C’est le rendez-vous de tous les prolos, qui travaillent dans les imprimeries de “Libération“, du “Parisien“ ou de “Métro“, et des mecs qui livrent les journaux. »

chez Momo, 72, rue Ambroise-Croizat, Saint-Denis (93). Ouvert toutes les nuits, camion en facede l’imprimerie CIPP.

Une vie de squatteur parisien. Comme qui dirait une vie de chien. ç a démarre dans l’underground du Paname des années quatre-vingt. Au squat des Vilains, à Ménilmuche, dans le 20 e , Costes côtoie les Bérurier noir, « c’était mes voisins du dessous », mais doit aussi cohabiter avec les clochards et les voyous politisés « des mecs qui pillaient les petits commerces arabes ou les apparts des petits vieux d’à côté, et venaient ensuite te donner des leçons de morale politique. » Pas vraiment intégré à la communauté squartistique –  « j’ai été lourdé parce que je faisais de la musique trop zarbie »  – Jean-Louis-le-paria décide de migrer en 1989 dans le 9-3. Sur les bords du canal Saint-Denis où il vit aujourd’hui, il rachète un taudis, squatté par des dealers.

Seul petit Blanc au milieu de voisins haïtiens, Costes découvre le vaudou et plonge dans la transe artistique. Enfermé depuis plus de quinze ans dans sa cave-bunker, il y produit ses CD, filme des courts métrages hardcore, ou y compose sa prose illuminée. « Pour “Grand-Père”, mon premier roman, je me suis barricadé là pendant plus de six semaines, sans voir le jour. Ma femme me passait de la nourriture par la lucarne. »

A l’étage au-dessus, sa maison est toujours un immense chantier. On ne peut franchir la porte qu’après s’être cogné à la barre d’échafaudage. « Je refais la façade, dix mois que ça dure. » Au rez-de-chaussée, un local où l’on croise une poupée gonflable décapitée, un Gaulois en bois, des éclaboussures de (faux ?) sang sur les murs et une porte qui ne donne sur rien. « C’est le décor de mon dernier spectacle “I Love Hate”. » A côté, ce qu’il appelle son bureau, soit un Mac fatigué, un arbre en pot –  « je ne voulais pas qu’il attrape froid l’hiver »  – un sac en polystyrène et un matelas douteux où le performer dort pour ne pas réveiller Martine (sa femme) et sa fille les nuits où il rentre de ses tournées. Dans le jardin, au milieu des gravats et des sacs Leader Price, « Protégeons la nature » , sèchent une rangée de slips bleus et un tee-shirt « Prout ».

Ancien architecte (école de La Villette), Costes s’en prend à la politique de rénovation urbaine menée à Saint-Denis : « Ici, on rase tout, puis on fait de la spéculation immobilière sous couvert de logement social. » Les services sociaux n’échappent pas à son courroux : « Tous les mardis, ils font grève !» Apparemment, le dialogue entre Jean-Louis et sa commune n’est pas encore au top.


Jean-Louis Costes Vs Marcel Proust
 

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Parce qu'il ne passera jamais chez Bernard Pivot...
Parce qu'il a dit que l'art c'est la guerre...
Parce qu'il ose être un grand écrivain....
Parce que sa prose ne risque pas d'être au
programme scolaire de son vivant...
Parce qu'il est malade et que l'autre est mort...
Parce qu'il est vaginal et que l'autre est anal...
parce qu'il est présent et que l'autre est éternel
Parce qu'il s'en fout...
tous les autres ne faisant pas le poid,
Jean-louis costes en sortant son premier roman "grand-père"
sort donc par la même occasion de sa cave pour affronter Marcel Proust
dans un salon !
Marcel offensé choisit comme arme son fameux questionnaire snob ...
Assistons maintenant au combat de l'étron contre la madeleine,
de la cuvette des chiottes contre la tasse de thé,
de l'underground contre le classicisme ...
Vas y Costes!

Le principal trait de mon caractère

Jean-louis Costes: Stressé
Marcel Proust:Le besoin d'être aimé et, pour préciser,
le besoin d'être caressé et gâté bien plus que le besoin d'être admiré.
La qualité que je désire chez un homme
Jean-louis Costes: Le travail
Marcel Proust:Des charmes féminins

La qualité que je désire chez une femme
Jean-louis Costes: Son cul
Marcel Proust:Des vertus d'homme et la franchise
dans la camaraderie

Ce que j'apprécie le plus chez mes amis
Jean-louis Costes: Je n'ai pas d'amis
Marcel Proust: D'être tendre pour moi, si leur personne est assez exquise
pour donner un grand prix à leur tendresse.

Mon principal défaut
Jean-louis Costes: j'ai tous les defauts
Marcel Proust: Ne pas savoir, ne pas pouvoir " vouloir ".

Mon occupation préférée
Jean-louis Costes: travailler
Marcel Proust: Aimer.

Mon rêve de bonheur
Jean-louis Costes: la gloire
Marcel Proust: J'ai peur qu'il ne soit pas assez élevé, je n'ose pas le dire,
j'ai peur de le détruire en le disant.

Quel serait mon plus grand malheur
Jean-louis Costes: pourrir dans l'hopital bureaucratique
Marcel Proust: Ne pas avoir connu ma mère ni ma grand-mère.

Ce que je voudrais être
Jean-louis Costes: moi en mieux
Marcel Proust: Moi, comme les gens que j'admire me voudraient.

Le pays où je désirerais vivre
Jean-louis Costes: le désert ou la jungle
Marcel Proust: Celui où certaines choses que je voudrais se réaliseraient comme
par un enchantement et où les tendresses seraient toujours partagées.

La couleur que je préfère
Jean-louis Costes: toutes les couleurs
Marcel Proust: La beauté n'est pas dans les couleurs, mais dans leur harmonie.

La fleur que j'aime
Jean-louis Costes: toutes les plantes
Marcel Proust: La sienne- et après, toutes.

L'oiseau que je préfère
Jean-louis Costes: tous les animaux
Marcel Proust: L'hirondelle.

Mes auteurs favoris en prose
Jean-louis Costes: Costes
Marcel Proust: Aujourd'hui Anatole France et Pierre Loti.

Mes poètes préférés
Jean-louis Costes: ???
Marcel Proust: Baudelaire et Alfred de Vigny.

Mes héros dans la fiction
Jean-louis Costes: Moi dans mes rêves
Marcel Proust: Hamlet.

Mes héroïnes favorites dans la fiction
Jean-louis Costes :Leurs culs dans mes rêves
Marcel Proust: Bérénice.

Mes compositeurs préférés
Jean-louis Costes:Costes
Marcel Proust: Beethoven, Wagner, Schumann.

Mes peintres favoris
Jean-louis Costes:Anne Van der Linden
Marcel Proust: Léonard de Vinci, Rembrandt.

Mes héros dans la vie réelle
Jean-louis Costes :Moi en mieux
Marcel Proust:M. Darlu, M. Boutroux.

Ce que je déteste par-dessus tout
Jean-louis Costes :Moi en pire
Marcel Proust: Ce qu'il y a de mal en moi.

Le don de la nature que je voudrais avoir
Jean-louis Costes :L'optimisme
Marcel Proust: La volonté, et des séductions.

Comment j'aimerais mourir
Jean-louis Costes: Assassiné
Marcel Proust: Meilleur - et aimé.

Etat présent de mon esprit
Jean-louis Costes:Bof...
Marcel Proust:L'ennui d'avoir pensé à moi pour répondre à toutes ces questions.

Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence
Jean-louis Costes :La partouze
Marcel Proust: Celles que je comprends.

Ma devise
Jean-louis Costes : Seul contre tous
Marcel Proust: J'aurais trop peur qu'elle ne me porte malheur.

Interruption du combat par l'arbitre !
Marcel ! tu as triché! tu es disqualifié !
Le combat est truqué!
Jean-Louis Costes est déclaré vainqueur!

Et tu oses demander pourquoi !
Bernard Pivot nous a religieusement refait entendre ton questionnaire
semaine après semaine et année après année, dans ses émissions (dé)littéraires,
Apostrophes, puis Bouillon de culture...
En Amérique, qui ne connaît pas la reprise de ton fameux questionnaire par
le talk show américains de James Lipton, Inside the Actor's studio ?
Que dire encore de la dernière page du fashion magazine Vanity Fair
de notre Express et sans doute bien d'autres revues et magazines de par l'immonde ?

Alors que ton histoire on la connaît...



Tu as acheté ce questionnaire qui porte ton nom en 1884 à la librairie
anglaise Galignani de la Rue de Rivoli, c'était "An Album to Record Thoughts,
Feelings, &c" (un album pour garder pensées, sentiments,)
d'où les questions en anglais. Tu avais 13 ans et tu l'a rempli pour
l'anniversaire d'une certaine Antoinette Faure
( fille du futur président félix faure)l'amour de ta vie à l'époque
qui se foutait bien de ta gueule...
Tu voulais quoi ? Montrer quel petit homme cultivé et sensible tu étais ?
Que tu étais branchouille parce qu'a cette époque aussi la mode venait d'Angleterre?
Costes se fout de la mode et passe pour un Miso de première et pourtant
tout le monde sait qu'il nique autre-chose que sa mère !
Tu aurais pu prendre Costes à la loyal sur le style, ta connotation Proustienne,
le sensualisme, la dilation du temps,la réthorique et que sais-je?
bref sur des armes littéraire!
Mais toi,tu l'attaques sous la ceinture...Et on avait dit pas de coups bas!
Mais t'as quoi à prouver?
La vérité est que tu t'es pris un rateau par Antoinette,
une petite gamine gatée de la haute
et que depuis tu nous imposes en ton nom un vulgaire jeu de société
pour jeunes filles de bonnes familles victoriennes!Un jeu qui est devenu
une tradition de salon et qui désormais passe pour le summum de l'esprit français!
Le pire c'est que tu as persisté dans le vice et que tu as recidivé au point que l'on a retrouvé
Un manuscrit de tes réponses qui date de 1890 soit 6 ans après ces faits plus que regretable.
Oui parfaitement, on l'a retrouver en 1924 ,il est intitulé Marcel Proust par lui même...
Il a été vendu au enchère le 27 mai 2003 pour la somme de 102 000 euros!
Les preuves sont accablantes Marcel et tu as de la chance d'être mort, de t'être repenti
en devenant homosexuel et surtout d'être comme jean-louis Costes, un grand écrivain!
Tu resteras tant que je vivrais dans l'olympe de ma mythologie personnelle
mais il va falloir que tu acceptes Costes à l'heure du thé.
Tu as perdu parce que Costes lui ne triche pas...

Bravo Costes pour ton courage sans lui
je n'aurais pas pu édifier les masses...
Merci à Jean-Louis Costes him-self D'avoir Répondu à ce questionnaire de Prout...

Stanislas kazal

Je parie que Marcel Proust n'en restera pas là...
En attendant retrouvez Marcel Proust partout et en particulier à la bibliothèque municipale,
au cdi de votre bahut ou chez votre grand mère!


LA HORDE NOIRE (Webzine)

Aout 2006

Jean-Louis COSTES, le provocateur-né

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Costes en général

A: Pourrais nous faire une présentation de toi et de ton parcours en tant qu’artiste, et de ton passé artistique pre-Costes tel qu’on le connaît ?


J’ai commencé par jouer de la basse et des claviers dans des groupes de rock amateurs. Puis, insatisfait par le travail en groupe, dans les années 80, je me suis construit un home studio où j’enregistrais seul des musiques bizarres, puis des chansons mélangeant pop-rock et bruitisme industriel. J’ai sorti un premier disque en 1986 ("Secouez…crevez !") et commencé à tourner avec des opéras pornos-sociaux à partir de 1988. J’ai aussi réalisé des films à partir de 1991, et écrit régulièrement pour mon site internet et des revues indépendantes depuis 1997. En 2006, j’ai publié un roman (Grand Père) chez Fayard.

A: Comment est le Jean-Louis Costes de tous les jours ?

Chiant. Je bouffe, je dors et je bosse sans arrêt. Ma vie privée n’a rien d’excitant. Elle n’a pas grand chose à voir avec le chaos et la folie de mon œuvre. Finalement, pour créer du chaos, il faut être organisé ! Mais j’ai quand même un coté aventureux. De temps en temps je lâche tout et je me casse au fond de l’Afrique ou de l’Amazonie. Seul au milieu des bêtes sauvages, je me sens mieux qu’avec les hommes qui me font chier.

A: Comment définirais-tu ton travail d’une manière générale, que ce soit la musique, la littérature, et tes shows, il y a une unité, comment présenterais-tu  ton travail à quelqu’un qui ne le connaît pas ?

Vomir, chier, crier, c’est la base de tout. Transformer la haine, la frustration, l’angoisse en plaisir par la magie de l’art

A: Tes travaux artistiques sous le nom de COSTES, toutes formes confondues, te permettent-ils de vivre ? Comment vis-tu sinon, es-tu impliqué par ailleurs dans l’art ?

Jusqu’en 1998, je devais travailler pour financer ma musique. Depuis, j’arrive à survivre sans travailler, mais je vis comme un clodo. Pas d’eau chaude, pas de chauffage, pas de frigo, pas de télé, un seul slip et deux chaussettes. Mais la richesse est mentale et je vis mieux sans le merdier matériel.

A: La démarche de tes travaux tourne autour du corps, et du rapport au corps, en cela te sens-tu proche de cette fraction de l’art contemporain très axé sur le corps vécu?

Je hais à priori l’art contemporain. Je déteste le concept préalable à l’œuvre, je déteste les manifestes, les discours, les théories, et je crache sur les subventions. Tous les artistes contemporains sont des sales putes molles, à peine capable de sucer le ministre ou le maire et incapables de se faire enculer bien profond par un rebeu à Pigalle.

Il n’y a pas de différence entre le corps et l’esprit. Je suis un esprit prisonnier d’un corps qui triture sa queue en geignant. Et pas une pauvre pute de l’art contemporain qui « travaille sur le corps » comme si son esprit était un robot extérieur à lui-même, un PC poussif qui joue des films de cul .

A: Le sexe, la scatophilie, l’homosexualité, la pédophilie (subie), la frustration sont des thèmes récurrents de tes travaux ?

Ces thèmes et tous les autres. Manger du pain et des yaourts aussi est récurrent dans mon œuvre. C’est l’homme qui est récurrent. Bouffer, baiser, tuer, crever. C’est toujours le même truc depuis des millions d’années. Je suis récurrent comme le chimpanzé.

A: Qui sont les adeptes de Costes d’une part? Et qui pourrait représenter la relève ou la continuité de tes travaux d'autre part?

L’adepte type de Costes est le traître. Celui qui ne se sent pas tout à fait à sa place dans son groupe et le trahit en écoutant Costes au casque en secret dans sa piaule en se branlant. C’est le branleur, c’est le frustré, c’est le mal-looké. C’est celui qui baise pas, c’est celle qui a mal quand on la baise. Ce sont les loosers d’aujourd’hui mais les gagnants du futur. Aujourd’hui on rit de Costes et des Costiens mais vient le temps où ils seront la norme morale et esthétique.

Beaucoup de gens semblent inspirés par moi, tant en musique qu'en théâtre; Mais leur rage intérieure n’est pas la même. La vraie relève sera celui qui fera tout le contraire de ce que je fais. Il fera quelque chose d’inouï, d’inadmissible, de nul. Il commencera en bas et finira en haut. Il fera de Costes un ringard et l’enterrera


A: De quelles mouvances te sens-tu proche ou as-tu été proche (sens large : spirituel, politique, philosophique, artistique, etc)

Je suis totalement asocial. Je hais les groupes. Dès qu’il y a trois personnes dans une pièce, je fuis ou j’agresse. Je peux supporter deux personnes, à condition que la deuxième soit une fille facile à sauter et que j’ai envie de baiser. Alors me parlez pas de mouvances, de mouvements, de partis, de bandes de potes. J’aimerais les descendre tous dans un vrai jeu vidéo.

Costes et la musique:


A: Doit-on voir ta musique comme en avant tout des « sketchs », car on n’a pas là de la musique au sens courant du terme ? Comment présenterais-tu tes travaux musicaux ? Quelles seraient tes influences ?


Ma musique est vraiment de la musique et pas juste des bruitages de dessin animé. Mais c’est vrai que ma musique est visuelle. Toutes les musiques qui me plaisent doivent être visuelles, charrier des flots d’images. J’écoute, je ferme les yeux et je vois des batailles, des cadavres, des orgies et des enfants qui dansent sur les morts. Je joue de la musique et je vois encore des orgies de morts vivants. Alors sur scène, je danse comme un mort vivant. Ceux qui croient que c’est d’abord du texte et de l’action et que la musique est secondaire se trompent. La musique est le fondement de toute mon œuvre. Coupez le son, et j’arrête de bouger, de jouer, de crier, de chanter. C’est la musique qui fout en transe et transporte dans les mondes imaginaires plus réels que le faux réel.

A: Pourrait-on faire un tour d’horizon de ta discographie et des différentes thématiques dominantes de chaque album ?

Tu as fait un album très axé « racailles », comment faut-il le percevoir, surtout dans un contexte très actuel ?

Souvent mes albums ont des thèmes. Parce que, à chaque période de ma vie, un stress domine et m’inspire. que ca soit un CD sur une salope qui m’a jetté, ou bien un CD sur des racailles du quartier qui me font chier. Ca ne veut pas dire que je passe mon temps à haïr les filles ou à crever de trouille face aux gangs. Ca veut juste dire que le jour où j’ai fait cette chanson, j’étais amoureux malheureux ou sous-blanc persécuté. Mais demain je serai peut-être male blanc dominant.

A: L’album « œuvre au noir » est défini comme du « false death metal », il était même présenté par le label lors de la promotion comme une rencontre de Costes et du black metal ? Comment est né ce projet ? Parles-nous de cette collaboration avec Amortout ?


J’aime l’intensité mentale et tripale du black metal. J’en ai pas mal écouté avant de faire ce CD. Pour moi, « Œuvre au noir » est vraiment black metal, car je suis dans l’esprit de cette musique. Mais évidemment, pour les puristes du style, mon synthé casio avec une pédale distorsion remplacera jamais une bonne grosse gratte !


A: On sent parfois une certaine ironie par rapport à cet univers « dark », dans le cd mais aussi dans ton show « I love hate », tu évoques même à un moment les « soirées gothiques », lol ? Quel est ton rapport aux scènes dark (black metal, gothic, etc…) ?

J’ironise sur tout et d’abord sur moi même. Mais en vrai j’aime énormément certains aspect du gothique. Evidemment, le coté mode et look me fait chier. Mais j’y vois aussi une fascination pour le passé tribal et un authentique retour vers lui. Il y a une fulgurance dans le gothique et une profondeur qui défoncent toutes les idéologies du 20ème siècle prétendant construire l’homme nouveau. Le gothique ne croit pas à la révolution et se fout de la réforme. Il va chercher dans le passé le plus lointain la source de vérité et d’inspiration pour le futur. Et là, je suis gothique. Et même plus, je suis singe. Pour moi, le costume gothique ultime, c’est la peau de bête.

A: Connais-tu Eros Necropsique, une formation gothique dark, très centré sur le corps, avec une approche aussi bien poétique, que des connotations scatophiles, le groupe a d’ailleurs eu à ses débuts des procès pour atteinte aux bonnes mœurs ?

Non, mais rien qu’à entendre ta description, je veux les connaître tout de suite !

K: T'intéresses-tu au métal ? Connais-tu les libidineux RockBitch, ou les tarés de Gwar? Si oui, qu'en penses-tu?

J’aime certains riffs et rythmes, mais le coté farce superficielle me fait chier. Je préfère de loin le black metal ou le gothique. Je préfère le drame à la farce.

K: Globalement, combien as-tu vendu de copies de tes productions

Environ 30.000 par moi même depuis 1986. Pour les autres labels qui ont vendu des trucs de moi, je ne sais pas trop (en général ils tirent 500 ou 1000 copies d’un disque) Et Fayard a vendu pour le moment 10000 copies du roman « Grand Père ».


K: Tu es relativement connu au Japon : comment expliques-tu cela? Peut-être leur besoin de sentir le goût de la décadence ?


Il y a des gens qui m’apprécient dans tous les pays où existe une scène indépendante. Essentiellement, Europe, Amérique du nord, Japon. Je ne sais pas si les motivations des japonais fans de Costes sont vraiment différentes des fans d’autres pays ? Je crois que quand on m’apprécie, c’est plus au niveau individuel que collectif. C’est plus l’individu universel qui est touché que le citoyen national.

K: Quel matériel utilises-tu pour enregistrer ta musique?


Je mélange techniques analogiques et numériques. J’enregistre sur un mac avec cubase, mais peut repasser sur un magnétophone à bandes ponctuellement pour rendre le son plus chaud et utiliser le variateur de vitesse analogique. J’ai un piano, une basse, une guitare et divers claviers, un sampler, une boite à rythme, et des casseroles. Divers micros que j’utilise souvent simultanément pour grossir la voix. Et des racks d’effets.


A: Quel est ton public ?  Quel genre de personnes le compose ?


D’après ce que je vois dans les concerts, ce sont des gens entre 18 et 35 ans, venant de milieux créatifs ou curieux de ce qui se passe de nouveau. Des gens qui apprécient l’implication physique et mentale de l’artiste dans son oeuvre. Des gens qui se sentent proches de moi, de mes thèmes, de la manière de les aborder. Des gens qui aiment voir des queues, des culs et des chattes. Des gens qui aiment rire et pleurer. Voir et entendre. Des gens qui aiment en prendre plein les yeux et la tête. Des gens intenses. Des gens gentils capables de tuer. Des gens tolérants qu’il faut pas faire chier. Des gens bien quoi !  Si toute la société était comme les milieux indépendants (travail + passion), tout irait mieux.


Costes et ses Show porno sociaux:


A: Je te laisse nous présenter ton nouveau show « I love hate ». Quel est le cycle de vie d’un show ? Dans « I love hate », on retrouve des clins d’oeils à « Grand père » non ?

« I love Hate » est un one-man-show. De la musique entre mélodie et noise, des chansons et des actions. C’est l’histoire d’un mec qui attend anxieusement une fille. Elle finit par arriver mais il débande, et tout merde de pire en pire…

Un spectacle tourne en général un an en Europe puis 3 mois aux USA. A chaque tournée, je présente un spectacle complètement différent, nouvelle histoire et nouvelles musiques. En général on est trois ou quatre sur scène. C’est exceptionnel que je joue seul.

Oui, la fin du show a un lien avec le roman « Grand Père » : Le branleur moderne trouve son salut auprès d’un guerrier du passé…


A: Est-ce que tu as eu à souffrir de plaintes à cause de tes shows? Comment expliques-tu les accusations d’antisémitisme, apparemment il y a quelques années à Genève ?

J’ai eu des procès à cause de mes CDs, mais jamais à cause de mes shows. On m’a accusé de racisme à cause de paroles de chansons crues où je rentrais dans la tête d’un raciste. Certaines personnes confondent, ou plutôt font semblant de confondre la fiction et la réalité. J’ai eu un spectacle annulé à Genève en 1998 à cause d’un article de presse malhonnête qui me présentait comme… un groupe de rock skin-head d’extrême-droite ! ! !


K: Tes tendances homo et scato ne sont-elles pas dépassées, alors que Internet l'offre abondamment dans ses pages


Je vois pas en quoi des fantasmes pourraient être dépassés ? Est-ce parce qu’un chimpanzé a rêvé de se faire enculer la crotte à la préhistoire qu’on ne peut plus rêver de se faire enculer la crotte sur MSN ?


K: Que penses-tu du satanisme? Penses-tu le mettre en scène?


Je n’ai pas de fascination particulière pour le Mal, la violence, et Satan. Ca m’intéresse, mais la recette du couscous aussi m’intéresse


A: Quel est ton rapport d’une part aux religions et d’autres part à la spiritualité ? Quelle serait la « philosophie » de Jean-Louis Costes ?


Le catholicisme me fascine parce que j’y trouve le vieux paganisme sous le vernis chrétien. Mais je ne peux pas dire que j’ai la foi. J’aime avant tout le rituel.
Ma philosophie pourrait se résumer à cette devise « Meurs sans regrets ». C’est gravé sur un mur de la cathédrale de Toulouse.


A: Le déroulement de tes shows est-il prévu à l'avance ou l’improvisation est elle totale?

Les bases sont travaillées très précisément, mais c’est l’interprétation qui change tout. Je répète quotidiennement, très calmement. Mais une fois sur scène, je suis pris d’une transe hystérique, tout devient chaotique et je surfe sur la folie


A: Lors du show auquel j’ai assisté, j’ai senti une part d’improvisation et une interaction entre le public et toi ? Le public peut-il devenir acteur ? En même temps je sens une grande maîtrise générale ? Tes shows ont-ils évolué avec le temps dans leur forme et au niveau improvisation ?

Depuis 1988, les ingrédients de base de mes shows sont présents : scénario et musique, chansons et actions. Simplement aujourd’hui je maîtrise mieux le temps : les spectacles sont plus longs et mieux découpés, plus sophistiqués.

Oui le public peut monter sur scène s’il le désire et participer à l’action. Ca arrive souvent.

A: Quel genre de préparation mentale et physique te demande ces shows ?
Le stress est la meilleure préparation. Il me fait trembler les cuisses et me muscle. Il me fait compresser le cerveau et ça pète grave en montant sur scène.


T: Toi qui est passé chez Ardisson, que penses-tu de ce "socialo-royaliste" ?

J’aime beaucoup Thierry Ardisson. Je n’oublie pas que la première fois que j’ai joué à Paris en 1989, il était présent. C’est quelqu’un qui connaît bien et aime l’art underground.


T: Acceptes-tu d'être classé comme un "provocateur" ?


Non. Je ne me fous pas de la gueule du public. Je joue à l’heure, je me donne un maximum. Je fais ce que je crois nécessaire, ce que je ressens. On vit dans un monde tellement mou et médiocre que créer intensément et se donner à fond est ressenti par certains comme une indécente, insupportable provocation !

T: Quels sont les provocateurs passés ou actuels (s'ils en reste réellement…) qui ont grâce a tes yeux?


J’aime tous ceux qui sont montés nus et liés sur leur propre échafaud.


A: La provocation semble avoir été récupérée par le système, il semble que la provocation soit stéréotypée. Il me semble que tu as bien réussi à ne pas tomber dans le piège du provocateur récupéré.

Ca m’a été facile puisque je ne me rends pas compte que mon œuvre est provocatrice ! Comme la femme fatale, je comprends pas pourquoi on me hait !


A: Il semblerait qu’il resterait aujourd’hui toujours un domaine sensible, avec tout ce qui est en rapport à la seconde guerre mondiale par exemple, qui resterait tabou, les tabous sexuels étant tombés ? Qu’en penses-tu ?


Tout à fait d’accord. On peut s’enculer et se pendre par les couilles sur scène, pas de problème. Que les gens intelligents s’autodétruisent ne dérange pas les pouvoirs en place. Par contre, le sens dérange : S’enculer en criant « Heil Hilter ! » ou bien se pendre par les couilles en braillant « Mort aux… ! », c’est risquer de se prendre directement une balle dans la tête. Il y a des mots tabous, il y a une Loi, et gare à celui qui la transgresse.


Costes romancier:


A: Pourrais-tu nous présenter ton dernier roman « Grand Père »?


C’est un roman d’aventures trash et mystique. L’histoire d’un homme né en Russie en 1900 qui se retrouve happé par toutes les grandes tragédies du 20ème siècle. Il est cosaque contre les bolcheviques en 1917, puis légionnaire pour la France en Afrique dans les années 20, puis bagnard en Amazonie dans les années 30, et enfin collabo et magouilleur du marché noir pendant la guerre de 39-45… Il finira minablement sa vie bourré devant la télé à jouer au tiercé. C’est l’histoire de la mort des héros qui ont survécu à toutes les guerres mais furent bouffé à petit feu par la modernité de merde.

T: "Grand Père" est, à n'en pas douter, tiré de faits réels sur ton ancêtre… Si oui, es-tu fier de lui? Est-ce lui qui te pousse à être un provocateur social?


Je me suis inspiré de mon grand-père qui fut vraiment cosaque, légionnaire et bagnard. Mais j’ai inventé tous les détails de l’histoire car il ne m’a jamais parlé de son passé de tueur.

T: Cette histoire se complait dans l'inversion des valeurs morales et l'adulation de la crasse humaine. Les cosaques, les bagnards ou les légionnaires sont-ils des objets de fascination pour toi? Ou au contraire, un repoussoir?


L’humanité est crasseuse de nature. L’humanité n’est qu’un slip cacateux sur le cul d’un singe. La vie est fondamentalement meurtre et viol. Les valeurs morales sont des leurres pour piéger, exploiter et bouffer tout crus les naïfs.

Oui je suis fasciné par les cosaques, les légionnaires et les bagnards. Je suis un marginal frustré qui n’a jamais réglé ses comptes à coups de couteau et s’est contenté de pleurnicher. J’envie et j’admire les désespérés qui tuent avant de crever


T: Ta plume est alerte, vivante et parfois très fleurie ! Quels auteurs célèbres ont nourri tes lectures d'enfance et t'ont donné envie d'écrire ? Céline, par exemple?

J’écris en flux continu tout ce qui me passe par la tête, sans relire, sans corriger, sans censurer. Ce qui fait que la vivacité magique de la pensée reptilienne habite mon livre. Ce n’est pas moi qui écrit, mais la bête cachée en moi, et elle est particulièrement vive et cruelle.
Bien que j’ai beaucoup lu, ce ne sont pas les écrivains mais la vie qui influence mon œuvre.

A: « Grand Père » n’est pas ton premier roman, pourrais-tu nous présenter le précédent roman?

En 2003, j’ai publié un premier roman aux éditions Hermaphrodite : « Viva la merda ». C’est un road-roman trash et scato. L’histoire d’un couple qui sombre presque malgré lui dans la pire scatologie puis le crime.


T: Et quel style de lecture as-tu aujourd'hui? Quel auteur a grâce à tes yeux? Un Houellelbecq, peut-être?

J’ai beaucoup aimé « Les particules élémentaires » de Houellebecq. Mais je lis très peu actuellement car trop occupé à créer.


T: Qu'est-ce qui a pu séduire Fayard quand tu leur as présenté un roman si déjanté?

Le directeur éditorial de Fayard, Raphaël Sorin, est un grand passionné de littérature. Il suit tous les nouveaux auteurs qui apparaissent sur internet ou dans les fanzines. Il a aimé les nouvelles que je publiais sur mon site web et m’a proposé d’écrire un roman dans ce style pour Fayard.

T: Le livre " Grand Père " se vend-t-il bien, à la hauteur de tes espérances?

« Grand Père » se vend très bien pour un premier roman. Il a d’ailleurs été ré-édité à peine un mois et demi après sa sortie, et continue à se vendre régulièrement. Il est 13ème des ventes de littérature française dans le classement de fnac.com.


T: Finalement, qu'est ce qui fait courir Costes ? En d'autres termes, ton action répond surtout à quel mobile ? Altruiste (Réveiller le monde bien-pensant) ou oedipien (exprimer des frustrations intimes refoulées)???


Je ne suis pas altruiste. Je suis le pire des égoïstes. Beaucoup expliquent mon œuvre par des théorioes pseudo-freudiennes à deux balles. Ce que je fais est simplement l’art d’aujourd’hui, l’expression d’un individu qui se débat dans le monde du luxe diabolique et de la misère mentale. Ce sait que je fais de l’Art mais je ne sais pas pourquoi je le fais. Chaque jour je veux arrêter mais je continue. C’est une malédiction, une faiblesse, un péché… ou bien une mission divine que j’accomplis du mieux que je peux


A: A travers la provocation quel serait ton message, que cherches-tu à exprimer ? Le côté décadent mis en scène est-il là pour délivrer un message plus général?

Je n’ai aucun message, aucune esthétique et aucun concept préalable à la création. L’Art n’est pas la poubelle de la pensée où on jette les sandwichs socialistes-libéraux avariés. L’Art est un Mystère qui révèle. Et révéler de grands Mystères peut être une terrible provocation.


CINETRANGE

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Caca Bouffe Sexe et Gros Mots, c'est fini ou ça reviendra ?
Le scénario et la réalisation d‘Alice ont été faits avec Darline Monfort qui est aussi l’actrice principale. C est son influence qui m’a éloigné de mon style habituel. J’ai essayé de comprendre le personnage qu’elle interprète et de rendre son trip le mieux possible. C est l’histoire dune fille d’aujourd’hui qui vit par sms une histoire d amour ultraromantique. C est une histoire de fille, pas de mec. Je suis rentré dans la tête d une fille de 18 ans.

Qu'est-ce qui t'a donné envie de faire ce film si différent des autres ?
On a commence a travailler un scénario avec Darline pour un court-métrage. Quand on a commencé à axer l’histoire sur les sms, ça devenait tellement passionnant qu on en a fait un long métrage.
On a passé trois semaines sans dormir et sans sortir d’une piaule, à bosser jour et nuit sur le scénario car on a compris qu’on tenait un truc trop excellent. Et on a mis le maximum de nos moyens matos temps et fric pour le faire le mieux possible.

As-tu un portable ?
Oui et je reçois souvent des sms de filles qui me branchent amour et cul. Les sms comme le mail, les filles adorent. Ca leur permet de se lâcher et de tester les mecs tranquillement. Et c est l amour virtuel, beau comme un rêve de prince charmant.

Irréversible, tu penses vraiment que c'est un film commercial ?
Des acteurs commerciaux pour rentabiliser un film pas commercial dans sa conception. Un pacte avec le diable.

Dans le ciné "mainstream" un peu trash, quand il faut se mettre quelque chose dans le cul, on fait appel à toi. Est-ce que tu es fier ou tu souhaites changer de registre un jour ?
J’aime me mettre des trucs dans le cul, ça me fait jouir, mais j’aimerais aussi jouer un jour un rôle complet sur plusieurs scènes, pas seulement une scène trash sans développement psychologique.

SUD OUEST

Article LA CHAIR ET LA CROIX dimanche 9 avril 2006, p. 11

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Livre ouvert

Une fois qu'il eut peint une pipe, Magritte s'empressa de contredire son chromo par cette « légende » désormais fameuse : « Ceci n'est pas une pipe. » Figure centrale de l'underground européen, Jean-Louis Costes n'a cure, je l'imagine, d'inscrire ses désossages dans la tradition artistique, qu'elle soit surréaliste ou actionniste. Quand, sur scène ou dans ses vidéos, il pousse les portes de l'enfer, il le fait sans s'assurer une issue de secours. Il est tout à la fois toro et torero, plus proche de Mishima que de Breton ou de Debord. Il ne sous-titre pas. De sorte que ce « Grand Père », qu'il vient de faire paraître, n'est pas un « roman », quoi qu'en dise son éditeur, ni davantage un « récit », malgré son prétexte. L'histoire de cet aïeul arménien, indifférent aux uniformes que le XXe siècle lui imposa (un temps Cosaque, un temps légionnaire, mais toujours un sabre à la main), est un trompe-l'oeil. A ceci près que sous l'apparence trompeuse se dissimule le plus déchirant des aveux. Et donc le plus vrai. Ce n'est pas tant, en effet, un héritier de Cendrars qui joue ici le grand air de l'épopée, mais une sorte de Léon Bloy qui chercherait sa voie du côté de Sade et des traités de pathologie. Le scabreux n'est pas une posture chez Costes. Sous le tumulte obscène, sanguinolent, n'importe quel lecteur attentif percevra l'extase du mystique. Jadis la chose était habituelle. Le débauché entrait à la Trappe, et le barbare tombait en extase au pied de la croix. Moins aujourd'hui. Sans doute parce que les mièvreries de l'autofiction ont pris le pas sur les grandes turpitudes. Aussi, pour impie qu'il paraisse, « Grand Père », si drôle, si décapant par ailleurs, annonce le retour des Proses illuminées où l'auteur fait le sacrifice de sa raison et de sa chair dans l'espoir d'une rédemption. Le plus curieux, quand on me connaît, est que j'y sois davantage sensible qu'aux Plaidoyers pour l'athéisme du pauvre Onfray. C'est qu'en art ne nous guide que l'émotion. Pas le discours. A bon entendeur, salut !

« Grand Père », de Jean-Louis Costes, Fayard, 324 pages, 18 euros.

« "Grand Père" annonce le retour des Proses illuminées où l'auteur fait le sacrifice de sa raison et de sa chair dans l'espoir d'une rédemption »


SUD OUEST

Article ON Y ETAIT  lundi 13 mars 2006, p. 22

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« Ça ne t'excite pas que je publie un bouquin chez Fayard ? » hurle Costes à sa poupée gonflable. Seul sur scène, l'auteur de « Grand Père » performait après sa rencontre en librairie vendredi après-midi. Il s'accompagne d'une bande-orchestre aux bruitages prénarratifs, d'un minisynthé et de divers accessoires. Se pointe en peignoir, finit à poil comme toujours. Le thème du soir tourne autour de l'amour, qui le laisse seul, triste et incapable de partager quelque plaisir avec une femme : « Parce que je suis un pédé secret », chante-t-il, d'une voix aussi tordante que touchante. L'assistance se révèle hétéroclite, du punk à crête qui bouscule la scène au rédac-chef de « Spirit », en passant par un DJ spécialiste du mix indien. Tandis que la carte de L'Heretic démarre à 50 centimes d'euro pour un sirop ; bon esprit !

La Mauvaise Réputation tient un stand des productions de l'artiste complet : vidéos, CD, bouquins, dont le premier, « Viva la merda ». L'excrément reste un élément qu'il continue volontiers à manier, comme le ciseau qui lui sert à mimer une coupe en règle de son sexe, qui va gicler le sang grâce à une poire dissimulée. Et ce, au milieu de représentations en carton, tels animaux familiers, paternel/Odin orné d'une guirlande électrique, qui lui servent d'interlocuteurs dans sa story tonique et fun, tant elle exorcise. Celui qui va bientôt passer chez Ardisson a un clin d'oeil savoureux : « Pour l'after, on va aller à la soirée gothique, pourquoi tu me veux pas ? J'ai mon costume de chauve-souris ! », lâche-t-il, un bébé en plastique sur le front, dans un état gore. Rapporter paraît bien peu, comparé à la bonne énergie hardcore qu'il transmet.

Patrick Scarzello

Jean-Louis Costes, vendredi dernier, à L'Heretic de Bordeaux.


SUD OUEST

Article PREMIER ROMAN ULTRA COSTIQUE, vendredi 10 mars 2006, p. 22

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LITTÉRATURE. Outre la performance qu'il donnera le soir, Jean-Louis Costes vient à Bordeaux pour la sortie de « Grand Père », son premier roman au souffle épique

Que Costes, « roi de l'underground », soit un sacré auteur, on n'en a jamais douté. Et même sans avoir lu « Viva la merda », le dynamiteur se distinguait discographiquement. Des premières cassettes faites main dans les 80's, jusqu'aux CD si nombreux que la liste étourdirait, le performer s'est imposé au-delà du singulier. Capable d'écrire des opéras destroy d'une féroce sincérité, « NTM FN » par exemple, où sa façon de moquer les rappers demeure d'anthologie. La belle occurrence est son entrée en littérature, là où Raphaël Sorin, son éditeur, repérait dès les 70's les hautes plumes punks.

Tonique. De la couverture évocatrice, au fil stylistique tendu derrière l'apparent morcellement télégraphique, ses 323 pages ragaillardissent. Costes fait du super-Costes : viscéral et véridique au possible dans cette story explosée de son « Grand Père » (1). Il régale d'images et de trouvailles aussi fraîches que constellées d'horreurs; avec une langue inédite d'aujourd'hui. Il aurait pu ne raconter que l'histoire de Garnick l'Arménien, né en 1900, qui traverse révolution bolchévique, Europe, Nord-Afrique et Guyane. Cela aurait été un bon bouquin épique. Mais il va plus loin, se met en scène aux deux tiers, et renverse le feu roulant. Ceux qui évitent ses shows « porno-sociaux » de peur de se salir, mesureront-là sa vivacité, dada-célinienne peut-être, assûrement ultra-Costique !

(1) Editions Fayard, 18 euros.

Rencontre à 18 h à la Mauvaise Réputation (19, rue des Argentiers); performance à 21 h, à l'Heretic de Bordeaux, (6 et 8 euros)


TAWATH WEBSITE

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- On vous connait depuis longtemps pour vos chansons et vos opéras. Moins pour vos textes…

Costes Jean-louis J’écris régulièrement depuis 1997. Des textes courts que je publiais sur mon site internet. Je croyais que personne ne les lirait. Mais ça a plu. D’autres sites et des revues littéraires indépendantes, comme Cancer, Hermaphrodite, Bordel… m’ont demandé d’écrire pour eux. En 2001, j’ai écrit un premier texte long, “Viva la merda”, qui ressemblait plus à un scénario de film qu’à un roman. Hermaphrodite l’a publié. En 2005, David Kersan m’a présenté à Raphaël Sorin qui m’a proposé d’écrire un roman pour Fayard : Grand Père.

- C’est étonnant qu’un artiste aussi underground que vous soit signé par une grand maison d’édition.

Costes Jean-Louis: Je suis le premier étonné. Depuis vingt ans, je suis habitué à m’auto-produire et n’ai jamais eu un contrat avec une grand maison de disques, ni même de manager pour les tournées de mes spectacles. Pour mes textes, il y a eu un concours de circonstances extraordinaire. David Kersan a eu assez de foi en ce que je fais pour convaincre un grand éditeur. Et Raphaël Sorin de Fayard a eu le courage et l’ouverture d’esprit de publier un auteur considéré, même par ses fans, comme ne faisant pas assez de concessions pour sortir de l’underground.

- C’est vrai que vous abordez souvent des thèmes sulfureux, avec un style cru et violent qui peut choquer. Avez vous dü vous censurer pour que ce livre soit publié ?

Costes Jean-Louis: J’ai écrit le livre à ma façon sans me brider. Je ne peux rien créer de bon si je me fixe des limites esthétiques ou morales. Je n’excelle que dans le chaos. Je ne nage bien que dans la tempête. L’éditeur n’a demandé aucune censure du roman. Il a simplement proposé des modifications ponctuelles du texte dans le but de l’améliorer.

- On peut donc s’attendre à du pur Costes, trash, violent, choquant à tout va…

Costes Jean-Louis: Le livre est très violent car c’est l’histoire d’un homme pris dans les grands massacres du 20ème siècle. La violence de mon style correspond à la violence de l’époque. Mais parfois, au milieu de tous ces crimes, surgit un moment de paix, d’amour, et même de mysticisme. Des miraculeux répits que j’exprime aussi. Il y a bien des fleurs qui poussent sur la merde…

- Vous avez souvent dit que les textes de vos chansons étaient largement improvisés, sans que vous sachiez à l’avance quel thème serait traité? Es-ce aussi le cas pour votre roman? Avez vous suivi un plan précis?

Costes Jean-Louis: Mon expérience de la chanson influe certainement sur mon écriture. Je ne sais pas à l’avance de quoi je vais parler. Mon seul plan est de me conditionner pour entrer dans un état proche de la transe, en m’isolant complètement, en ne mangeant et ne dormant presque plus. La solitude et la faiblesse ouvrent un porte secrète dans ma tête. Je plonge dans un tunnel mental. Une voix me parle et je n’ai plus qu’à transcrire ce qu’elle me raconte. J’écris à toute vitesse, sans relire. Que ça soit bon ou mauvais n’est pas important. L’essentiel est de laisser jaillir librement le flux mental. De ne surtout pas chercher à le canaliser. Je fixe sur le papier tous les mots qui me viennent, nuit et jour, jusqu’à ce que je tombe épuisé. Et quand je me réveille, je recommence. Au bout d’un moment (six semaines pour Grand Père) le flux se tarit, la voix se tait. Je n’ai plus rien à écrire et le livre est fini. Mais il s’agit d’un livre incommunicable, le charabia incomprehensible d’un sorcier. Mon travail consiste alors à élaguer et reconstruire ce délire pour le transformer en roman accessible à tous, avec une histoire et un style simple. Avec 1500 pages d’un flux hallucinant de mots, je fais un roman de 300 pages.

- Si vous n’avez pas de but précis quand vous écrivez le premier jet, quelle est votre intention quand vous reconstruisez le texte initial ?

Costes Jean-Louis: Je veux communiquer les émotions les plus fortes dans le style le plus concis et percutant possible. Que le lecteur plonge dans le roman comme dans un excellent film d’aventures physiques et mentales. Que lire soit vivre une aventure. Comme un spéléologue qui aménage la grotte secrète, je crée des escaliers et des passerelles, j’éclaire l’abîme mental pour en permettre la visite. Je suis le guide du voyage mental.

Costes on adore ou hais mais on ne reste pas indifférent,un génie débile et dérangeant


LA RAGE EN DEDANS

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Un nom comme un mot de passe. « T'as déjà vu Costes ? » Oui, même une fois dans sa vie, on s'en souvient. Des cris, du sang, de la merde, du sperme, sur scène, vraiment. Depuis 1986 à Paris, des arrières salles de Belleville disparues au Point FMR, la semaine dernière. Aujourd'hui, Jean-Louis Costes a 52 ans, reste toujours aussi sec et fauché. Papa d'une fillette, il habite à Saint-Denis. Il a quarante disques au compteur, des opéras et des fans au Japon. Un habitué raconte : « Son public, au début, c'était les bas-fonds. Punks, skins, clodos, tous bourrés, balançant des cannettes et lui qui continue de chanter. »

Pourquoi en parler aujourd'hui ? Parce que, contre toute attente, Costes publie chez Fayard. Grand-père, une fresque sur un papi arménien, Cosaque sabrant les moujiks dans la steppe, légionnaire décimant les Berbères, prisonnier à Cayenne finissant dans une HLM de banlieue à taper sur sa femme. On n'a rien lu de pareil depuis des lustres, avec une langue charriant l'argot, l'histoire, la misère. Oui, Céline, on y pense forcément et aussi difficile soit la comparaison, le livre, condensé de « 1 000 pages écrites à voix haute dans ma cave », soutient le choc : « Mamie bossait chienne femme de ménage chez les bourges du premier étage. » Les influences ? Expressionnisme allemand, rap et livres d'explorateurs.

L'hurluberlu vient d'« une famille coercitive où un père colonel nous apprenait à mâcher correctement ». Plus tard, lycéen en blazer, il ne décroche pas un mot de l'année et dessine des suicidés. Il se sent hors jeu : « Quand un mec buvait un Coca, j'avais l'impression d'assister à une orgie. » Au fil des ans, il obtient tout de même son diplôme d'architecte et trouve l'énergie de traverser le Soudan à pied. A la ville, il parle avec douceur autant qu'il hurle ailleurs. A chaque fois, on retrouve le mal, « seul sujet véritable de l'art et force que nos générations ont tue ». Mais aussi une lignée, celle des oubliés sur qui la société marche : « Les vieux, les immigrés, les clochards, je me sens proche de ceux qui se sont chiés dessus et dont on s'éloigne dans le métro. » Les chercheurs ont raison, les bas-fonds regorgent d'or.

Arnaud Sagnard

Jean-Louis Costes, Grand-père, Fayard, 324 p., 18 e.

 John B. Root, réalisateur de films X « Je ne peux le regarder ou l'écouter qu'à dose homéopathique, sa rage me terrifie. C'est pourtant un cri salutaire. Il est parfois pris au premier degré et ça se retourne contre lui, il a alors des ennuis avec la justice. Pourtant, il est l'exact inverse d'un raciste, il est d'une profonde délicatesse. » Virginie Despentes, écrivain « Dans les années 1980, ses cassettes étaient tellement à contre-courant, inspirées. Sur scène, je le voyais entouré de filles qui n'étaient pas des “impostrices” de l'outrage. Je l'ai fait tourner sur Baise-moi, il était parfait. Ses textes m'impressionnent encore plus. »


COSTES: LE BORBORITE CONVULTIONNISTE

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Arrêtons de tourner autour du pot : Jean-Louis Costes est un des plus grands écrivains catholiques de France. Car un écrivain catholique aujourd'hui, c'est un enfant septénaire dont l'âme entièrement livrée aux répugnances sociales pressent violemment la voile de l'Apocalypse lui tarauder l'entendement. Au-delà des classiques adversaires de Costes : l'antibiblique enragée UEJF, les monceaux d'humanitaristes progressistes, les fumeux rebelles de gauche collés par la crasse à leurs sqatts fongueux... en ligne de fuite de cette troublante perspective quadrillée d'individus haineux et profondément racistes, se dresse un seul véritable Ennemi, quintessence et annonciateur de tous les autres : le Concile de Nicée I. C'est en l'an 325 que Costes et tous les véritables catholiques de l'époque furent illuminés de l'intérieur, et se réfugièrent instantanément dans l'Invisible pour échapper à la lourdeur drapée de Saint Paul. C'est l'amour qui fut - et reste à jamais - leur moteur. La preuve de ceci se trouve à chaque page de la catéchèse costienne dénommée Viva la merda. Gueuler "Viva la merda!", c'est dire merde aux anarchistes. (...) Si Costes se couvre le visage de boue et d'excréments sur scène, c'est parce qu'il sait que l'homme a été créé à l'image divine, et qu'il convient de déguiser le visage de Dieu. Sa résolution inébranlable est de fonder une Eglise véritable, mystique et invisible, corporelle et vibratile, dangereuse et violente, sexuelle et iconique, marine et métachristique, merdeuse et virginale, une Eglise qui saurait nous rappeler qu'à l'instar de nos ancêtres paysans, nous pouvons nous aussi redevenir des nègres.


LA PRESSE LITTERAIRE n°4

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Avec son nouveau roman, Jean-Louis Costes fait une « entrée fracassante » dans le monde des lettres. C’est en tous cas, ce qu’annonce son éditeur, Fayard. Vraie figure de l’underground, Jean-Louis Costes n’en est pas pour autant à son coup d’essai. Auteur d’un premier roman, dans une maison d’édition assez originale, Hermaphrodite, intitulé Viva la merda, Jean-Louis Costes signe cette fois-ci un ovni dans le paysage littéraire, un étrange objet littéraire qui réveille un monde qui semblait jusqu’ici, s’être endormi. Un vrai style (entre Céline et Bukowski) et une dimension d'écrivain. Son passé d'artiste est déjà long, et sa rage d’écrire confirmée.


Grand-père
est un ouvrage qui affiche la mention « roman », mais inutile de dire que dès l’incipit, vous annoncez la couleur : « Je m’appelle Jean-Louis Garnick Philippe Costes. Garnick, parce que mon grand-père s’appelait Garnick Sarkissian. »[2] Alors, évidemment, première question : pourquoi « roman » ? Seconde question : quelle est la part de fiction, et quelle est la part autobiographique dans votre nouvel opus ?


J’ai vraiment eu un grand-père qui s’appelait Garnick. C’était un immigré arménien qui avait subi les pogroms, puis été cosaque, légionnaire, bagnard et collabo. Mais je n’ai aucun détails sur sa vie, car, quand j’étais enfant, il n’était plus qu’un vieillard qui se bourrait devant la télé et ne parlait jamais. Alors j’ai fermé les yeux et j’ai deviné toutes ses aventures à partir de ces 4 mots : cosaque, légionnaire, bagnard et collabo. Ces 4 mots magiques faisaient d’emblée de lui un personnage romanesque. Et le mystère qui l’entourait a stimulé mon imagination


Ce qui frappe d’emblée dans votre nouveau roman, c’est la gifle que nous inflige le style. Il faut bien le dire, - qui pourrait le nier ? - vous réinventez la langue française, vous la secouer, vous inventer une nouvelle musique. A croire que vous vous êtes inspiré du génie de Céline pour bâtir un style qui vous est propre, et qui secoue les tripes. On sait, puisqu’on parle de lui, que Louis-Ferdinand Céline mettait le style au premier plan, accusant les histoires de n’être que secondaires : « des histoires, il y en a plein les commissariat, plein les journaux, plein les hospices. Mais un style vous n’en trouvez qu’un ou deux par génération », disait-il. Votre avis sur la question ?


Il est vrai que les histoires humaines sont toujours les mêmes. C’est la manière de les raconter qui est essentielle. Je plonge dans un livre, absorbé par les mots, les images et les émotions qu’ils font surgir. Comme en musique, l’interprétation prime sur le motif.

Mon style ne vient pas d’un travail de l’écriture mais de ma manière particulière de créer : Je m’enferme dans une cave noire et n’en ressort qu’une fois le roman terminé. Je voyage à l’intérieur de moi-même jusqu’à ce que j’ai trouvé ce que je cherchais, et le ramène à la lumière. J’écris nuit et jour, sans aucun contrôle sur l’histoire ou le style. Je ne sais pas de quoi je vais parler. Je ne me censure jamais. Je ne corrige rien. Je ne relis pas. C’est un état de transe. Je me balance, je parle à voix haute, et je note fidèlement tout ce que cette voix me dicte. Ce que vous appelez mon style et la manière de s’exprimer de la voix intérieure.
Quand elle s’est tue, je me suis réveillé avec 1000 pages, un flot continu de mots. De ces mille pages j’ai extrait un roman : Grand Père.
C’est un livre grandiose qui me dépasse. Je peux dire que je l’admire car je n’en suis pas l’auteur. Je suis juste le médium.


Votre style, fluide, direct, sans concession, est tout au service d’une dénonciation des barbaries de la guerre, des révolutions, des génocides, des cruautés des sociétés civilisées. C’est l’énergie du désespoir. Cette petite musique assourdissante, c’est l’énergie du chaos. Est-ce à dire que votre vision du monde est des plus pessimistes ?


Je n’exprime aucune opinion personnelle. Je ne dénonce rien. J’écris, c’est tout. C’est la voix intérieure qui décrit ces batailles, ces massacres, ces viols. Je ne suis pas sûr qu’elle dénonce. Car la littérature se fout de l’idéologie et de la morale. C’est une pratique magique. C’est une aventure intérieure qui éclaire avec une effarante puissance tous les recoins sales et cachés de la réalité. C’est pour ca que ça choque et émeut : On lit Grand Père et on se retrouve face aux génocides niés et aux ancêtres oubliés. Face à la beauté cachée sous le crime.


Le vingtième siècle a été le siècle des idéologies des massacres de masse, de l’industrialisation de la mort, il suffit de lire votre roman pour s’en convaincre. Le style, jamais bridé, jamais sec, chante, si je puis dire, les pogroms, les viols, les meurtres à grande échelle, l’essence de la grande folie humaine qui a sévit durant ce dernier siècle. Mais derrière tous ces crimes à grande échelle, derrière votre grand-père qui est pris, parfois bien malgré lui, dans ce tourbillon de crimes et de barbarie à grande échelle, pointe des moments d’accalmie, quelque fois même, l’espoir d’un peu d’amour entre les hommes. Cela voudrait-il dire que vous croyez encore en l’espèce humaine après tout ça ?


Je ne crois pas à l’espèce humaine supérieure à l’animal. Mais j’ai pitié de l’homme, pauvre sous-singe perdu. L’homme, handicapé malfaisant, bardé de ses prothèses technologiques, est émouvant comme un enfant maladroit. Comme à l’enfant qui tue innocemment, je pardonne les crimes commis sans calcul. Je pardonne la colère et le rut incontrôlés de celui qui souffre et tue, plus que le froid calcul de celui qui s’enrichit des crimes et supplices des autres. Je n’aime pas les hommes mais leur dignité et leur beauté, même dans le plus rend malheur, me touche et m’inspire.


Ce grand-père que vous décrivez avec beaucoup de tendresse et d’amour, après avoir été cosaque, puis légionnaire, enfin bagnard, se retrouve collabo durant la Seconde Guerre mondiale. On a l’impression que son destin est tout tracé. Qu’il est prisonnier même de ce chemin qui l’emporte, incapable de se dégager d’une destinée ivre et cruelle qui l’enferme dans la violence et la barbarie. J’imagine que ce n’est pas un argument pour vous assez suffisant pour disculper les hommes, comme votre grand-père, de ce qu’ils ont commis, mais pensez-vous par là, que certains hommes ont été, comme cela, prisonniers de la grande hache de l’Histoire, et que ce destin « maudit », assez affligeant, il faut le dire, doit être dénoncé par l’art et le roman, pour qu’il ne puisse plus se répéter ? En bref, croyez-vous à cette phrase de Louis-Ferdinand Céline : « L’histoire ne repasse pas les plats » ?


Un homme né en 1900, qui a eu toute sa famille massacré a 15 ans et s’est retrouvé plongé malgré lui dans tous les pogroms et guerres du 20ème siècle, ne peut être considéré comme coupable. L’Histoire féroce l’a emporté en 1915 et l’a lâché en 1945, estropié physiquement et mentalement. Trente ans de folie collective ne peuvent être imputés aux malheureux pris dans ce tourbillon. Ils ont tués des millions d’hommes pour survivre, et ont payé leurs crimes de la manière la plus atroce : après trente années de guerres, trente années de bagne, bourrés devant la télé, à crever à petit feu dans le mépris général et le dénuement le plus total. L’art n’est pas là pour dénoncer inutilement la roue aveugle de l’Histoire, mais simplement pour magnifier notre misère. Lire un beau livre d’aventures tragiques est un grand plaisir.


Le style. Revenons une dernière fois au style. Vous inventez une musique. Pas des plus lisses, ni des plus consensuelles. Vous ne faîtes décidément aucun cadeau au lecteur. Hachée, décalée, déstructurée, la langue est réinventée pour chanter la barbarie, les crimes, la violence, le sexe, l’inhumain. Quelques emprunts à Céline (désormais entrés dans le style de la seconde moitié du vingtième), l’absence de négation dans les phrases par exemple, une distorsion de la grammaire, et un langage des plus cru, maniés avec un plaisir féroce, non de choquer le « bourgeois » -qui semble vous indifférer violemment -, de marquer votre lecteur, de graver dans le marbre cette terrible randonnée meurtrière et barbare. Sans vouloir sombrer dans cette tendance facile aux étiquettes, on peut parler à votre propos d’écrivain « trash ». Mais plus encore, vous êtes habitué aux performances crues et violentes sur scène, qui ne respectent aucun tabou : ce roman, est-ce pour vous le prolongement de cette logique, ou au contraire, la signifiance même d’un style si dérangé, d’une musique aussi étourdissante, est-elle d’un tout autre ordre ?


J’ai fait beaucoup de musique, et improvisé des milliers de textes sur cette musique. Cela a certainement influencé mon écriture. On sent un rythme sous-jacent quand on me lit qui pulse, comme un battement de cœur qui commande aux émotions. Ce n’est pas la rime, loi rigide de la poésie, ni un remake du langage parlé. Ce que vous appelez mon style, c’est juste la vibration de la pensée qui parle. Sans détours, sans égards, sans bonnes manières. Je pense ça, donc j’écris ça. Et tant pis si ça plait pas. Et en plus ça plait. Ca fait jouir de pouvoir lire dans les tripes de la tête d’un écrivain.


Au milieu de tout ce désordre, il y a un enfant : vous ! Il observe, il pose des questions, il écoute. Il s’interroge : « Bon-Papa était-il nazi ? Bof, je crois pas… C’est pas parce qu’il a fait « Heil Hitler ! » à une tourelle de Panzer qu’il a la carte du parti ! Il en avait rien à foutre des idéologies. La seule politique de valable pour lui, c’était de tuer pour survivre. »[3] N’est-ce pas finalement une appréhension du monde la plus désenchantée ? Tuer pour survivre, suivre les idéologies les plus meurtrières pour sauver sa peau… peut-on avoir encore un peu d’espoir en l’homme, après ça ?


Au contraire, ca me rassure de croire qu’il y a des hommes qui sont restés indifférents aux idéologies, même aux plus follement exaltés moments du 20ème siècle. Des gens qui ont su garder le bon vieux bon sens du singe. L’instinct de conservation me paraît bien plus sain que tous les beaux discours et bonnes intentions. Sauver sa peau, le temps de se reproduire, et crever. Voilà un programme qui me plait.


D’après vous, quel avenir cet enfant peut-il avoir après avoir entendu raconter tout ça ? Vous écrivez : « Le bébé a l’air innocent comme ça, mais au fond il est contaminé. »[4] Peut-il ensuite avoir une vie normale ? Pensez-vous que le mal ne se transmet pas ? Je vous cite encore : « J’ai craché sur mon grand-père immigré. J’ai eu honte de lui et nié descendre de ce clodo alcoolo. Non ! Je ne suis pas le petit-fils du vieux qui pue la pisse. Non ! Je ne mourrai pas dans ma merde comme lui. Non, non et non ! Je ne suis pas l’enfant du pogrom qui plombe. Oui ! Je m’échapperai et j’oublierai tout ce passé pourri. »[5] La question que j’ai envie de vous poser, c’est : est-ce seulement possible ? Derrière le déni de la filiation, ne peut-on pas finalement lire une aliénation, ne serait-ce que par l’amour qu’il voue à ses parents ? Car après tout, cet enfant, horrifié par une telle Histoire, tant de massacres et de malheurs, craignant d’être contaminé par tant de saloperies salement faîtes, comme on pourrait être contaminé par la peste ou le choléra, derrière cette angoisse légitime, n’y a-t-il pas un enfant qui souffre pour son grand-père et qui lui hurle son amour ?


Je me sais lié à mes ancêtres par le Mal. Le Mal qui les a fait s’entretuer, qu’ils m’ont transmis, et qui me fait m’auto-détruire, puisque j’ai vécu à une époque incapable d’affronter un ennemi extérieur. Je suis né maudit, pollué par le péché originel et seule la mort me délivrera…

A cet instant vous me révélez que je suis aussi lié à mes ancêtres par l’Amour. Ca ne m’était pas apparu en lisant le livre, et je vous remercie de m’en faire prendre conscience. Sous tous les crimes, maintenant je vois clairement l’Amour frustré que vous me montrez. Il pleure silencieusement, ne fait pas de reproches et attend éternellement en vain. Donc, après ce roman de vie, c’est à dire de massacres, c’est à dire de mort, je vais écrire un roman d’Amour, c’est à dire un roman sur l’Eternité, un roman dans le Ciel.


Je termine : parlons de vous ! Vous avez commencé dans l’underground, par la création d’opéras socio-pornos. En parallèle, vous écriviez de courts textes mis en ligne sur votre site Internet, ce qui a séduit des revues comme Cancer, Bordel, ou des éditeurs comme Hermaphrodite. Aujourd’hui vous venez de faire votre entrée par la grande porte de Fayard. Cette entrée, c’est en définitive la sortie de l’underground, et de ce que vous avez toujours été jusqu’ici, non ? Ne pensez-vous pas que pour continuer dans le monde actuel des lettres françaises, il vous faudra tempérer votre style, aligner votre fougue sur le « politiquement correct » qui semble de rigueur parmi tous les « gensdézartzédeslettres » dont vous ferez peut-être bientôt partie, ou au contraire, pensez-vous que l’alternative à tant de mauvais romans qui pullulent et anesthésient la production française du moment, c’est ce style de romans ? Difficile question, j’imagine. 


Je m’enfoncerai toujours plus en moi-même, sans répit, jusqu’à ce que je trouve la sortie. Mes livres seront les scories sorties de ma mine.


SUTTER CANE BLOG

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SC - Peux-tu nous parler de tes projets en ce moment?
JLC -
Je tourne avec l'actrice Lisou Prout dans un nouvel opéra porno social. Nous tournons jusqu'en janvier en Europe, puis février-mars aux USA et avril au Canada. Je viens de proposer nouveau roman à Fayard et attends leur réponse.

 SC - Peux-tu nous parler un peu de ton nouveau spectacle?
JLC -
Il y a à peine une histoire tant elle est banale : un garçon et une fille se rencontrent, flirt, sexe, enfant, embrouilles de la vie, la trame est banale mais c'est notre manière de jouer et la musique qui font que ça rend très spécial. Le seul truc pas inattendu dans l'histoire, c'est qu'a la fin Dieu les envoit en enfer.

 SC - Sens-tu une évolution dans ton travail quand tu regardes tout ce que tu as fait ?
JLC -
Je ne sais pas si j'évolue. Probablement oui, comme le vieux lierre, il grimpe toujours de la même manière mais toujours plus haut.

 SC - Tu as pas mal été sur le devant de la scène pour la sortie de "Grand-Père", tu as été médiatisé comme jamais. Quel avis as-tu à l'égard des médias ?
JLC -
Les médias ne sont pas a l'origine de ma réputation. Ils ne font que suivre de l'extérieur un phénomène qui s'est construit dans la scène indépendante. J’apprécie que les médias parlent de moi, en bien ou en mal, car ça fait connaître mon oeuvre au-delà du cercle restreint des passionnés d'art et musique.

 SC - Musique, vidéo, spectacles, y'a-t-il un domaine que tu favorises le plus ?
JLC -
La musique est à l'origine. Du concert est sorti le spectacle. Du filmage du spectacle est sorti la production de films de fictions. Les textes de chansons et scénarios de films m'ont mené à la nouvelle, au roman et les attaques contre moi, au pamphlet ! Pour me défendre.

 SC - Tes spectacles sont-ils bien reçus partout où tu vas ?
JLC -
Bien sur que non. Des fois je me fais jeter au bout de 5 minutes. Le plus fréquent est un mélange d'enthousiasme et de détestation. Le même soir, face au même spectacle, certains adorent et d'autres détestent.


ARTE-TV

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Rencontre avec l'artiste Jean-Louis Costes à l'occasion de la tournée de son nouvel opéra porno social, « Les Petits Oiseaux Chient » (avec J-L Costes et Lisou Prout).

On va débuter par une présentation sommaire… Ça fait une vingtaine d'années que tu es actif dans le milieu indépendant/underground. Tu as commencé par la musique, ça a évolué en « Opéras pornos sociaux », présentés en France, en Amérique, au Japon. Tu fais des films en vidéo, tu es à l'occasion comédien au cinéma (« Irréversible », « Baise-moi »). Il y a aussi ton site internet qui t'a, entre autres, amené à faire des livres (on est venu te chercher) : « Viva la merda » (2001, Hermaphrodite) et « Grand Père » (2006, Fayard). Tu travailles énormément, tu voyages beaucoup, pour raisons professionnelles ou autres : est-ce que tu as le temps de regarder la télé ?

J-L Costes : Non, pas du tout. Ce qui fait qu'il y a des émissions que je n'ai jamais vues, même avant d'y participer. Ce n'est pas que je sois contre l'objet télé… Enfin… J'ai évidemment un gros doute sur des talk-shows que parfois je vois quand j'allume - j'ai une télé pour enregistrer des vidéos. Donc, des fois, j'allume et je vois des mecs qui ricanent nerveusement en parlant de trucs drôles, assis autour d'une table. Pour moi c'est comme une vision de l'enfer et des démons. Je trouve que ces gens sont pires que le pire film de violence. Ça me fait peur. Mais je ne connais pas la télévision : simplement parce que je n'ai pas le temps. C'est pas par préjugé. Juste pas le temps. Et pas le temps d'écouter de la musique, de lire des livres. J'ai toujours l'impression, si je m'assois… « Ouais, mais j'ai pas encore fait ça, ça… ». Parce qu’un artiste indépendant doit tout faire. Je fais tout, l'administratif, envoyer un paquet, réparer la caisse. Ce qui fait que plus je travaille, moins je suis créatif d'une certaine manière. Par excès d'intendance. C'est ça qui m'empêche de me cultiver.

Et un cycle de cinéma trash sur Arte, ça t'évoque quoi ?
J-L Costes : Un cycle trash où je ne suis pas, pour moi, n'est pas légitime. De base. Une expo sur les performances trash à Paris, au Palais de Tokyo, qui se donne un look de squat et s'appelle trash et je ne suis pas dedans : ça n'est légitime pour personne. Ce n'est pas parce que je suis mieux qu'eux mais je suis sûrement celui auquel on colle la plus grosse étiquette "trash". À tort ou à raison, car, pour moi, "trash" ne veut rien dire. Ce qui compte que les films soient bons. Avec des fleurs ou de la merde. L'étiquette trash, ça me paraît très douteux.

Est-ce que tu as vu certains des films annoncés dans le cycle ?
J-L Costes : Ah oui, j'ai vu ça (La fiancée de Dracula, diffusé le 25 janvier). C'est bon, ça. C'est vrai que je connais Rollin… Le mec, il ose franchement. Quand il a envie, même s'il n'a pas les moyens, il fait quand même la scène. Avec les effets qu'il peut mais il le fait et on comprend le film. Je trouve ça génial. Jean Rollin, je l'apprécie à cause d'une manière de faire, il y va carrément.

En laissant de côté le côté réducteur de l'étiquette, est-ce qu'il y aurait un film que tu pourrais conseiller dans le cadre d'un cycle trash ?
J-L Costes : Je ne suis pas assez connaisseur… Peut-être Les religions sauvages, du Dernier Cri. Un excellent film très rarement programmé.

Est-ce que tu continues à faire des films ? Où sont-ils projetés ?
J-L Costes : J'ai trop de travail avec la musique et je fais moins de films. Mais en 2006, j'ai fait huit courts-métrages. Pour le cinéma indépendant le gros problème n'est pas la production (faite avec les moyens du bord) mais la distribution. J'ai fait une fois un film, Alice au pays des portables, où j'avais trouvé un distributeur. J'ai tout fait dans les règles. Mais avec le CNC, même si t'as vraiment fait un film d'auteur français, et c'était le cas, tu ne peux pas être programmé si tu n'as pas le tampon. Pour avoir ce tampon, il faut une société de production avec un capital garanti de cent mille euros, etc. Sinon, on te dit « c'est un film fait à l'arrache donc je ne peux pas vous donner le tampon ». Si t'as pas le tampon, t'as pas de distributeur, t'as pas les salles, pas la télé.

Du coup il reste les festivals ?
J-L Costes : Même pas. Ils ont tous le même règlement, sûrement fait par le CNC, et une des clauses c'est que c'est une boîte de prod qui doit présenter le film. Pour les longs-métrages. Pour les courts-métrages c'est ouvert mais c'est limité strictement à un minutage où ils sont sûrs qu'il n'y aura pas de concurrence avec le long-métrage. Maintenant, la faille c'est qu'il y a internet. Tout le monde fait des films : y vont détruire le milieu du cinéma, comme le milieu musical ! Pas en pompant, mais en faisant des films. Là, il y a des festivals, effectivement, mais qui sont en fait illégaux, l'air de rien. Il y en a partout qui se créent en Europe. Et il n'y a pas de règle à la con : « t'as ton tampon ? ». Ça c'est un truc pour protéger un petit milieu privilégié qui s'est mis dans un bunker et toi tu restes dehors à taper à la porte comme un con.

Tu es tout le temps en train d'avancer, comment est-ce que tu envisages la suite ? Parce que les shows c'est quand même très physique.
J-L Costes : J'aime toujours faire des films et de la musique, mais parfois, je me lasse. J'aimerais arrêter l'art pour une activité plus concrète comme l'agriculture. Quand tu fais pousser des légumes, tout est clair : tu travailles bien et ça pousse. Tu travailles pas et ça pousse pas ! Alors qu'en art, quelle que soit la quantité de travail, la qualité est toujours incertaine.

Ouh ben, ça va être le mot de la fin !
J-L Costes :

Gloups.

Entretien réalisé à Strasbourg, le 7 janvier 2007 par Jenny Ulrich.


  LE COURRIER

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JEAN LOUIS COSTES : MERDE IN FRANCE

 PERFORMANCE Ses «opéras porno-sociaux» sont des expériences cathartiques. Ses disques et ses écrits explorent tous les tabous. Rencontre avec le pape du nihilisme.

Fallait pas l'inviter. Costes est du genre à semer sa zone et à en rajouter. Scato, porno, outrancier dans le verbe et le geste, le performer et musicien français incarne depuis vingt ans l'outsider par excellence. Ce qui ne l'a pas empêché d'éditer – le plus souvent à compte d'auteur – des dizaines de CD, cassettes, vidéos et livres, aux titres plus régressifs et délirants les uns que les autres: «Caca-Yoga», «Fecal Master», «Aux Chiottes», «Nègre blanc», «Secouez, crevez». Sans oublier «Livrez les Blanches aux bicots», un disque dont les paroles lui ont valu dix ans de procès par les ligues antiracistes et communautaires (UEJF, MRAP, LICRA). Aujourd'hui, tout le monde admet que Costes n'a jamais été raciste, ni antisémite, ni sexiste ou homophobe: juste allumé et insoumis. «Irrécupérable», dit-il de lui-même.
Résultat: à 52 ans, après un «road-roman scato mystique» qui s'est vendu comme des petits pains («Viva la merda», 2003), Jean-Louis Garnick Philippe Costes a bien failli devenir l'auteur underground à la mode grâce à la publication, l'an dernier chez Fayard, de «Grand Père». Ce roman faussement autobiographique, cinglant et désespéré, raconte les déboires d'un Arménien né en 1900, qui traverse le XXe siècle sanglant: révolution bolchévique, pogroms, crimes commis de l'Europe à l'Afrique, et rejet en France. Du Nouvel Obs à Libé et même Le Monde, la presse pour une fois unanime a rapproché Costes de Céline, Mac Orlan et Bukowski: n'en jetez plus! C'est sur les recommandations de David Kersan, agent de Maurice Dantec, que Raphaël Sorin, directeur éditorial chez Fayard connu pour prospecter en dehors du sérail littéraire, a publié cette plume qu'il estime rompre avec le «ronron» et l'«autocongratulation» de l'édition française. Nus et exsangues
«Je n'ai jamais cherché à publier chez un grand éditeur», lâche Costes entre une gorgée de café et un coup d'oeil à son ordinateur portable. Sans transition, du microcosme parisien à Rhino. Nous sommes au lendemain de la performance qui a secoué les entrailles du squat genevois, lundi dernier. Devant une Cave 12 comble et acquise, l'artiste interprétait «Les Petits oiseaux chient», sa dernière «opérette porno-sociale», flanqué de sa jeune complice Lisou Prout. Sur des rythmes bruitistes diffusés à plein volume, Costes et Prout s'embrassent, s'insultent, hurlent, tentent des coïts ratés, se masturbent, vomissent (pour de vrai) et se couvrent de (fausse) merde de la tête aux pieds. Avant d'abattre – nus et exsangues – leurs dernières énergies sur un bébé en plastique, scellant le destin du couple et de la famille selon Costes.
«Je cherchais un thème qui puisse être compris partout, car le spectacle va tourner aux Etats-Unis», explique l'artiste, la voix cassée par les excès de la veille. «C'est basique et universel: un homme et une femme se rencontrent, ils s'aiment et se reproduisent.» Simple, sauf que «le petit nid d'oiseau, les choses les plus jolies, cachent toujours un aspect dramatique, un échec. C'est la matière, le côté physique qui plombe tout.» Où l'on retrouve l'obsession de Costes pour les excréments et l'impuissance: «C'est vrai, ça revient tout le temps. Ça m'amuse de montrer la défaillance sexuelle. On n'est pas des machines, des étalons.»
Aucune évocation du racisme, en revanche. Un sujet délicat, sur lequel il semble avoir levé le pied. «C'est un problème très présent en France, où les gens ne se mélangent plus, où l'animosité est perceptible dans la rue. J'habite à Saint-Denis, en banlieue nord (de Paris, ndlr). Il y a vraiment un climat de confrontation sociale et ethnique. La République a longtemps cassé les particularismes, ce qui a sûrement évité des conflits, mais aujourd'hui c'est différent. Tout le monde a EDF et achète au même supermarché, mais personne ne se parle, la méfiance est générale. Comme en plus les médias en rajoutent, j'évite – sur scène en tout cas –, c'est trop chaud. Certaines cultures excluent complètement la transgression et je n'ai pas les moyens de me protéger.»

Des Cosaques à Saint-Denis.  Costes de déplorer les procès «ridicules» qui ont émaillé sa carrière. Il dit sa volonté – «mal comprise» – d'aborder tous les interdits, sans autocensure, «sans forcer ceux qui ne veulent pas. Je ne vais pas faire mes spectacles sur la place publique, je n'insulte pas les individus. Mais je suis pour la liberté totale en art. La scène, les disques, ça concerne des gens qui ont choisi librement.» La provocation? «Un truc de journalistes, qui n'y connaissent rien et ne veulent pas faire d'effort. Je trouve normal de faire sortir dans l'art tout ce qui est réprimé. J'aime ce qui part des tripes et me met une claque.»
Bonnet enfoncé jusqu'aux yeux, jean élimé et pompes en lambeaux, Costes se fiche de l'apparence. Son débit est rapide, heurté, ses idées affluent et s'entrechoquent. «J'suis bavard!» Toujours en ébullition, ce père d'une petite fille de 2 ans («elle aime pas mes trucs bruitistes, mes chansons plus calmes, oui») s'apprête à se produire une trentaine de fois outre-Atlantique: «Je suis un peu culte là-bas. Il y a une scène «noise» très physique et créative, sans codes vestimentaires ni idéologiques – ça m'avantage.» La veille, on a constaté le corps sec, les tatouages sur les phalanges. Combien de temps imagine-t-il encore se mettre dans cet état? «Pas trop longtemps. Dans ce milieu, j'ai 20 ans de plus que tout le monde. Mais physiquement ça va, j'ai développé une habitude, c'est comme un sport.»
Ils sont loin, ses débuts de jeune diplômé en architecture qui jouait du rock «le samedi avec les potes, sans ambition». Sa nature asociale et son côté «décalé» l'ont vite poussé à se lancer seul: «On me disait: tu chantes trop faux, tes claviers sonnent bizarrement.» Musiques expérimentales, «noise», industrielles, avant d'aboutir à cette forme de performance totale, cathartique, qui fascine ou rebute. Quant à l'avenir de Costes dans l'édition, il semble incertain: «Je ne vais pas faire long feu chez Fayard. J'ai un nouveau livre, mais ils exigent plein de retouches. C'est bizarre, la dernière fois j'étais un génie et maintenant c'est nul? Il faut dire que ça ne se passe plus chez les Cosaques, mais entre Leaderprice et Castorama, dans un rayon de 30 mètres autour de chez moi à Saint-Denis. C'est tout de suite moins romantique. D'une certaine manière, c'est beaucoup plus violent, même si le mec ne tue personne.»

Note : Sites web: http://costes.org, http://jeanlouiscostes.org


LORD OF WINTER

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Interview réalisée par email. Interviewer: Prometheus.

 

Jean Louis Costes est un personnage original et talentueux, Prometheus a donc trouvé intéressant de lui adresser ces quelques questions, auxquelles il a répondu avec sérieux et pertinence, à l’occasion de la sortie de son nouvel album « Œuvre au Noir ».

 

Tout d'abord, peux tu nous expliquer pourquoi ta tournée fut annulée ? Comptes tu en réorganiser une prochainement ?

 

J'ai du connement annuler ma tournée car j'ai eu des crises de paludisme! Une maladie tropicale attrapée en Guyane. Mais c'est sans gravité et je reprendrai ma tournée à l'automne 2005

L'artwork de « Oeuvre au Noir » est typiquement Black Metal dans le lettrage comme dans le design général. Pourquoi ce choix ?

 

L'artwork a été fait par le label Amortout. Ils voulaient que je fasse un CD inspiré du Black Metal. D'où l'esthétique de la jaquette.

 

Le titre de ton nouvel album fait il référence à l'ouvrage du même nom de Marguerite Yourcenar ? Peut-on faire une analogie entre sa description sans complaisance de la barbarie du XVI eme siècle et ta dénonciation des injustices du monde actuel ?

 

Je ne connais pas ce livre de Yourcenar. Au Moyen Age, une oeuvre au noir est un entreprise alchimique quiutilise le Mal pour faire le Bien. C'est aussi mamanière de procéder. Je ne dénonce aucune injustice du monde. Le monde rentre en moi en désordre et je le revomis en vrac, c'est tout.Sauf que la représentation du Mal en Art génère de la Beauté.

 

Trouves tu ton destin comparable à celui de Zénon, le héros du livre, écrasé par l'intolérance des hommes, persécuté pour ses idées subversives, et qui finit par se suicider ?

 

Oui. Sauf que je ne me suiciderai pas. Je serai assassiné.

 

Tu dis souvent que la plupart de tes albums sont nuls à chier. Penses tu que ce nouvel album est de la merde et si oui, comptes tu le manger ?

 

Je n'écoute jamais mes CDs. Celui-ci pas plus que les autres. J'ai mis de l'intensité quand je l'ai fait, mais je ne sais pas ce que ça vaut pour les autres. Je ne mange de la merde que quand je suis excité.

Tu critiques la scène Black Métal dans la chanson « Jouer au nazi ». Plus généralement existent-ils des groupes de Black Métal avec lesquels tu es en contact et que penses tu de cette scène ?

Je n'ai de contact avec personne car je reste toujours seul. Mais j'ai écouté de nombreux groupes de Black Metal. C'est une musique que je ressens très profondément. Elle m'évoque des images mythiques qui me fascinent et m'emmènent loin au fond de moi et du passé

Quels sont tes goûts musicaux ? Te considères tu comme un musicien ou juste un performer ? Comment définirais tu ton Art ?

 

J'aime toute musique où je ressens la faiblesse et la fausse force humaine. Je suis musicien en studio et performer sur scène. Mon oeuvre est un cri qui a un sens.

 

Pourquoi ton oeuvre est-elle si minimaliste du point de vue de la recherche et de la technicité musicale ? N'as-tu jamais eu envie de mettre la rudesse de ton propos au service d'une véritable création musicale

 

Beaucoup considèrent ma musique nulle, produite par un incapable. Ils se trompent. Elle est très sophistiquée et techniquement complexe à réaliser. Simplement, ce savoir faire n'est pas tape-à-l'oeil.   

Ton Art est extrême autant dans ses paroles que dans leurs expressions scéniques. Quel est son but premier ? Transmettre une sonorité ou des idées? Te considères tu comme un artiste engagé ?

Il n'y a pas de but premier. Paroles et musiques sont complémentaires. La musique inspire le texte. Le texte dramatise la musique. Je condamne absolument l'art engagé. L'art est  asocial, immoral, incontrôlable, imprévisible. C'est une éjaculation pas une idéologie!

 

Tu rédiges des articles pour des sites web anticonformistes tels que Subversiv et Ring. Penses tu qu'aujourd'hui le net est le seul outil permettant d'exprimer des idées mal-pensantes ?

Oui. Les medias classiques sont totalement contrôlés et muselés. L'internet est un espace d'expression relativement libre.

 

Beaucoup te prennent pour un raciste alors que justement tu singes les racistes pour les discréditer. Comment expliques tu cette incompréhension? Tes opposants sur ce sujet sont ils hypocrites ou simplement abrutis ?

 

Aucune personne qui écoute ma musique ne me prend pour un raciste. Ces accusations proviennent de personnes qui condamnent à priori mon oeuvre sans la connaître.

 

Justement où en est tu avec tes innombrables procès ? Penses tu qu'en France la liberté d'expression n'est qu'une chimère?

 

Cela fait dix ans que je suis traîné en procès sans arrêt par l'uejf, la licra, le mrap, la ldh et l'Etat. J'en ai encore eu un cette année. Bien sur, ils auront ma peau. A mille contre un, c'est logique. Mais mon oeuvre les vaincra. Quand on a eu autant de procès et subi autant de pressions, on sait que la France n'est pas du tout un pays libre. La soi-disant liberté d'expression en France est un mensonge de la propagande. La France est soumise, attachée et bâillonnée.

 

Ambitionnes tu de réaliser un Art Total, dans lequel tu t'imprègnes complètement et qui dilue franchement la frontière entre la vie et sa représentation artistique ?

 

Ca s'appellerait la religion. C'est le but suprême.

Pour en revenir à la réalité concrète, toi qui  crée et vit de manière globalement immorale et outrageante, que penses tu du christianisme et de sa déliquescence progressive ? Ne crois tu pas que l'élection d'un réactionnaire comme Benoît 16 est le signe qu'il reste encore à cette religion un brin de fierté et d'honneur et qu'elle peut encore proposer à des mecs perdus comme toi des repères leur permettant d'éviter la folie ?

Je vis sans outrage et crée honnêtement, donc je suis une personne totalement morale. Je suis catholique pratiquant. Le rituel catholique traditionnel me fascine. Il contient tous les paganismes et les transcende. Pour que le catholicisme vive, il nous faut l'investir et lui insuffler notre passion artistique. Je suis un grand fan des écrits du Cardinal Ratzinger, donc impatient de voir ce qu'il fera comme Pape.

Que répondrais tu à certains de tes détracteurs qui affirment que malgré la forme hétéroclite avec lequel il est transmis, ton message est finalement très conformiste et dénué de toute originalité ?  Il n'y a en effet rien de plus tendance et de moins subversif actuellement que de parler de cul et d'antiracisme..

Mon art est réactionnaire par sa forme. Je n'ai aucune prétention révolutionnaire ni intention subversive. Je recherche l'intensité de l'expression comme un dernier cri de christ en croix.


MONTREAL MIRROR

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Shit happens

 Is there any hope for French performance artist/musician Jean-Louis Costes?

 Sitting in a popular eatery on the Main with France's Jean-Louis Costes, one can't help but feel that maybe a restaurant was not the ideal spot to interview this performance artist/musician, given that most of his work is enough to kill anybody's appetite. With over 40 CD releases under his belt, and numerous plays as well, including his most recent opera Les Petits Oiseaux Chient ("the little birds shit"), Costes does have a recurring theme to his work-his obsession with scatology.

"I guess I'm the king of shit," Costes states rather matter-of-factly, with a thick Parisian accent. "Shit is something I know about because it's something I do every day, it's a real part of life. At first it was a joke and I was just trying to be as stupid as possible. Then I realized that the stupider you are, the more intelligent you are, because you are getting closest to what real life is. I hate conceptual art, for instance, where people think about something and then create it. I like to just create as soon as it hits my head. There are so many good love songs in the world that I wouldn't want to do that, but when it comes to body fluids, I will put that in every show.

"It's what I do," Costes says with deadly seriousness.

It's true that controversy follows Costes around like toilet paper stuck to his shoe, but he insists that to shock merely for shock value's sake is only a small part of his art. His current opera, which he and his partner and fellow performance artist Lisou Prout present tonight at Zoobizarre, may feature him covered in fake shit (chocolate pudding, in fact), with a heaping amount of nudity and simulated sex, but he insists that he's just trying to entertain and stir emotions with a story of the human condition.

His long flirtation with controversy has left Costes no stranger to censorship. In his native country, leftists have accused him of Nazism after a record of his was banned for purported racist themes. Protesters added pressure and briefly got his Web site yanked, and more recently, his show in North Dakota get the plug pulled prematurely when the promoter got his gander up about the nudity and potty play.

This last event quickly leaked to the Internet and news wires, on which Costes was demonized and held up as an example of art going too far. "It was funny to read all of these people's comments about how much they hated the show, because almost all of the people who commented weren't even there. I actually found a lot of articles coming from conservative Christian viewpoints that spoke out against me to be really interesting, and made some good points. It's funny because I actually practise Catholicism, but I don't really believe in it. I wish I did, though, because I find it really interesting that people can go to church and hope for a miracle. What Christianity is to me is a sense of hope, and I respect that, but unfortunately, I just don't have much hope."

 With Feu Thérèse and DJ Christof

Migone at Zoobizarre tonight, Thursday,

April 12, 9 p.m., $12

MONTREAL MIRROR

 by JOHNSON CUMMINS


Jean-Louis Costes: le maître fou

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 «Le nouveau siècle sera judiciaire, légalophile, nordique et pasteurisé.»
Philippe Muray

 Le jeudi 12 avril, Jean-Louis Costes et Lisou Prout étaient à Montréal pour présenter leur dernier spectacle Les petits oiseaux chient. L’occasion nous était donc donnée de revenir brièvement sur la carrière du plus célèbre performeur français et d’essayer de comprendre un peu mieux sa production artistique protéiforme et pléthorique.

Jean-Louis Costes est pour beaucoup cette bête malade et névrosée qui se chie un peu trop sur les doigts et qui veut les faire sentir à tout le monde. Pourtant, en vingt années d’opéra trash, il a su, mieux que toutes les politiques gauchistes bien pensantes, détruire par la caricature le discours de l’extrême droite.

Paradoxalement, et malgré cette lutte constante qu’il mène depuis toutes ces années avec sa prose scato-facho-ordurière, l’histrion est plus connu pour les procès que lui font toutes sortes d’associations (Union des Étudiants juifs de France, Licra, MRAP, etc) que pour ses spectacles.

C’est un fait avéré qu’en France, nation autoproclamée de la contestation mais aussi temple du bien-pensant, on ne peut combattre le mal par le mal et qu’il existe des absolus contre lesquels même l’humour se trouve censuré. Passons, Costes est bien autre chose qu’un fait-divers.

Ni moral, ni nihilisme

Beaucoup de monde a déjà rapproché les performances de Costes de celles de Mc Carthy ou de Mike Kelley: le corps comme lieu de frustration, maudit, caché, blâmé par la morale chrétienne, dressé de manière orthopédique par la discipline, qui devient dans la performance artistique le lieu de toutes les possibilités inavouables.

Pourtant, s’il fallait retenir un trait caractéristique des créations de Costes, c’est cette capacité de créer des aires de combats virtuels qu’il faudrait peut-être retenir. Lieux belliqueux où les logiques du «social-moral-religieux» (intellectuel-politicien-théologien) gonflées aux stéroïdes seraient poussées à leur paroxysme.

Le public quant à lui serait composé que de Sade, de Masoch, de Juliette et de Catherine II de Russie. Plus important encore, Costes se défie autant de la morale que du nihilisme. Il ne cherche pas à détruire la morale, mais tente plutôt de déconstruire les discours qui l’entourent et qui se cache bien souvent de la justifier.

Toutes les belles entreprises collectives, les idées, les utopies morales sont des infamies en puissance qui n’attendent que de se sentir un peu plus fort pour mordre, un peu plus faibles pour rentrer dans le costume si confortable de la victime. Ce que nous dit Costes, c’est que tout est prétexte à catéchèse et qu’il est jouissif pour l’âme pleine de ressentiment du faible de donner des leçons. Le confort moral conforte la précarité intellectuelle…

Réintroduire le négatif et libérer la part maudite

À l’opposé d’une vision purement nihiliste, donc, les performances de Costes tentent de réintroduire le négatif pour montrer que lorsqu’on l’évacue la « part maudite» inhérente au social et à la vie on s’enferme dans une idéologie du bien encore plus mortifère.

Philippe Muray dans son double essai Après l’histoire avait déjà montré que notre société contemporaine se caractérisait par un refus d’incorporer le négatif, soit l’accidentel, la pulsion de mort, la violence libératrice, de l’autre, l’altérité de la mort ainsi que les contradictions, la distance, l’écart, etc…

Nous vivons ainsi dans une ère qui rejette le mal ou bien se l’attribut en le fabriquant en grande série dans des manifestations spectaculaires, institutionnelles et euphémisées. (anticonformisme de l’art contemporain, transgression spectaculaire autorisée, marginalité de surface dans des vocables à la mode). Pourtant, chez Hegel par exemple, la négation était créatrice parce qu’elle détruisait le donné et permettrait la réalisation de nouvelles possibilités.

Ainsi pour Costes, conscience cathartique s’il en est, le paradis et l’enfer sont partout et il faut acclimater les deux: «Le corps: l’enfer! La tête: l’enfer! La vie: l’enfer! La mort… le sexe… la drogue… la race… la France.. le père… la mère… la sœur.. le frère… la famille… l’école… la télé… le dentiste… De pire en pire! L’empire du mal.»

Rite de possession

Le corps dans l’œuvre de Costes devient alors le lieu d’une réconciliation du négatif et du positif, d’éros et thanatos, mais aussi le lieu d’une consumation, d’un gaspillage, et d’une connexion avec la déchéance, le désespoir et la mort.

À cet égard, on pourrait rapprocher les performances de Jean Louis Costes des rites de la possession qui sont, dans une certaine mesure, un moyen de se libérer de l’énergie vitale en excès. Ce dernier dit avoir été très influencé par le film documentaire Les maîtres fous du regretté Jean Rouch qui a filmé en 1955 une cérémonie de possession des adeptes du mouvement Haiku au Nigéria. (mouvement né dans les années 20).

Au cours de cette cérémonie, les membres de la secte invoquent les génies de la force qui sont en fait les esprits des administrateurs coloniaux, soit des stéréotypes de la domination coloniale: le caporal de garde, le gouverneur, le docteur, la femme du capitaine, le général, le conducteur de locomotive, etc…

Ainsi, les dieux invoqués, ceux qui prennent possession des adeptes ne sont plus des dieux traditionnels, mais des fétiches occidentaux issus du colonialisme. Avec l’arrivée de ces génies, les membres de la secte se mettent à imiter l’homme blanc et donc à imiter le négatif, le mal, pour mieux l’exorciser. Les corps se transforment aussi sous la poussée de l’énergie vitale : ils bavent, tremblent, la respiration se fait suffocation.

Avec «les maîtres fous», on comprend ainsi l’utilité anthropologique de la transe: processus cathartique intériorisation du mal, acclimatation du négatif et libération de l’énergie vitale en excès.


LE PETIT BULLETIN EDITION GRENOBLE

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Maudit artiste

 

THÉÂTRE / MUSIQUE / Chacun pense librement ce qu’il veut de Jean-Louis Costes. Il y a une seule chose qu’on ne peut pas lui enlever : le seul exercice de ses spectacles, au-delà de toute qualité artistique, est une œuvre à part entière, souvent grandiose, toujours révélatrice. Entretien à l’occasion de son passage au Théâtre 145. Propos recueillis par François Cau

Pour revenir sur la sortie de votre premier roman, Grand-Père, vous distillez sur votre site le chaud et le froid : vous proclamez que c’est un échec cinglant et deux jours plus tard…
Costes : … Je prends les mêmes chiffres et je dis que c’est un succès, AH AH AH. ! Fayard m’avait laissé entendre que le premier tirage était de 5000 et le second de 3000, donc je pensais que j’étais parti pour en vendre 10000. Mais ces chiffres étaient faux, c’est ça qui m’a fait un choc. Quand on n’a pas d’agent chez un éditeur, on n’a pas les chiffres de tirage. Je m’en fous, je suis habitué, mes Cds je les vends à 20 exemplaires, donc finalement ne vendre “que“ 2000 livres, comme c’est le cas, c’est toujours bien. Mais ils composent avec des mecs et leur ego qui voudraient qu’il y ait 50000 exemplaires de leur bouquin disponibles dans tous les supermarchés. Donc ils gèrent les questions avec cet espèce de silence, avec des expressions du type “environ…“. Je suis sûr qu’ils ont peur des crises des auteurs qui veulent tous devenir star. Mais sur le coup, ça fait quand même un choc. Déjà, il y a une disproportion entre toute la promo qu’il y a eu et les ventes.
Et du coup, Fayard a refusé votre deuxième roman.

C’est sûr que si j’avais vendu 20000 exemplaires, ils l’auraient trouvé beaucoup moins mauvais… C’est dur de comprendre les stratégies des grosses maisons d’édition, cette pyramide de décisions. Je suis habitué à travailler avec des gens à mon niveau, dans des contextes où je ne suis pas la fourmi.


À chaque fois que vous collaborez avec des artisans d’une culture plus “mainstream“, vous vous réjouissez un premier temps avant d’avoir un retour de bâton. Vous n’étiez pas très tendre en relatant vos jours de tournage sur Irréversible…

Dans ce cas-là je me suis permis cette tribune parce que je n’avais pas un rôle très important. Ça amusait Gaspar Noé de me donner ce rôle-là, et ce qui m’intéressait, c’était de voir ce mec passionné en plein travail. C’était le côté génial de l’expérience. Après, il y a la méthode Dupontel, qui a cette super bonne image. C’est simple, il n’est même pas venu tourner la scène, tu regardes le film, pendant trois minutes il disparaît, ça veut dire que pendant trois jours il a disparu. Je ne sais pas si c’est parce qu’il ne voulait pas tourner avec moi, je vois juste un mec qui est payé et qui ne vient pas bosser. C’est comme ça que je juge les gens. Mais pour ce qui est du roman, on ne peut pas dire que j’ai été utilisé par Fayard. Sur le papier, c’est même moi qui leur devrait de l’argent. Apparemment, j’ai été trop payé, en plus d’avoir des médias comme je n’en ai jamais eu. C’est vraiment un bon coup, mais avec cette déception derrière de se dire qu’on va enfin sortir la tête de l’eau financièrement, avoir des revenus réguliers… Puis de voir la bulle d’air disparaître.


Est-ce que vous considérez vraiment le net comme l’ultime bastion de la liberté d’expression, comme vous le sous-entendez dans quelques-uns de vos textes ?

De la liberté d’expression je ne sais pas, mais pour la diffusion, la promotion, oui. Il y a un truc que les grosses sociétés d’édition ou autres ne comprennent pas bien, c’est la patience. Il n’existe pas d’effet de mode. Il faut laisser progresser, attendre le bouche-à-oreille. Je comprends bien que Fayard ne raisonne pas avec la même échelle. Internet est un espace pour s’exprimer, où l’on n’a pas besoin d’attendre la permission de respirer. Mais dans une totale liberté, non. C’est très facile à surveiller. Et puis on peut faire dire n’importe quoi à un personnage de fiction, mais ce statut n’est pas clair sur la toile. Même pour de la fiction, on peut se faire taxer d’apologie du crime, il y a cette confusion entre l’œuvre, l’interprète et la réalité. Pour parler du racisme, puisque c’est surtout avec ça qu’on me stigmatise, mon propos est de dire que si on n’avait pas les concepts racistes en nous, on ne serait pas capable de comprendre, on ferait “aga aga aga“ sans essayer d’aller plus loin. On a ça, on a tous une part de criminalité en nous, et c’est quand je reconnais l’existence de ce potentiel qu’on me retourne l’argument en disant “donc, vous admettez être raciste“. C’est tout l’inverse, je reconnais que c’est une question de situation, de pressions qui feraient ressortir ma part agressive. Mais en résonnant posément, les contradictions de mon site Internet par exemple témoignent que je ne suis ni raciste ni revendiqué de n’importe quel parti.

 

Vous retournez les discours contre ceux qui les emploient.

Ce serait plutôt l’influence de la société, de tout ce qui est autour de moi. C’est quelque chose qui me flotte dans la tête, que j’ai pu entendre à la radio, une fille qui m’a fait chier, mon bonheur amoureux. Si on parle d’Hitler tous les jours dans les journaux, et qu’on ne le retrouve pas dans l’œuvre, il y a un problème. Depuis une vingtaine d’années, impossible d’ouvrir un journal sans que quelque chose ne soit lié au racisme, au nazisme, aux conflits ethniques. C’est une réalité, je la fais ressortir.


Vous pensez que c’est le côté cru des spectacles qui crée ces procès d’intention ?
Je pense plutôt que c’est le texte, la nudité n’est plus un problème, la pornographie est partout. Ça reste rare qu’on me prête des intentions politiques, le principal procès qu’on me fait c’est d’être nul, ridicule, très mauvais. On va juste dire que c’est du pipi caca. C’est l’aspect nudité et crottes en chocolat qui leur permet de dire ça très vite. C’est pourtant un sujet super intéressant, je me suis aperçu qu’il y a toujours quelque chose à dire dessus. Et en France, on a de ces trucs en scatologie, les 11000 verges d’Apollinaire, Gargantua… Il y a aujourd’hui un côté très comique dans le fait que les gens n’aient plus du tout envie d’en entendre parler…


Comment Les petits oiseaux chient a été conçu ?

Je cherche un scénario quelconque, un prétexte, je développe ça en scène, je fais la musique très grossièrement, en prévoyant des plages musicales volontairement trop longues. L’actrice arrive, on fait les essais - elle fait ce qu’elle veut au niveau de l’interprétation. On voit enfin la musique ensemble, on fait des va-et-vient entre les répétitions. La nouveauté, c’est que je savais que j’allais jouer à l’étranger, et comme dans les pays anglophones ils pensent que je parle français quand je leur cause en anglais, j’ai voulu faire une histoire de couple universelle, qu’on peut suivre sans les textes.


Comment s’est passée la tournée Little birds shit aux USA ? Qu’est-ce que c’est que cet incident à Rapid City ?

Dans l’ensemble ça s’est bien passé, il y avait plus de dates et de public que la fois d’avant. À Rapid City, c’est juste les gens du musée qui ont interrompu le spectacle et fait sortir le public parce qu’ils trouvaient que ça allait trop loin, et c’est tout. Je préfère ça que de me prendre des canettes dans la gueule, comme ça a pu arriver. Le lendemain, le journal local parle du spectacle, qu’ils n’avaient pas vu, et entre autres ils disent que c’est un show anti américain, anti chrétien, et en plus performés par des français ! Ça a été repris par tous les blogs conservateurs américains, ou chrétiens de droite, et ils ont claqué un plomb. Ils ne savaient même pas mon nom, mais c’était dans l’esprit “quoi ? un français, un suppôt de Chirac ?!“. Ils m’ont pris pour le gars qui vient leur filer des leçons chez eux en se foutant à poil avec une carotte dans le cul – la totale, quoi. Ça avait déjà bien pété un câble, et le niveau suivant, c’est Associated Press qui a repris l’info par copier coller. C’est hallucinant de voir la plus grosse agence du monde, qui essaie de contrer la rapidité du net sans prendre la peine de vérifier ses infos. Ça m’a vraiment fait stressé, j’ai eu beaucoup de menaces de mort, des messages à la “la prochaine fois on te chopera avec notre pick up, t’as eu de la chance de sortir de Rapid City, c’est la ville où il y a le plus de licence d’armes…“ ; la deuxième date suivante je me suis pris une bouteille dans la gueule. Le journal de Rapid City a compris que les choses étaient allés trop loin et ils ont écrit un truc pour calmer le jeu. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser de l’ambiance de la Bible Belt, ils ont tout de même fait la distinction entre nudité artistique et exhibitionnisme. Donc comme je jouais dans un musée, je n’ai pas été inquiété.


Vous restez optimiste sur l’avenir de la création artistique en France ?

Il y aura toujours de l’espoir. Les gens peuvent rester chez eux et accoucher d’un truc génial. Ça ne peut pas s’arrêter, ça relève du besoin naturel, comme l’envie de pisser. Le seul truc qui freine ça c’est les subventions. Les gens en place ont tendance à se freiner pour satisfaire les canons, mais il reste tout de même de la créativité, même si elle est moins évidente. C’est psychique, une alchimie bizarre. Comme j’ai toujours cette image de solitaire incompris, on m’envoie beaucoup de Cds, de films, de textes, où il y a souvent des choses intéressantes. Mais quant à savoir s’ils vont percer…


D’autant que la tendance est à l’uniformisation culturelle, au détriment des plus petits…

Le problème ne vient pas forcément d’un parti politique. Si le politicien veut contrôler la culture comme un élément de son prestige, là, ça pose problème. On peut plus jouer n’importe quoi, parce que sinon l’électeur ou un opposant va arriver le jour de l’élection et lui dire “regardez les saletés qu’il promeut“, montrer les photos de mon spectacle et il va perdre 2000 voix ou plus... Ça peut venir de n’importe quel parti, si il y a contrôle de la programmation culturelle, il y a problème. À Saint-Denis, ville communiste, je n’ai jamais joué et ne jouerai jamais. C’est barjo, et pourtant ils balancent des millions dans des gros festivals, entretiennent comme des coqs en pâte des artistes à moitié tarés... Je ne veux pas mettre dos-à-dos les partis politiques, mais parler de cette volonté de considérer la culture comme une arme idéologique. Les politiciens font des salles de musique actuelle des cubes. Si ensuite toutes les assos intéressées de la ville peuvent programmer à égalité entre elles, on obtient quelque chose d’intéressant, ça entretient la passion, ça stimule la créativité.


Les petits oiseaux chient

Par Costes et Famfinale


 

pittsburgh city paper

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Scatological noise artist Jean-Louis Costes and pals hit the Smiling Moose.

BY MANNY THEINER


No doubt, the punk-rock drinking denizens of the Smiling Moose regard themselves as edgy outlaws in the South Side's sea of frat-boy conformity. And to some extent, that's true. But no amount of Misfits or Crass in the jukebox can adequately brace them for this Wednesday's double whammy.

Pierced mouths will fall open and weak ears will run for the hills when Minneapolis noisicians Cock ESP take the stage. Founded in the early '90s by Emil Hagstrom and Matt Bacon, the duo's CD debut was on Relapse Records' legendary Japanese-American Noise Treaty compilation, which defined the harsh-noise community at the time. But the group adopted the opposite attitude from its austere Japanese brethren, such as Merzbow and Aube, and launched a caustic commentary on the overtly punishing masculinity of the noise scene.

Instead of striving for extremist perfection, Cock ESP thrived on the amplification of mistakes and equipment failure, and its shows earned a reputation for absurd, comedic elements, such as running around in donkey and chicken costumes. Despite all this, Cock ESP were respected enough to crank out a bevy of vinyl releases, CDs and videos, and to open for the likes of Stereolab and Sonic Youth, paving the way for Midwest compadres Wolf Eyes to make noise safe and fashionable for the MySpace generation.

But even a card-carrying member of the Thurston Moore Fan Club will be ill prepared for the infamous French experimental/performance-art legend Jean-Louis Costes, who has been plying his trade since the cassette underground of the mid-'80s. A cross between the scatology of G.G. Allin, the depravity of Whitehouse and the transgressivism of Karen Finley, Costes created a mayhem of sound and splatter with Lisa Suckdog in his previous visit to the now-defunct Turmoil Room gallery in Wilkinsburg, back in 1990.

And things won't be much calmer now. Costes and pal Lisou Prout have a three-act "opera pornosocial" in store, called Les Petits Oiseaux Chient ("Little Birds Shit"). The piece is described as "the story of an ordinary couple ... they meet, they flirt ... they fall into the normal trappings of family existence ... they find solace in acts of bizarre S&M sex ... the logical conclusion of this journey: finishing in Hell."

It'll be very interesting to see how Costes' naked, screaming fuckfest will be received in a punk bar. But in some sense, I'm disappointed this isn't at The Warhol, where director Tom Sokolowski is often heard boasting about shocking mainstream sensibilities. Oh, well -- he can redeem his soul (or damn it) along with the rest of the unsuspecting victims at the Moose.

 

Jean-Louis Costes, Cock ESP and Plastered Bastards. 9 p.m. Wed., March 14. Smiling Moose, 1306 E. Carson St., South Side. Free. 412-431-4668 or www.smiling-moose.com


 

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Costes, le branleur magnifique

 

Tous les mots qu’il ne faut pas dire, il les hurle : bite, chatte, caca, cul, sans oublier les pires insultes… avec un humour ravageur et destroy. Samedi 15 mars, au festival Banlieue Bleue, le performer et musicien Costes donne un concert de cris priapiques à l’ironie défoulatoire.

Dans la cave d’une petite maison à Saint-Denis, près du canal, Costes le performer solitaire, compose des poèmes sonores  qui relèvent à la fois de la provocation au vitriol, de la rage masturbatoire et du grand cri d’amour… «L’amour dans toute sa déchirante atrocité, commente Jérome Noirez, musicologue. L’amour, dans ce qu’il a de plus lyrique et en même temps de plus cru. Costes se situe dans la grande tradition du fin’amor, de cette poésie courtoise qui alternait avec des “contre-textes” obscènes, violents et anti-cléricaux.» Costes, troubadour moderne ? C’est surtout un créateur fou qui traite de sujets sensibles (violence, caca, racisme, sexe...) avec un sens aigu du martyre. Depuis l’enfance, c’est presque une vocation. Il a toujours souffert.

«Père militaire violent et mère catho grave complice. Pas un seul souvenir heureux de ma vie de zéro à 18 ans», dit-il. L’adolescence n’est guère plus brillante : «Totalement asocial, n'ai aucun ami, passe mon temps dans ma chambre à me branler et à faire joujou au suicide avec des rasoirs. Je hais tout, tout le monde, et surtout moi-même.» Dans ce contexte, l'art se présente comme un exutoire salvateur : Costes fabrique des «poupées de bite». Il enfile des fourreaux suggestifs sur son sexe en érection et devant le miroir se fait des petits strip-teases, ôtant un à un les rubans de tissu et de cellophane, dans un lent dévoilement érotique… Du body-art avant l’heure.

Un brin mystique, Costes sublime tout. Le voilà éperdument amoureux d’une fille du Lycée - Anne van Der Linden —«trop belle» pour lui et qui alimente ses fantasmes. A 18 ans, son destin d’artiste frustré branleur prend forme : il quitte ses parents et «vire zonard drogué». Paradoxalement, ça lui sauve la vie… «J'étais tellement complexé que sans la drogue et l'alcool j'aurais jamais réussi à baiser une fille. Ça commence bien comme histoire hein ?! Les origines d'un génie.» Effectivement, ça prend forme : Costes fait des débuts… fracassants dans la musique. «Je jouais des claviers dans des groupes de rock de drogués où on passait plus de temps allongé sous le piano qu'à jouer dessus.» Qu’importe. Il tient le bon bout.

A 30 ans, vers 1983, plus asocial que jamais, il s’enferme définitivement chez lui pour se consacrer à ses œuvres : musique et masturbation. Enfin libre ! «Solitaire, sans plus aucune contrainte, ma musique se radicalise à toute vitesse. Tout le  monde se fout de ma gueule, ce qui a pour effet de rendre mon style toujours plus agressif. Je suis décidé à faire chier un max.» De temps en temps, lors de sorties-surprise, il distribue gratuitement ses cassettes à la sortie des concerts branchés. Réactions : les gens refusent, effrayés. D’autres acceptent, puis veulent lui casser la figure après les avoir écoutées. Une petite minorité crie au génie.

Costes enregistre des chansons bouleversantes. L’art c’est la guerre, en 1986, est un de ses plus magnifiques albums… En 1986, justement, c’est le début d’un (relatif) succès : Costes fait des concerts. «Toujours aussi complexé et persuadé de ma nullité, je pense que me voir seul sur scène brailler mes chansons bruyantes doit être chiant pour le public. Idée confirmée par les sifflets et crachats des punks et industriels lors de mes premiers concerts, tous interrompus au bout de 5 minutes.» Ça ne fait rien, il continue. Distribuée par le biais du mail-art, son œuvre dépasse les frontières. Il part aux USA et tombe amoureux de Lisa Suckdog qui, comme son nom l’indique, est aussi adorable et folle que lui. Elle l’épouse. Quand elle apparaît sur scène —drapée de nudité candide et juvénile— le public arrête de siffler. Costes en profite pour créer des «opéras pornos-sociaux» où la violence de ses chansons se transforme en sévices sexuels simulés et barbouillages au yaourt-épinard-chocolat.

Ces shows pseudo-scatos plaisent rapidement. Costes tourne en Europe, USA et Japon. Au Japon, il y a même des groupies. «Je tombe, chez le manager de ma tournée, dans une maison de samouraï en ruines. C'est un pédé fou amoureux de moi qui me répète «I love you costèsse», qui se glisse la nuit nu dans mon lit et qui finit par vouloir me tuer avec un sabre rouillé.» Les ennemis de Costes sont tout aussi dangereux… Parmi eux : Cool Shen. Sous prétexte que Costes est amoureux de sa copine, Shen débarque un soir, pas cool, et tente de défoncer la porte en hurlant des menaces. Le lendemain, Costes commence la première chanson de l'album NTM-FN, dans lequel on entend Cool Shen dire «Y'a pas que ta mère que je baise, y'a aussi ta meuf». Un message personnel laissé sur le répondeur.

Autres gentils messages : ceux des fascistes. Parce qu’ils le haïssent, des néo-nazis téléphonent un soir à Costes et lui disent qu'ils vont tuer un Pakistanais. Costes raconte cette histoire sur son site Internet. Après quoi, un journaliste rapporte que Costes a tué un homme. Le pire c'est que même les plus sceptiques, les plus contestataires y croient. Il se disent «si c'est dans le journal, ça doit être vrai»...

C’est le début du quiproquo. Parce qu’il choque trop et qu’il renvoie dos à dos toutes les idéologies, Costes entame une carrière de martyr.«A l'école j'avais pas le droit de chanter tellement je chantais faux, ça foutait en l'air la chorale ! Et je continue à foutre en l'air la chorale, qu'elle soit techno ou rap, c'est pareil !» Parce qu’il fait de la provocation sur Radio libertaire, même les anarchistes le virent. Parce qu’il écrit des chansons anti-racistes intitulées Les races puent, il se fait poursuivre pour «incitation à la haine raciale». Trop destroy, invendable, inclassable, Costes dérange.

Costes, dégoûté, s’achète un lopin en Guyane…  A tout prendre, les singes sont moins bêtes que les hommes. De temps en temps, Costes part dans la jungle pour manger des bananes et puis, quand il revient, c’est pour enregistrer de nouveaux albums auto-produits ou entamer des séries de concerts à travers le monde. Il se définit toujours comme un branleur. Sa première œuvre, bouleversante, s’intitulait donc L’art, c’est la guerre. Costes le dégénéré fait la preuve que l’art peut effectivement relever du combat : les mots qui tuent, la réalité sale, la violence quotidienne, il affronte tout à bras le corps et il en fait quelque chose de beau avec un talent d’écorché vif.

Concerts exceptionnels de Jean-Louis Costes (Piano acoustique + Chant) au Festival Banlieues Bleues
Samedi 15 mars : à 20h30
Dimanche 16 mars à 17h30
Dans le cadre du Cabaret "Toi Même" de Noel Akchoté et Winter&Winter avec Noel Akchote, Red, Costes, Laetitia Sheriff, Fritz Ostermayer, Brad Jones, Sebastian Reier, Han Bennink, Otto Lechner, John Giorno

DYNAMO de PANTIN : 9 rue Gabriel Josserand, 93500 Pantin.
Metro Quatre Chemins
Tarif : 16 euros


Trop bon, trop con

 

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Costes : un nom coup de poing qui a fini par émasculer le prénom de celui qui le porte (Jean-Louis) pour devenir une marque de fabrique. Celle d’un acteur culte de l’underground pour ses "opéras porno-sociaux", des comédies musicales trash qui feraient presque oublier que Costes est avant tout un fan de rock. Mais ce n’est pas vraiment de ça dont il s’agit ici. Interview.

Oui, à ce stade-là, on ne peut plus dire punk, mais trash. Ses chansons sont trash. Il y a peu, les profanes comme moi qui ne l’ont toujours pas vu sur scène pouvaient encore s’en rendre compte en allant surfer sur son site qui archivait en streaming la quasi-totalité des chansons qu’il a "composé", mais allez savoir pourquoi, ces derniers temps son site est devenu introuvable. Reste Myspace. (Correction : je viens de retrouver
son site officiel ici.) Depuis quelques mois le fan responsable d’un site non-officiel sur l’artiste a crée un Myspace Costes. On y trouve 4 morceaux. (Mention spéciale à "Bâtard du showbiz", extrait de Miam miam la music dont la pochette détournement judicieusement la séminale banane du premier Velvet.) Et c’est déjà suffisant pour basculer dans la quatrième dimension. Se prendre une vraie leçon de fulgurance. Et se rendre compte combien Costes est énorme. Enorme et sidérant comme une grosse connerie. Comme la vie ?

Des chansons, Costes en pond depuis le milieu des années 80. Aussi alors qu’on le rencontre, c’est de cela qu’on essaie de parler. De musique. Mais pas que. Parce que Costes est une jungle où tout s’entremêle (pour rester poli) et qu’on aime partir en vrille en s’approchant du cœur des choses, il n’est pas rare qu’on parle du reste. C’est-à-dire de performance, d’écriture, de bêtise, de merde, de Dieu... La rencontre s’est faite du jour au lendemain. Sur un simple coup de fil. Costes l’artiste a beau être "hardcore", Costes l’homme est lui super accessible. On se dit d’ailleurs qu’il en est souvent ainsi des artistes dits cultes. Au fond ils sont simples. Humains. Trop humain. Il nous a d’autant plus proposé de faire ça vite que dès le lendemain il s’envolait pour le Canada afin d’inaugurer le lancement de son nouveau spectacle intitulé "Les petits oiseaux chient". A cette date, signe que son œuvre a un impact aussi bien présent, passé que futur, les éditions Hermaphrodites rééditaient son mythique livre paru en 2003, Viva la Merda.


20 décembre 2006. 19h15. Ça y est, on est dans le 9-3.
A Saint Denis. Après avoir tourné en rond à proximité du square, du canal et du Leader Price indiqués comme points de repères, on trouve enfin sa maison. Il habite vraiment au bord de l’eau. Ambiance. Bucolique malgré la zone latente. Banlieue nord oblige. Bonnet sur le crâne il vient nous ouvrir son portail rouillé et nous invite dans son antre. C’est dans ce 30m2 qu’un mur sépare du domicile "familial" (sa femme et sa fille vivent derrière le mur) qu’il crée et cohabite en toute liberté avec ses démons. Enfin, ses démons c’est plutôt au sous-sol qu’il les libère, dans la cave par laquelle on accède via une petite trappe et un escalier de bois. C’est dans ces sombres soubassements à peine aménagés qu’il joue et s’enregistre à l’aide d’un synthé Casio et d’un magnétophone 4 pistes. C’est ici qu’il lâche, grâce à sa "chaos technique", ce qu’il appelle son "cerveau reptilien", sa part d’irrationnel. La plupart du temps il est cette personne "normale" qui nous reçoit au rez-de-chaussée, domicile de son "cerveau logique".

Il y a peu de choses ici – un mélange d’ascétisme et de taudis – mais assez pour s’asseoir sur un bout de canapé, poser un dictaphone et se faire offrir un verre. Il pousse son Mac de la table basse, nous toucher deux-trois mots à propos de sa nouvelle acquisition ("Je l’ai acheté 400 euros en occase, ça va ?") et nous sert un thé bien chaud. Il nous explique aussi qu’il a racheté cette maison pas chère à un proprio qui possédait toutes les baraques longeant le canal. Accueillant et captivé d’avance par la discussion qui s’annonce Costes ne prend rien. Il a des choses à dire. C’est pour ça qu’il a accepté aussi prestement notre envie de l’interviewer à propos de ce qu’on a appelé sans fard sa connerie. Parce qu’il trouve lui-même qu’il fait ni plus ni moins des conneries. On est là pour en parler – et Dieu qu’il parle ! Sa voix s’emballe et suit des heurts. On a parfois l’impression d’entendre Albert Dupontel. Un autre punk. C’est d’ailleurs l’occasion de parler musique, la passion première de celui qui "voulait jouer du Deep Purple à la base."


Comment parvient-on, comme toi, à accepter de faire des choses qu’on juge connes ?


Mon problème c’est que je trouve mauvais tout ce que je fais. Surtout je me trouve nul et con de base. Je me regarde dans un miroir, c’est mauvais, j’enregistre ma voix sur magnétophone, c’est moche, et je me suis aperçu que j’avais tendance à effacer tout ce que je faisais. Ce que font beaucoup d’artistes. Je me suis donc dit : "Il faut bien que tu avances quand même, alors laisse-toi aller, garde un peu tes conneries, tu les trieras plus tard. Car trois ans plus tard, ce ne sera plus vraiment toi dont la chanson parlera, donc tu réagiras un peu comme n’importe qui d’extérieur et elle pourra même te toucher." Et c’est comme ça que je me suis aperçu que les trucs les plus cons étaient les meilleurs.
Mais en général c’est l’inverse qui se produit : sur le coup on croit qu’on fait quelque de chose de génial et quand le regarde quelques années plus tard on trouve que c’était de la merde parce qu’on a grandi et qu’avec le temps on a réussi à affiner son style…Bah voilà, moi je ne fais pas ça, je ne travaille pas mon style. La seule manière que j’ai vu pour avancer et conjurer le sort qui est le mien c’est de foncer dans le tas ! Je me laisse aller à faire quelque chose qui me parait mauvais. Mais je le fais à fond, j’avance avec une certaine peur et un certain dégoût du truc. Mais maintenant, avec l’expérience que j’ai, je suis de plus en plus sûr de faire un truc bien. Je ne peux pas te dire qu’elle sera la prochaine mauvaise direction où je vais aller – parce qu’il y a des milliards de cases dans le cerveau, donc des milliards de manière d’aborder le réel – mais je sais que cette direction sera la bonne. Plus c’est con, plus c’est intéressant : c’est là qu’il faut aller. Par exemple quand je fais une chanson sur les oxyures qui s’appelle "Miam, miam les oxyures", pour moi c’est la chanson la plus con que j’ai jamais fait, il n’y a sûrement pas de quoi en faire un disque complet sur un sujet aussi con que les vers intestinaux, mais si tu rentres là-dedans, dans le système intestinal, tu découvres un sujet passionnant que personne n’a jamais abordé. Pareil pour la merde. Je ne fais pas que des trucs sur la merde, mais il suffit de faire 1% de ton œuvre sur la merde et ça y est, pour les journalistes tu ne parles que de ça. Mais, très bizarrement, non seulement ils ne te parlent que de merde, mais en fait dans le même temps ils n’abordent pas vraiment le sujet. C’est un truc de fou : ils se contentent de ricaner sur le côté pipi caca ! Ils n’abordent pas ça comme un vrai thème. Mais bon, le caca ce n’est qu’1% de ma production. Dans le tas il y a aussi une chanson d’amour, 2-3 chansons sur le meurtre, une chanson sur le racisme, une sur la gauche la droite, il y a de tout en fait ! Tout et rien. Je parle même de la cuisine japonaise !

La merde pose problème parce que c’est à la fois original, régressif et ultra spectaculaire en soi…
Oui, au bout d’un moment j’ai effectivement compris que c’était un élément spectaculaire que je pouvais utiliser dramatiquement dans un spectacle. Parce qu’aussi mauvais que je sois ce jour-là, la merde fera toujours son effet. Le caca c’est le caca, tu n’as pas besoin de t’agiter, tu le sors, c’est bon, ça ne te demande pas d'énergie.


A quel moment as-tu réalisé que tu n’avais pas de talent ?

 

J’ai toujours pensé ça moi. Je ne sais pas d’où ça vient. A l’école, je ne pouvais pas sortir avec une fille, car j’avais peur de ne pas bander et ça faisait tout foirer ! Aujourd’hui ça continue. Je pense toujours que je n’arriverai pas à faire un autre disque, un autre livre…

Pourtant, on le voit sur ton site, des disques et des livres tu en as sorti un paquet !
Oui, c’est à vomir ! Ma production me dépasse tellement que je n'arrive plus à suivre et à sortir des disques, c'est de la folie, de la diarrhée ! Mais comme en même temps c’est une drogue, si j'arrête j’ai envie de me suicider, car je dépéris directement. Je rajeunis si je fais une tournée, alors que je ne devrais plus faire ça depuis longtemps. Mais voilà, la connerie c’est mon bain de jouvence ! Peut-être parce je rentre dans des éléments primordiaux, merdiques et ça me détend. Ça me fait rire et ça me fait plaisir. Quand tu te vautres dans la merde, après tu es propre. Physiquement et mentalement. C’est comme un mec plein de sueur qui se prend une bonne douche, après une bonne fatigue, il se sent bien après, il se sent lavé, alors qu'il était couvert de boue. Quand tu te couvres avec de la vraie merde, sur le coup tu te dégoûtes mais après t’être douché tu te sens VRAIMENT propre. PROPRE. Tu sais ce que ça veut dire que d'être bien propre, bien savonné. C'est vraiment un plaisir. Tu te sens purifié ! Je pense que ce serait bien que tout le monde passe une heure à se vautrer dans sa vraie merde. J’irais même jusqu’à dire que c'est bon pour la santé. Moi c’est un peu pour ça que j’ai construit une philosophie complète autour de l’apologie de la merde !

Viva la merda parle-t-il de ça ?

 

Non, ça parle du contraire parce que c'est l’histoire d’un mec, typiquement moi, qui veut bien chier sur sa copine quand il bande, mais que ça dégoûte quand il a débandé. C’est l’histoire d’un couple anormal qui dérive totalement. Un jour, ils sont au bord de l'autoroute, il n’y a pas d'air d'autoroute, la nana s'arrête pour pisser et lui ça le fait bander donc il la saute. Le mec rentre donc à fond dans ces obsessions, mais la fille s'en fout, elle accepte juste pour lui faire plaisir. Le problème c’est que le mec s’enfonce là-dedans et comme moralement il n’assume pas ses obsessions, dès que des gens le voient faire, il se sent grillé et il commence par taper sa copine tellement il se sent mal puis il se met à tuer ces gens. Finalement, plus il chie plus il tue. Mais tout ça arrive uniquement parce qu’il croit qu'il a fait une chose immorale en chiant sur sa copine. Il croit que c'est un crime. Ce que sous-entend plus ou moins tout le monde. Moi je suis pareil que ce mec-là. Hors de mes délires, je suis super moraliste et réactionnaire.

 

Comment en es-tu venu à te confronter physiquement à la merde ?

 

C’est un thème qui a déjà été abondamment traité en littérature, mais peu concrètement comme tu le fais…
Le truc qui se passe c’est que quoi je fasse les gens me disent que c’est de la merde. C’est de là que c’est venu. Parce que t’en vient à te dire : "Ah ouais, moi je fais de la merde ? Hé bien je vais te faire un show complet sur la merde, avec des chiottes et tout !" C’est comme les vers, c’est super intéressant ! Tu pourrais passer ta vie entière à parler de la merde non figurée, ce que je ne fais pas, contrairement à ce qu’on dit. Comme je suis assez éclectique, je n’insiste pas là-dessus, mais j’ai bien vu qu’il y avait là une niche commercial de malade ! Et puis la merde, comme tout le monde, c’est un sujet que je trouve moi aussi très con. Je ne suis pas un génie, je suis un mec très con. Je veux dire : je n’ai pas d’intuition et je n’ai pas révolutionner la musique à douze ans et demi. Moi je voulais jouer du Deep Purple à la base, tu vois le genre ? J’ai dérivé par manque de talent. Mais c’est ça qui m’a permis d’être meilleur. C’est très con ce que je dis, mais c’est ça. C’est par manque de talent que j’ai trouvé du champ, par la saturation du son. Assez vite j’ai compris qu’il y avait des trucs à faire là-dedans, que je pouvais me servir d’une certaine maladresse. Parfois c'est une fausse note qui te permet de faire un truc génial et bien, pour moi, la merde c’est pareil, c'est tout ce qui est chaotique, imprévu et qui fait le plaisir dans le cerveau. Tout ce qui est violent et qu’on n’a pas le droit de dire me fait plaisir.

Tu cherches et pratiques de nouvelles approches "artistiques" ? Oui, c’est ça qui est excitant. Et une nouvelle approche, c’est forcément non académique et donc bête parce non réglementé. Donc tout est perçu comme chaos à partir de ce moment-là. C’est comme le mec qui me voit en spectacle : il croit que je fais n’importe quoi. Alors que c’est hyper répété (rires) ! Mais le mec voit du n’importe quoi parce qu’il ne perçoit pas la forme. Mais un mec qui connaît ce que je fais va capter que c’est devenu un académisme. Un académisme du chaos et de la bêtise. Moi, j’ai une méthode pour me lancer dans ce chaos et une fois que j’ai ouvert ce truc-là, je peux faire cinquante CD dans la journée.

C’est quoi ta méthode ?

 

En fait, je crois que tout ce qu’on qualifie de con correspond à la production du cerveau instinctif, auquel s’oppose le cerveau logique. Et en art, si tu emploies le cerveau logique c’est de la merde (au sens figuré, c’est-à-dire que c’est aseptisé, sans aucune valeur, Nda). Tout l’art conceptuel c’est de la merde. Non seulement, cet art est à éliminer mais ces artistes aussi. Il faut leur supprimer leurs subventions et les faire crever la dalle ! Je déteste tous ces gens. Moi, je suis comme le vaudou, j’ai une méthode de laisser aller qui me permet d’éviter la merde du cerveau logique, une méthode qui me permet de mettre en marche mon délire. A un moment donné mon cerveau reptilien part et lui c’est une machine super cohérente qui te sort des fulgurances qui s’apparentent à des bêtises. En fait, c’est comme les mecs qui parlent en langues, les évangélistes quand ils baragouinent : "Oublablablabla !" et qu’il y a un autre type à côté de lui qui traduit le délire. Parce qu’en fait, le mec fait des associations d’idées totalement dingues qui peuvent témoigner d’un problème personnel ou d’une tension dans la communauté. Il sent la situation, mais ce qu’il sent va plus vite que son cerveau, d’où les : "Oublablablabla !". Cela signifie qu’il est en connexion instinctive avec le réel qui est super complexe et chaotique. Ce cerveau reptilien c’est le meilleur qu’on ait. C’est notre cerveau de base.

Comment as-tu fais connaissance avec ton cerveau reptilien et comment le sollicites-tu ?
J’ai tout simplement entendu une connerie là-dessus à la radio. Ça parlait de stress et du cerveau. D’ailleurs c’est con de dire d’arrêter de stresser à quelqu’un, parce que la machine qui te fait stresser coupe ton cerveau rationnel ! Donc tu ne peux pas faire autrement que stresser. C’est l’instinct. Ça veut dire qu’il y a danger, que ton corps réagit à une situation inattendue ! Alors ton cerveau instinctif coupe la raison et fout plein de sang dans tes intestins, tes muscles et moins dans ta tête parce que tu n’as pas de temps à perdre à réfléchir, il te faut de l’agressivité. Il faut que tu sois prêt à courir, taper, etc. Et pour moi, l’art ça doit être pareil : servir à tout sauf à réfléchir. J’ai donc mis au point une méthode pour entrer en connexion avec mon cerveau instinctif. Chez moi, je clean la pièce, je prépare les micros, je mets assez de cassette vidéos dans la pièce, et je m’enregistre en train de laisser parler mon cerveau reptilien. Je ne bois jamais avant de faire ça, parce qu’il faut que je sois assez rationnel pour pouvoir appuyer sur le magnéto. Parfois je le fais en descendant une bouteille de Gin : un truc de malade, je pars, je crois que je vais crever. Je ne bois pas à l’état normal donc au quart de la bouteille je suis déjà parti. Une fois on m’a retrouvé endormi comme ça. Donc je n’utilise pas systématiquement l’alcool, mais quand c’est le cas je vide un tiers de la bouteille dans l’évier. Après, quand je suis revenu de mon délire, je deviens spectateur de moi-même et je juge à froid ce que j’ai fait, je garde les parties que je trouve toujours bien et je jette la plupart des choses qui ne me parlent plus une fois hors de l’émotion de mon délire.

 

A l’époque où tu as inauguré cette méthode vaudou des artistes t’inspiraient-ils un tel passage à l’acte ?

 

Non, parce que j'ai fait ça par hasard. La première fois, c’était en 1984, à l’occasion d’une chanson pop bruitiste sur laquelle j’avais décidé de ne pas mettre des paroles dures comme tout le monde faisait. Parce qu’à l’époque, tu avais soit du rock bruitiste couvert de cris et autres hurlements, soit de la pop à la McCartney avec de gentilles paroles et gentils accords. Les mecs n’arrivaient pas à écrire des paroles sur le bruit. Moi non plus d'ailleurs… Tu connais le disque Pierre et le Loup, pour les enfants

Pas vraiment. Eh en dans ce disque chaque instrument évoque un animal et ça fait que chaque son t’évoque une image. Moi je fonctionne complètement comme ça. De manière très conne. D'ailleurs ma fille, qui a deux ans, est pareille : tu lui mets un morceau en accords mineurs, elle te dit direct : "C'est triste." Elle interprète tout, bien pas bien, directement ! Moi je suis à resté à fond dans cette interprétation en bande dessinée du son. Et voilà, en 1984, j'avais fait un morceau avec des collages de sons et, je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai parlé dessus. Et ce n'était pas du tout un texte trash, c'était l'histoire d'un mec qui lisait des bouquins dans une bibliothèque, un truc très con, et à chaque rupture de son l'histoire changeait, car je l'avais improvisée par-dessus. J'ai trouvé ce morceau dingue, mais je n’arrivais pas à le refaire. J'ai d’ailleurs cru que je ne le referai jamais de ma vie. A cette époque, je continue donc à faire de la musique expérimentale, des trucs de rock, mais sans y penser. Et hop en 1986, un soir de fatigue où j’étais peut-être plus réceptif, le truc m’est revenu et j'ai donc fait 5-6 morceaux dans la foulée donc j'ai sorti un album. Ce n’est qu’après que je suis devenu une machine. Maintenant, tu me mets n'importe quel bruit et ça y est je te ponds un truc. C’est de la folie bureaucratique ! Je te fais ça au kilomètre tous les jours, à tel point que ça peut être tout aussi nul et académique que le reste. Enfin, pour moi ! Mais bon, on ne peut pas inventer deux trucs dans sa vie. Un c'est déjà pas mal. C'est pour ça que ça m’a attiré lorsque tu m'as parlé du thème de la connerie au téléphone l’autre jour. Je t'ai dit : "Ça tombe trop bien car j'ai justement remarqué que plus je jouais dans la zone de la connerie plus c'était intelligent, tout simplement." Dès qu'il y a marqué "interdit" il faut y aller. En art évidemment. Pas dans la rue. Parce que si tu fais ça dans la rue tu vas te prendre un camion dans la gueule.

 

Considères-tu que ton art soit moralisateur ?

 

Non, parce que je sais que je suis super fort. Enfin, je m'excuse de le dire mais en même temps je m'en fous. Je le sais, mais je ne le dis pas, genre je ricane. Mais moi je sais que ce que je fais est tellement puissant qu’il n’y a personne au-dessus de moi en ce moment. C'est tout ce que je pense. Qu'on me trouve le mec au-dessus ! Que ce soit texte ou autres. Personne ne me battra en chanson. Je ne parle pas arrangement et mélodie mais brutalité tripale. Vas-y, sors le moi ce mec qui fait mieux que moi ! Déjà j'en vois plein qui m’imitent et qui n’y arrivent pas. Par rapport à certains trucs que j'ai faits, ce n'est même pas la peine, il n’y a personne de l'époque, en France, qui s'aligne. Ailleurs, c’est possible, je ne sais pas


Qui sont les gens qui t'imitent ?

 

Aujourd’hui il y a tout un pan de musique noise avec des paroles alors évidemment, pour eux, Costes et ses vieilles cassettes, c’est devenu une référence. Même aux Etats-Unis. Surtout là-bas parce que pour eux c’est presque normal de mélanger chaos et sens. Ce que je fais ce n’est pas juste des bruits à la con, genre l’Ircam. On peut faire du bruit et exprimer des sentiments joyeux, tristes, toute la palette des sentiments dans le chaos musical. Et des fois ça peut devenir harmonieux parce que c’est aussi une des composantes de l’art et je ne la rejette pas. Au milieu de ton bruit, tu as le droit de faire une chanson pop. Sauf qu’il y a des connards qui n’osent pas ! Parce que la chanson pop pour eux c’est de la connerie. Et puis d’un autre côté, tu as les mecs qui critiquent ton bruit et si tu leurs fait une chanson simple et pop, ils se permettent encore de te cracher dessus sous prétexte que maintenant tu es excessivement ringard. Alors va comprendre !

 

Ils trouvent louche que d’un coup tu te jettes dans la gueule du bon goût ?

 

Oui, c’est comme si j’étais maintenant dans un excès de sûreté. En fait, pour ces mecs il faut être dans un milieu tendance, ça autorise 0,0001% de caca dans les œuvres. Alors par exemple ça va donner une pièce de théâtre qui va te faire dire : "Oh ! On s’emmerde" et dans le même temps "Ohohohohoho !", genre un truc t’a un peu choqué, mais limite tu en rigoles. C’est une question de dose, ce qu’ils appellent la charge subversive, toutes ces connerie ! S’il y en a qui sont cons c’est les mecs qui se croient intelligents. Pour ceux-là c’est chaud.

 

En ayant recours au cerveau reptilien, toi tu pioches dans ce que tout le monde renie ?
Oui, parce que personne n’emploie ce moteur-là. Comme tout le monde a peur de passer pour un con, tout le monde emploie un moteur rationnel avec quatre diplômes derrière comme on nous le conseille vivement. Moi quand le mec de chez Fayard (l’éditeur qui a sorti en 2006 son deuxième livre intitulé Grand-père, Nda) a pris un de mes CD, il a dit : "Ah ! Mais vous n’êtes pas signé sur un label." Voilà, en France il te faut une preuve comme quoi tu es raccordé à une institution, c’est comme un diplôme ça veut dire que ton délire est intelligent, que tu es en règle, que tu peux circuler. Par contre, si tu te lances tout seul dans ton chaos chez toi en braillant au fond d’une cave dans une banlieue sordide, ça coince. Là tu vas avoir l’air con et on te dira que tu fais de la merde. Alors autant emballer des paquets de merde et leur lancer dessus.

 

Donc ta motivation c’est de donner une image de l’homme dans sa…

 
Non, ma motivation de base pour la musique c’est je suis frustré et que j’ai envie de faire chier les gens pour me venger et me faire remarquer des filles ! Moi je n’ai pas envie d’améliorer quoique ce soit. Mais il se trouve qu’avant, comme j’étais frustré et que j’avais beaucoup de temps à perdre à faire mes trucs de haine et de branleur, je suis tombé sur une mine à force de travailler : une mine de caca qui n’avait jamais été exploitée avant (fou rire) ! Une mine de connerie sans fond. Sans fin. Et super bonne à exploiter.

 

Les gens comprennent ce que tu fais ?

 

Je crois que n’importe qui pourrait comprendre !

 

Beaucoup ne voient que ton côté trash, non ?

 

Oui, mais plein de gens ne s’arrêtent pas à ça. Certains ne prennent que le côté subversif à deux balles, mais maintenant il y a aussi des gens plus jeunes qui trouvent carrément romantique ce que je fais. Des nanas de 18 ans trouvent que je fais juste de la beauté alors que lorsque j’ai commencé plein de filles pensaient que c’était un truc de mec bourré au service militaire qui monte sur la table pour montrer sa bite. Mais à cette époque, il y avait déjà des Japonaises qui trouvaient ça romantique. Moi-même ça m’avait étonné. Parce que moi-même je ne savais pas que j’étais romantique, moi-même je me jugeais mal.

 

Tu t’es plus vite fait connaître et apprécier au Japon qu’en France ?

 

Non, c’est juste qu’à l’époque j’ai trouvé plus vite des dates à New York et à Tokyo qu’en France. En France, je ne pouvais pas jouer à moins de louer moi-même la salle. Aux Etats-Unis, c’est différent, ils n’attendent pas que d’autres se mouillent, ils font les choses et c’est pour ça qu’ils créent la mode mondiale. En France, on attend de voir si on a le droit d’aimer, parce qu’on est colonisé. On regarde : "Ah ! Ce petit bruitisme-là a l’air branché en Angleterre et aux Etats-Unis !" et hop tout le monde va aimer la même musique. Mais ce même petit bruitisme, quinze jours avant on n’avait pas le droit de l’écouter. Je ne sais pas si les Etats-Unis vont rester encore longtemps le leader culturel mondial, mais pour l’instant ils tiennent ce rôle car c’est un pays où ils cherchent dans la merde des gens pour faire quelque chose. Là-bas, des gens sont au sommet de la société et regardent les trucs underground les plus nuls et disent : "Toi, mets du pognon et lance tel truc dans le monde entier." C’est comme ça que ça se passe. Hé ! Il n’y a pas de secret, il faut bien les faire sortir de quelque part les Michael Jackson et consorts. Et c’est des poubelles qu’ils sortent, de la pauvreté forcément, sinon on ne les prendrait pas. Aux Etats-Unis si tu n’es pas connu et que ton style est inclassable, tu peux donc toujours faire une tournée. Au début j’ai fait une date, puis deux et ainsi de suite. Et une fois que je suis revenu des Etats-Unis, ça y est j’avais des dates en France. Parce que j’avais l’AURA USA. Il faut jouer à fond là-dessus. Ça permet d’alimenter le mythe. Enfin, le côté aventurier. Et ça le fait, quoi.

Comment te sens-tu en France avec l’originalité de ton art... et ton aura USA… ?

 

Moi je suis le mec le plus riche et le plus moderne en ce moment. Parce que je suis le mec qui arrive à se passer d’un maximum de choses sans tomber dans la misère. Je domine la situation avec un minimum de matière. Au lieu de nous parler d’économie d’énergie, on ferait mieux de nous parler de baisse de consommation pour qu’on s’éclate plus avec l’imaginaire. Aujourd’hui on découvre encore des gens qui font plein de choses super dans les milieux musicaux indépendants. Avec de très petits moyens ils inventent une forme de société vraiment cool. Et c’est peut-être un modèle à suivre, qui sait ? Si j’avais eu beaucoup de moyens à ma disposition, je n’aurais pas compris et fais ce que je fais aujourd’hui. Les cons ce sont ceux qui croient qu’on va avoir des nouvelles solutions si on a plus de giga, plus de ci, plus de ça !

 

On va vers une grosse paralysie ?

 

Oui et on ne va pas s’arrêter. On va crever de cette confiance dans une fausse intelligence.